Qui a dit qu’il n’y a que des mauvaises nouvelles dans les médias ? Tous les samedis cet été, nos chroniqueurs vous proposent des histoires sous le signe de l’espoir.

Avez-vous déjà fureté sur les sites de ventes d’objets comme Marketplace ou Kijiji ? Il y a quelque chose de fascinant d’un point de vue anthropologique. Que faut-il comprendre de la femme qui vend sa collection de cuillères provenant des villes qu’elle a visitées au cours de sa vie pour la somme de 15 $ ? Ou de cette annonce où l’on propose quatre plats Tupperware pour 1 $ ? Ou une sélection de vieux jeux de football de Mattel Electronics ?

Qui sont ceux qui veulent vendre ces objets ? Qui sont ceux qui pourraient les acheter ? Une visite sur ces sites procure un incroyable plaisir (coupable). Je vous le recommande les jours de grisaille.

Mais en même temps, cette expérience nous fait voir l’abrutissement du consumérisme auquel nous ne pouvons échapper. Le jour où j’ai vu, sur l’un de ces sites de bric-à-brac virtuel, la photo d’un entrepôt grand comme un terrain de football rempli de sacs d’objets qu’on proposait de vendre « à la palette », j’ai eu le vertige. J’ai vu le chemin de ces centaines de milliers d’objets, et ça m’a donné le vertige.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Marco Baron

Peu de temps après, l’histoire de Marco Baron a attiré mon attention. Las de ces fameux sites, le citoyen de Victoriaville a eu envie de leur faire un pied de nez. « Pourquoi toujours vendre, vendre, vendre ? me dit-il en entrevue. On est comme pris dans une spirale. J’ai voulu trouver une idée qui serait différente, qui apporterait autre chose. »

Comme beaucoup de gens, Marco Baron avait accumulé au fil du temps des objets qui, après avoir joué un certain rôle et donné ce qu’ils pouvaient donner, ont été mis à la retraite sur des tablettes du garage ou dans des boîtes entreposées au sous-sol.

Après avoir réfléchi au sens qu’avaient ces objets pour lui, Marco Baron a eu l’idée d’organiser un marché aux puces chez lui où tout serait offert… gratuitement. Oui, vous avez bien lu. Plutôt que de tenter de récolter quelques centaines de dollars en profit, ce citoyen a préféré tout donner.

Certains de mes amis ont trouvé cela étrange. Ils m’ont demandé si j’allais devenir un adepte du minimalisme.

Marco Baron

Marco Baron s’est ensuite demandé comment il allait nommer ce concept singulier. Il avait évidemment en tête Donne au suivant… Il a finalement opté pour Donne à ton tour.

Pour limiter le nombre d’objets dont allaient s’emparer les visiteurs, il a d’abord imaginé un concours d’habileté. Mais finalement, il a décidé de créer une règle toute simple qui a donné un ton philosophique à cet événement.

« Les gens avaient le droit de prendre de un à trois objets, mais à une condition, celle d’offrir à leur tour un, deux ou trois objets à d’autres personnes », explique-t-il.

La consigne a été rédigée sur un bout de papier qui était remis à chaque visiteur lors de la vente qui s’est tenue le 25 mai dernier. Les gens sont repartis avec le petit papier que Marco avait imprimé à 150 exemplaires.

« Règle 1 : pour chaque objet reçu gratuitement, tu dois en donner un qui t’appartient à une personne ou à une cause d’ici un mois. Règle 2 : tu dois redonner tout objet à une personne qui n’habite pas chez toi. Règle 3 : aucun argent n’est en jeu. Aucun objet de cette activité ne doit être revendu. On donne au suivant ! »

Lors de cette vente qui n’en était pas une, Marco Baron accueillait chaque visiteur. Cela brisait le malaise qui règne souvent lors de ces fameuses « ventes de garage ». On se sent toujours un peu voyeur… On n’ose pas échanger avec les gens… Si on juge les objets sans intérêt, une gêne s’installe au moment de partir.

« Moi, j’allais immédiatement vers les gens et je leur demandais s’ils savaient comment ça marchait, raconte-t-il. Certains avaient une drôle de réaction. Ils me disaient : “Ben oui, c’est une vente de garage, on sait comment ça fonctionne !” Quand je leur expliquais le principe, ils se demandaient si ce n’était pas une arnaque. Bizarrement, les enfants comprenaient plus rapidement. »

Parmi les objets offerts par Marco Baron et sa conjointe, il y avait un climatiseur, un four à micro-ondes, un vélo, une chaise d’ordinateur… « En repartant avec des objets, les gens me disaient que j’étais une bonne personne, dit-il. Je leur disais qu’eux aussi étaient de bonnes personnes car ils allaient donner à leur tour. »

Marco Baron n’a pas vérifié si les preneurs d’objets avaient respecté l’entente. « Je m’en suis remis à leur conscience », dit-il.

J’ai demandé à Marco Baron si cette initiative était le fruit d’un cheminement personnel. Il m’a expliqué que son travail comme expert en gouvernance d’OBNL lui faisait rencontrer toutes sortes de gens. « Tous mes clients sont à la tête d’organismes sans but lucratif ou de bienfaisance. C’est sûr que ça m’a changé au fil du temps », ajoute l’ancien directeur de la Chambre de commerce et d’industrie Bois-Francs/Érable.

Marco Baron est heureux d’avoir fait cette vente, d’avoir fait ce geste. Il souhaite maintenant que d’autres personnes imitent son geste en s’inspirant de ce concept.