L’eau baisse, mais lentement. Très lentement. Deux mois après les plus récentes inondations printanières qui ont touché le sud du Québec, le lac Ontario, qui alimente le fleuve Saint-Laurent, demeure à un niveau record. Afin d’éviter une nouvelle crue dévastatrice en 2020, le Canada et les États-Unis ont décidé d’augmenter le débit dans le plan d’eau afin d’en faire baisser le niveau. Mais la décrue espérée pourrait encore prendre des semaines, voire des mois, avant de se matérialiser. Sans garantie de succès.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Pour tenter de rétablir rapidement la situation, la Commission mixte internationale gérant les eaux partagées par le Canada et les États-Unis a décidé au début du mois de juin d’augmenter le débit de l’eau qui sort du lac Ontario.

- 12 cm Deux mois après les inondations qui ont forcé l’évacuation de 10 000 personnes dans 250 municipalités, le lac Ontario se trouve toujours à un niveau de 75,80 m. C’est 10 cm de plus que le record précédent à pareille date, établi en 2017. C’est également près de 80 cm de plus que la moyenne historique observée ces 100 dernières années à ce moment de l’année (75,03 m). En fait, malgré le temps sec des dernières semaines, le niveau de l’eau a peu diminué. « Le niveau du lac a baissé de seulement 12 cm depuis qu’il a atteint son sommet de ce printemps. C’est encore très élevé. Des inondations et des dommages surviennent encore par vents forts ou lors des tempêtes », indique Jacob Bruxer, du Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.

Hausse du débit des eaux Pour tenter de rétablir rapidement la situation, la Commission mixte internationale gérant les eaux partagées par le Canada et les États-Unis a décidé au début du mois de juin d’augmenter le débit de l’eau qui sort du lac Ontario. Celui-ci a été haussé à 10 400 m3/s, soit légèrement plus que le débit normalement jugé sécuritaire pour la navigation. Fait inédit, la Commission a décidé de maintenir ce débit supérieur tant que le niveau du lac Ontario n’aura pas diminué de 30 cm, afin de passer sous la barre des 75,5 m. On prévoit que ce seuil devrait être atteint vers la mi-août. Mais ce débit supérieur pourrait être maintenu jusqu’à l’automne afin de continuer à réduire le niveau du lac Ontario d’ici la fin de 2019.

Pas de niveau sécuritaire garanti Afin d’éviter de nouvelles inondations en 2020, « le Conseil a l’intention d’abaisser le niveau d’eau avant l’hiver autant que possible ». Mais malgré la hausse du débit, on prévient qu’il est impossible de garantir que les eaux atteindront un niveau sécuritaire d’ici la fin de l’année. En effet, les ouvrages permettent de contrôler le niveau d’eau qui sort du lac Ontario, mais pas celui qui y entre. Le Conseil note par ailleurs que les conditions climatiques fluctuent énormément et envisage ainsi qu’« un niveau d’eau particulièrement extrême pourrait être atteint plus souvent que par le passé ». « Il y a beaucoup de fluctuations d’une année à l’autre, mais on constate que la région a connu deux années records en trois ans », note Jacob Bruxer.

Navigation touchée Ce débit élevé pour réduire le niveau du lac Ontario a forcé la Corporation de la Voie maritime, qui gère la navigation dans le secteur, à mettre en place des mesures de mitigation afin d’assurer la sécurité sur le plan d’eau. Parmi ces mesures, la vitesse des navires a ainsi été restreinte, de 8 à 14 nœuds selon les secteurs. Une étroite surveillance a été mise en place afin d’en assurer le respect. Il n’y a « aucune tolérance pour les navires dépassant la limite de vitesse », prévient Pierre Morin, porte-parole de la Voie maritime. Les navires doivent également utiliser un propulseur d’étrave, un dispositif à l’avant afin d’en améliorer la manœuvrabilité. Ceux qui n’en disposent pas doivent faire appel à un remorqueur, notamment à l’approche de l’écluse d’Iroquois, en Ontario.

Impossible d’augmenter davantage Alors que le niveau des eaux tarde à diminuer, le Conseil a étudié la possibilité d’augmenter encore davantage le débit du lac Ontario, mais ce scénario a été écarté pour le moment en raison des conséquences appréhendées. Il faudrait en effet interrompre la navigation sur le fleuve Saint-Laurent, entre le lac Ontario et Saint-Lambert. On évalue que l’impact économique se chiffrerait à 50 millions par jour. Et comme il faudrait compter au moins quatre semaines pour voir le niveau des eaux baisser suffisamment, la facture pourrait atteindre 1,4 milliard. Et au-delà de l’impact économique, les eaux remonteraient dans certains secteurs déjà inondés, juste en amont de Montréal. Un tel débit pourrait aussi avoir des conséquences environnementales sur les poissons et sur la faune.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La Ville de Montréal doit entreprendre sous peu des travaux pour réparer des portions de la piste cyclable qui longe le boulevard Saint-Joseph, entre la 12e Avenue et la 21e Avenue, à Lachine. 

Dommages à Montréal Le niveau élevé de l’eau sur une période prolongée provoque certains dommages. Ainsi à Lachine, la Ville de Montréal doit entreprendre sous peu des travaux pour réparer des portions de la piste cyclable qui longe le boulevard Saint-Joseph, entre la 12e Avenue et la 21e Avenue, où une partie de la chaussée s’est effondrée, créant des nids-de-poule. « Ce sont des bris occasionnés par la crue des eaux. On a été plus touchés que les années précédentes », explique Serge Simard, porte-parole de l’arrondissement montréalais.