Après avoir longtemps exploité une crèmerie, Louis Pinsonneault et sa femme, Robin Pope, se sont offert un nouveau terrain à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot pour se bâtir une maison… et une retraite. C’était avant que la parcelle de terre, qui n’a pas été inondée ces dernières années, figure parmi les « zones d’intervention spéciales », statut qui rend impossible toute construction. Petite lueur d’espoir : des propriétaires pourront échapper au moratoire, puisque le gouvernement Legault a confirmé que des erreurs s’étaient glissées dans la nouvelle cartographie.

Consultation à Vaudreuil-Soulanges : feu nourri contre la nouvelle cartographie

La nouvelle cartographie des zones inondables a un goût amer pour Louis Pinsonneault et sa femme, Robin Pope. Après avoir exploité une crémerie populaire pendant un quart de siècle, ces résidants de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot avaient de grands projets pour leur retraite. Des projets aujourd’hui en péril.

En janvier dernier, le couple s’est offert un terrain sur lequel il prévoyait se construire une nouvelle maison, à un demi-kilomètre de sa résidence actuelle. Les démarches étaient bien avancées : avant l’achat du terrain, il s’est assuré d’avoir toutes les autorisations nécessaires pour la construction d’une maison délivrées par la municipalité. Plans de technologues, plans d’ingénieurs pour la fondation, plan d’arpentage, plans d’implantation : M. Pinsonneault et Mme Pope ont tout soumis au conseil de leur municipalité.

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Plans de technologues, plans d’ingénieurs pour la fondation, plan d’arpentage, plans d’implantation : M. Pinsonneault et Mme Pope ont tout soumis au conseil de leur municipalité. Tout se déroulait comme prévu, jusqu’à l’annonce du décret sur les zones inondables, il y a deux semaines.

Tout a été approuvé par le conseil. Le feu vert a été donné. Tout se déroulait comme prévu, jusqu’à l’annonce du décret sur les zones inondables, il y a deux semaines, soit deux jours avant la délivrance de leur permis de construction. La nouvelle cartographie incluait leur nouveau terrain. Ni leur maison actuelle ni leur nouveau terrain n’ont été inondés ces dernières années. Auparavant, ils n’avaient jamais été considérés comme en zone inondable. Or, 450 000 $ sont passés dans le projet de maison, « une très grande portion » de leurs fonds de retraite. Le couple ne sait toujours pas comment se dénouera cette histoire.

« On n’a plus de maison, et on n’a plus de projet », dit M. Pinsonneault. 

On ne sait pas quoi faire. Qu’est-ce qu’on fait si on ne peut pas construire sur notre nouveau terrain ?

Louis Pinsonneault

Pour aider à financer leur projet, M. Pinsonneault et Mme Pope ont mis leur maison en vente en janvier dernier, soit au moment même où l’acquisition du terrain était faite. L’emménagement devait se faire à la fin du mois d’août, mais aujourd’hui, même ce projet est sur la glace : ils ne savent pas où ils vivront à la fin de l’année.

M. Pinsonneault et Mme  Pope se sont présentés hier à l’une des consultations publiques sur le sujet, qui se déroulait à l’hôtel Château Vaudreuil, afin de faire connaître leur histoire et de trouver réponses à leurs questions. Ils n’étaient pas les seuls.

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Des résidants de Vaudreuil-Soulanges, de Saint-Anicet, de Rigaud, de Saint-Zotique, de Coteau-du-Lac, notamment, sont venus témoigner de leur confusion et, dans bien des cas, exprimer leur mécontentement.

Des cartes brouillées

Quelque 300 résidants de Vaudreuil-Soulanges et des environs – de Saint-Anicet, de Rigaud, de Saint-Zotique, de Coteau-du-Lac, notamment – sont venus témoigner de leur confusion et, dans bien des cas, exprimer leur mécontentement. Il manquait de place pour accueillir tout le monde : il y avait des gens debout le long des murs, des gens au fond de la salle, des gens à l’extérieur. Même des agents d’aide psychosociale avaient été mobilisés en prévision de cette assemblée qui s’annonçait houleuse.

Les commentaires les plus acerbes étaient les plus chaudement applaudis. Bien des gens ont raconté une histoire qui faisait écho à celle de M. Pinsonneault. Beaucoup estiment que leurs propriétés n’auraient pas dû être considérées comme en zones inondables.

Mme Pope s’est présentée au micro pour un commentaire bien senti. « C’est clair que le gouvernement a mis la charrue devant les bœufs dans cette affaire. Combien de gens y a-t-il dans votre armée de bureaucrates qui devront corriger le tir ? », a-t-elle demandé aux membres du gouvernement présents, dont Yannick Gignac, directeur régional de la Montérégie pour le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

« Tic-toc, le temps file ! a ajouté Mme Pope. J’avais des entrepreneurs prêts à travailler, j’ai une vie à vivre, et je n’ai pas 20 ans pour attendre que le gouvernement répare les pots cassés. » 

Il y a des gens ici qui n’ont jamais vu une goutte d’eau sur leur terrain et qui seront ajoutés à la pile de réelles victimes économiques des inondations sans raison. Nos maisons sont nos filets de sécurité, et vous les avez déchirés.

Robin Pope

D’autres intervenants, à l’instar de Mme Pope, n’y sont pas allés de main morte non plus. Parmi ceux-ci se trouvait Raymond Allard de Vaudreuil-Dorion : « Avec une carte comportant autant de faussetés, le gouvernement s’expose à une action collective », a-t-il déclaré au micro sous un tonnerre d’applaudissements.

Même le maire de Saint-Anicet, Gino Moretti, en a profité pour vilipender le gouvernement. « Beaucoup de projets sont présentement en attente. Des citoyens viennent se plaindre et j’essaie de gérer ça, même s’il n’y a pas d’inondations dans notre coin ! »

Les membres du gouvernement ont tenté de calmer le jeu en rappelant que des corrections allaient « bientôt » être apportées à la carte actuelle.

Rupture d’une digue au printemps : les résidants de Sainte-Marthe-sur-le-Lac exigent des réponses

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Les citoyens de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, inondés par la rupture d’une digue le 27 avril, sont dans une catégorie à part par rapport à ceux d’autres zones touchées par la crue printanière de 2019.

« J’ai besoin d’une réponse maintenant. Je veux rester, mais pas à n’importe quel prix », a lancé Diane Roy, une résidante de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. « Quand va-t-on avoir les informations ? », a demandé un autre propriétaire, à propos de la baisse de valeur des maisons.

Quelque 800 résidants de Sainte-Marthe-sur-le-Lac se sont entassés sur le parterre et dans les gradins de l’aréna Olympia de Deux-Montagnes pour assister à l’assemblée publique de consultation sur le projet de décret concernant la zone d’intervention spéciale. Leurs questions, cependant, touchaient davantage les conséquences de la dernière inondation et ses suites : les modalités des indemnités pour ceux qui veulent déménager, l’entretien de la digue et les assurances, notamment.

Les citoyens, inondés par la rupture d’une digue le 27 avril, sont dans une catégorie à part par rapport à ceux d’autres zones touchées par la crue printanière de 2019. « Le décret, en très grande partie, ne s’applique pas à Sainte-Marthe-sur-le-Lac », a dit d’emblée le sous-ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Jean Séguin, aussi coordonnateur de l’action gouvernementale dans la municipalité depuis le début de mai.

Exception

Contrairement aux résidants des autres municipalités du Québec touchés par les inondations, ceux de Sainte-Marthe-sur-le-Lac auraient le droit, en vertu du décret, de reconstruire un bâtiment même s’il a perdu plus de la moitié de sa valeur à neuf. Les terrains vacants en date du 10 juin 2019 devront cependant le rester.

N’en reste pas moins que les résidants présents hier ont fait entendre leurs inquiétudes de façon plus globale. Au micro, des gens ont défilé pour exprimer leur désir de déménager ou de rester tout en étant dédommagés adéquatement.

Richard Cyr, propriétaire d’une maison dans la municipalité depuis les années 70, croit que le gouvernement devrait carrément racheter toutes les propriétés dans le secteur et en faire un espace vert. « Pourquoi ne pas racheter à pleine valeur toutes les propriétés ? », a-t-il demandé, sous les applaudissements.

Michel Taillefer a quant à lui questionné les représentants présents sur l’entretien de la digue. 

Sur le plan de l’entretien des digues, pourquoi c’est laissé aux municipalités ? On ne serait pas ici si ça avait été vérifié et fait comme il faut.

Michel Taillefer

Marc Croteau, sous-ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, a répondu qu’il y aurait des « modifications législatives pour encadrer la gestion, la surveillance, l’entretien et le suivi » nécessaires des digues.

Des citoyens ont également fait part de leurs inquiétudes quant à la hausse du coût des assurances, à la suite des inondations et de la nouvelle carte. Si M. Séguin s’est fait rassurant, expliquant que des discussions sont en cours avec des institutions financières, il a précisé que le gouvernement n’impose pas les conditions aux assureurs.

Une rentrée à reculons

Un père, temporairement relogé dans une autre ville en raison du sinistre, s’est aussi inquiété de l’endroit où il devait inscrire son fils à l’école.

Mélanie Brière, qui fait partie d’un regroupement de six familles touchées qui a interpellé le premier ministre dans le dossier, s’est aussi inquiétée de la rentrée scolaire de sa fille de 8 ans.

Rencontrée avant l’assemblée, elle a confié vouloir déménager. « On ne sait pas si on l’inscrit ici ou si on va partir avant », a-t-elle dit. Pour l’instant, son conjoint et elle dorment dans la salle à manger pour laisser la chambre à leur fille, qui était installée au sous-sol.

Les réponses débouleront dans les prochains jours, a assuré M. Séguin à l’assemblée.

Tracé des nouvelles Zones inondables : la Beauce voit rouge

PHOTO CAROLINE GRÉGOIRE, ARCHIVES LE SOLEIL

Plusieurs Beaucerons, surtout les plus âgés, ont demandé au gouvernement de draguer la rivière Chaudière, ou de construire des bassins pour accueillir l’eau au printemps. Sur notre photo, un aperçu des inondations à Sainte-Marie, le 20 avril dernier.

Le décret du gouvernement Legault sur les nouvelles zones inondables a été reçu par un barrage de critiques en Beauce. Des citoyens, des élus municipaux et même un député caquiste ont profité d’une soirée de consultation pour tirer à boulets rouges sur le tracé des nouvelles zones inondables.

«  Dans les cartes sur votre site, il y a des erreurs qui sont majeures et qui font paniquer des gens qui en ont assez de vivre avec ce qui s’est passé en 2019 sans se faire ajouter un stress additionnel », a lancé au micro Luc Provençal, député caquiste de Beauce-Nord, en direction des hauts fonctionnaires sur la scène.

L’élu a été chaudement applaudi par les quelque 500 personnes qui s’entassaient dans une salle de Sainte-Marie.

La Beauce est à cran. Elle se remet des pires inondations de son histoire.

Le gouvernement a annoncé le mois dernier un décret pour créer des zones d’intervention spéciale (ZIS) où la construction et la reconstruction seront interdites ou limitées. Les ZIS regroupent les zones inondables 0-20 ans et celles qui ont été inondées en 2017 et 2019.

Or, en Beauce, ces zones sont importantes, puisque les inondations du printemps dernier ont été historiques. Des élus se demandent maintenant combien ils perdront en recettes fiscales, ou si des secteurs commerciaux entiers pourront survivre.

« Il y a des zones où on a échappé le pot de peinture rouge », a renchéri le député Provençal.

« Ç’aurait été intéressant que les gens qui ont écrit ça fassent une visite de nos municipalités qui bordent la rivière Chaudière pour au moins comprendre la géographie, a-t-il dit. Dans certains cas, même si on veut déménager un centre-ville, ça va être impossible. »

Draguer la rivière ?

La soirée de consultation d’hier en Beauce – une parmi plusieurs au Québec – mènera à la publication d’un rapport la semaine prochaine. Le gouvernement entend adopter une version définitive du décret à la mi-juillet. C’est alors que les limites exactes des ZIS seront connues.

« Des gens se réveillent avec leur domicile peinturé en rouge, qui doivent vous contacter, qui ont peur d’être mal reçus par les fonctionnaires », a dénoncé Jeannot Roy, maire de Saint-Joseph-des-Érables.

Nous, on a des cartes, on a les zones, mais on n’est pas consultés. Et là, on se retrouve avec la patate chaude et on doit tempérer le chaudron !

Jeannot Roy

Plusieurs Beaucerons, surtout les plus âgés, ont demandé au gouvernement de draguer la rivière Chaudière, ou de construire des bassins pour accueillir l’eau au printemps.

« Voilà 40 ans, on a commencé à nettoyer la rivière Chaudière et on n’a plus eu d’inondations. Il faudrait recommencer à vider la rivière », a proposé un citoyen, Gilles Lessard.

« Ce serait la responsabilité du gouvernement, plutôt que de nous mettre des barrières pour nous mener comme une gang d’animaux, vous suivez pis vous fermez votre gueule ! »

Commerçants inquiets

Pascal Maheux, lui, possède un terrain commercial à Sainte-Marie. Il explique l’avoir payé cher, car il était justement situé dans une zone réputée non inondable. Mais à cause des inondations sans précédent de 2019, il se retrouve dans les plans préliminaires des nouvelles zones inondables.

« Il en devient quoi, de ma valeur, si demain matin mon terrain devient rouge ? a demandé l’homme au micro. Personne ne va racheter ça si on peinture ça rouge ! »

« On prend note », a répondu le haut fonctionnaire.

Frustrations et découragement à Trois-Rivières

Une trentaine de citoyens de la région ont profité de la consultation publique sur le projet de zone d’intervention spéciale (ZIS) pour exprimer leurs craintes et poser leurs questions à des représentants du gouvernement du Québec, hier soir, à Trois-Rivières. Mais nombre d’entre eux avaient surtout des frustrations par rapport à la cartographie de cette zone et aux difficultés de communication entre les municipalités, les MRC et le gouvernement. Des citoyens ont critiqué le fait que leur propriété ou leur terrain se retrouvent compris dans la ZIS alors qu’ils n’ont été inondés ni en 2017 ni en 2019. « Je réside en bordure de la rivière Saint-Maurice et je suis en démarche pour vendre, a raconté un résidant de Trois-Rivières. Mais je suis dans la ZIS alors que je suis 70 pieds au-dessus de la rivière et que je n’ai jamais été inondé. Je risque de perdre mon acheteur parce qu’il ne peut pas construire un garage sur le terrain. Vous sortez une affaire qui n’a pas d’allure, et moi, je suis pénalisé ! » Les représentants du gouvernement ont assuré les citoyens présents que la cartographie était en train d’être révisée en fonction des erreurs et des anomalies signalées par les municipalités. 

— Le Nouvelliste 

« Ça n’a pas de bon sens », dit le maire de Gatineau

Les Gatinois ont été nombreux à faire entendre leur mécontentement hier lors des consultations publiques tenues par le gouvernement québécois à propos de la carte de la zone d’intervention spéciale (ZIS). À l’issue de la consultation sur Gatineau au Palais des congrès, le maire Maxime Pedneaud-Jobin espère que les changements à la carte seront appliqués avant le décret qui devrait survenir à la mi-juillet. « Il y a des aberrations dans la carte actuelle, le gouvernement le reconnaît. Les fonctionnaires qui sont là ce soir disent qu’il va y avoir des changements. On va regarder ça de très près et on va s’assurer que les corrections sont apportées. » M. Pedneaud-Jobin souligne que la Ville collabore avec Québec afin de corriger le tir. « On leur a fait parvenir nos cartes, on travaille avec eux pour régler la situation. D’ailleurs, on leur a dit : “La prochaine fois, avertissez-nous avant.” […] Ils devraient avoir le réflexe de nous appeler. Parce que là, ça n’a pas de bon sens, on est en train d’inquiéter des gens et de mettre en danger des projets. » Une autre consultation, tout aussi houleuse, a eu lieu à Campbell’s Bay, hier après-midi. 

— Le Droit