(Ottawa) La ministre fédérale des Services publics et de l’Approvisionnement défend l’idée d’assouplir les règles de l’appel d’offres concernant les retombées afin de permettre au chasseur furtif F-35 d’être dans la course, malgré les protestations des concurrents.

Carla Qualtrough a déclaré jeudi que cet assouplissement était nécessaire pour assurer une vive concurrence dans l’appel d’offres visant à remplacer les vieux CF-18 canadiens — un contrat de 19 milliards pour l’achat de 88 nouveaux avions de combat.

« Les innovations et les modifications que nous adoptons permettront à tous les fournisseurs admissibles de participer (à l’appel d’offres) tout en appliquant les mêmes règles à tous, sur un pied d’égalité », a expliqué Mme Qualtrough, jeudi, dans son allocution au Salon canadien de la défense et de la sécurité (CANSEC), à Ottawa. « Il s’agit d’un processus complexe. Plus complexe que tout ce que le gouvernement fédéral a mené jusqu’ici. »

Le gouvernement souhaite supprimer une exigence historique qui prévoit que les entreprises s’engagent juridiquement à reverser à l’industrie canadienne une part des sommes du contrat. Cette idée fait suite à des plaintes de Washington, qui soutient que cette exigence de retombées économiques viole l’accord que le Canada a signé en 2006 lorsqu’il est devenu l’un des neuf pays partenaires dans le développement du « F-35 », mis au point par le constructeur américain Lockheed Martin. En échange d’un prix réduit pour les « F-35 », les partenaires doivent contribuer financièrement au développement de l’appareil — le Canada y a investi plus de 500 millions à ce jour.

Les partenaires ne peuvent, par contre, exiger des avantages économiques comme condition préalable à l’achat de l’appareil : les entreprises de chaque pays se font plutôt concurrence pour les contrats liés à l’avion — et l’industrie canadienne a déjà décroché 1,5 milliard en contrats.

Mais les représentants de Boeing et de Saab, qui fabriquent respectivement les avions de chasse « Super Hornet » et « Gripen », ont soutenu mercredi que la règle actuelle fonctionnait très bien pour assurer des retombées économiques au Canada. Ils ont également prévenu que le fait d’abandonner cette obligation risquerait de nuire à l’industrie aérospatiale canadienne, ce qui rendrait en outre plus difficile l’entretien des nouveaux avions à réaction.

Des représentants de l’industrie ont déclaré que les responsables de l’« Eurofighter Typhoon », le quatrième avion attendu dans cet appel d’offres, ont exprimé des sentiments similaires. L’« Eurofighter Typhoon » est mis au point par le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

Marquer des points

La ministre Qualtrough a insisté jeudi sur le fait que tout en laissant les soumissionnaires choisir de ne pas contracter d’obligations de réinvestissement, le gouvernement s’engage aussi à obtenir les avantages économiques les plus importants possible.

En vertu des nouvelles règles, les soumissionnaires peuvent encore garantir qu’ils réinvestiront au Canada si leur avion remporte la compétition et obtient le maximum de points — ce qui devrait être l’approche retenue par Boeing, Saab et Eurofighter.

Ceux qui, comme Lockheed Martin, ne peuvent pas prendre un tel engagement seront pénalisés et invités à établir des « cibles industrielles » et des plans pour atteindre ces objectifs, et signer un engagement non contraignant à tout mettre en œuvre pour les atteindre.

« Qu’on soit bien clairs : notre gouvernement reste plus attaché que jamais à la politique (industrielle) de cet appel d’offres », a déclaré Mme Qualtrough dans son discours. « Nous voulons un avion de combat qui réponde aux besoins de l’Armée de l’air, à un juste prix et avec les avantages économiques appropriés pour les Canadiens. »

Le gouvernement a l’intention de lancer officiellement en juillet cet appel d’offres attendu depuis longtemps — près de quatre ans, en fait, après l’élection des libéraux, qui avaient promis en campagne d’amorcer le processus immédiatement.

Les entreprises devraient soumettre leurs offres l’hiver prochain, et un contrat final devrait être signé en 2022. Le premier avion ne serait pas livré avant 2025, au mieux.