Comme la grenouille dans la casserole d’eau qui bout, nous sommes en train de cuire. Évidemment, le climat n’atteindra jamais le point d’ébullition de l’eau à 100 °C, l’image est trop forte. Mais l’équilibre de la vie sur Terre est à ce point délicat qu’une hausse de deux ou trois degrés pourrait être catastrophique d’ici la fin de ce siècle.

Ce n’est pas moi qui le dis. C’est le consensus scientifique sur la question, établi par ceux qui font métier d’étudier le climat : 97 % des scientifiques spécialistes du sujet croient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine, selon le site Climat de la NASA.

On peut ne pas aimer cela. Personnellement, je n’aime pas la loi de la gravité, mais je dois m’en accommoder, et c’est en partie pour ça que je porte un casque à vélo. J’essaie de ne pas prendre ce que constate la science comme une insulte personnelle.

Évidemment, comme on vit dans l’ère du « Je le pense », il suffit de « penser » que le réchauffement climatique est une invention, un canular ou une erreur pour trouver plein de gens qui vont croire que votre « pensée » vaut bien celle des signataires d’une étude scientifique citée 1034 fois dans d’autres études sur le climat, un nombre hallucinant de citations, en science. Je dis ça, et on dira que je donne des leçons… Citer des évidences scientifiques est devenu condescendance, de nos jours.

On vit donc dans cette époque où nous sommes en train de cuire à feu doux. J’ai déjà dit que je crois que l’humanité n’était pas équipée pour larguer sa dépendance aux énergies fossiles (entre 70 % et 80 % de ce qui est produit dépend du carbone) avant la date butoir du changement climatique irréversible.

Peut-être que je me trompe. Je l’espère. Peut-être que je suis en déni. Ce que je ne nie pas, c’est justement que le climat se réchauffe.

Je refuse donc de jouer le jeu du relativisme mathématique où on trouve quelques études s’inscrivant en faux contre le consensus afin de les spinner en vérité. Je répète : 97 % des scientifiques spécialistes du sujet croient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine.

Ce que je refuse aussi, c’est le mépris envers ceux qui ont choisi de se battre contre les changements climatiques. Le mépris, les railleries, les caricatures grossières, les fausses équivalences qui carburent au gros bon sens à cinq cennes et qui ne vaut que ça, cinq cennes.

Je refuse aussi de mépriser les jeunes qui marchent pour dire aux élus de se réveiller et d’agir. Plus notre mort est distante dans le temps, plus on risque de vivre les effets des changements climatiques de façon aiguë. J’ai le luxe suivant : je vais mourir 30 ans plus tôt que les kids qui marchent ces jours-ci pour le climat.

Je refuse de mépriser ceux qui ont choisi de signer le Pacte pour la transition énergétique, qui a recueilli 278 000 signatures. Ce Pacte est un appel de bonne foi à faire ce qu’on peut faire, permettez que je le cite : « En signant le Pacte, je prends l’engagement solennel d’agir immédiatement pour réduire mon empreinte écologique et carbone, tout en exigeant des pouvoirs publics qu’ils agissent de façon responsable face à l’urgence. »

Où est l’hystérie là-dedans ? Où est la fameuse « leçon » là-dedans, celle qu’on soupçonne d’être donnée par les « donneurs de leçons » du Pacte ? Où est le caractère radical d’un Pacte qui propose de RÉDUIRE son empreinte écologique ?

Ben oui, des personnalités signataires prennent l’avion, ont un chalet, parfois un VUS… Comme bien du monde. On a tous nos contradictions. TOUS, en tout. Je connais des gens qui font une fixation sur la religion mais qui se sont mariés à l’église. Ça ne fait pas d’eux des hypocrites, ça fait d’eux des humains : être humain, c’est forcément avoir des contradictions.

Le contre-discours climatique martèle ces arguments malhonnêtes : les scientifiques sont trop alarmistes, les militants sont trop moralisateurs et les artistes sont des contradictions ambulantes…

Bref, à entendre certaines voix du raisonnement à cinq cennes, la seule personne autorisée à commenter le réchauffement climatique doit vivre en ermite dans les montagnes, elle se tricote des cols roulés avec des feuilles d’érable, mange des marmottes crues et scie les branches de sa cabane avec une roche coupante…

Évidemment, cette personne n’existe pas.

Je refuse par ailleurs d’être cynique face à Dominic Champagne, le metteur en scène qui est la partie visible de cette chaîne humaine invisible que sont les signataires du Pacte. C’est vrai, il était survolté et trop cassant quand il est monté au front, au lancement de cette initiative.

Mais là, aujourd’hui ? On lui reproche quoi ?

Son ton a changé de A à Z. Champagne a même décidé de jouer la game politique pour éveiller des consciences ! Il a pris sa carte de la CAQ ! Il a participé ce week-end aux instances de la CAQ pour essayer d’appuyer sur le levier le plus puissant que détient la race humaine pour changer les choses : la politique.

Champagne s’est donné deux ans pour influer sur le cours des choses. Il n’a rien à gagner de ça, juste des tomates dans la gueule, si je me fie à l’air du temps. On verra s’il réussit. Je nous le souhaite.

Reste que Champagne est encore décrié comme trop ceci, pas assez cela…

Mais j’ai vu des prises de parole publiquement salement plus polluantes que la sienne.

Rectificatif : Dans une version antérieure, nous avons écrit que « 97 % des 11 944 études scientifiques publiées sur le climat entre 1991 et 2011 concluaient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine ». Or, la source inspirant ce passage – le site Climat de la NASA – affirmait plutôt que 97 % des scientifiques spécialistes du sujet croient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine.