Les bandes cyclables (à ne pas confondre avec les pistes cyclables munies de bordures) se sont hautement multipliées au cours des dernières années dans les rues de Montréal. Elles sont censées faire le bonheur des cyclistes, mais elles n’atteignent pas toujours ce but. Quant aux automobilistes, elles bousculent leurs habitudes et suscitent leur grogne, qui se manifeste par des gestes délinquants.

On peut observer ce cafouillage tous les jours dans la ville. Tenez, par exemple, la bande cyclable installée l’automne dernier dans la rue Roy, entre Saint-André et Saint-Denis. Pour des raisons obscures, la bande est tronçonnée. Un petit bout à gauche, un petit bout à droite… Le sens de la bande (la plupart sont unidirectionnelles) n’est pas clair. On a du mal à comprendre à quoi sont reliés ces bouts de bandes.

La création de ces bandes cyclables prive évidemment les automobilistes d’espaces de stationnement. Certains clients pressés et livreurs effrontés ne se gênent donc pas pour se garer au beau milieu de la bande cyclable. Obligés de contourner ces véhicules, les cyclistes se retrouvent soudainement au beau milieu de la rue.

Le sujet des bandes cyclables interpelle grandement Suzanne Lareau, présidente-directrice générale de Vélo Québec. 

« Pour certains conducteurs, des marques de peinture au sol ne sont pas un obstacle pour se stationner. » — Suzanne Lareau

Pour Daniel Lambert, porte-parole de la Coalition Vélo Montréal, la multiplication des bandes cyclables « est un gros problème ». « Dans plusieurs cas, elles sont dangereuses », ajoute-t-il.

Le réseau cyclable de Montréal est de plus en plus constitué de ces bandes. Et les usagers sont de plus en plus nombreux à remettre en question leur pertinence et leur degré de sécurité. Ah ! La douce sensation d’un autobus qui passe juste à côté de vous ! Ou l’agréable crainte de voir une portière s’ouvrir devant vous ! Ces voies sont loin d’être la solution pour avoir un réseau cycliste efficace.

L’un des problèmes avec les bandes cyclables, c’est qu’elles sont parfois créées sur des artères achalandées, alors que ça ne devrait pas être le cas. Celle de la rue Saint-Urbain, utilisée tous les jours par plus de 4000 cyclistes (selon Vélo Québec), est un bon exemple. Le sentiment d’insécurité qu’éprouvent certains usagers est énorme.

Des cyclistes préfèrent éviter certaines bandes. « Les cas des rues Saint-Antoine et Viger sont éloquents, dit Suzanne Lareau. C’est nul ! Il y a en moyenne de 700 à 800 cyclistes qui passent par là tous les jours. C’est un indicateur. Si nous n’avez pas de cyclistes sur une bande en plein centre-ville, c’est que l’aménagement n’est pas confortable et sécuritaire. C’est un échec. »

Suzanne Lareau est toutefois loin d’être contre les bandes cyclables. Celles-ci peuvent convenir parfaitement dans certaines rues. « Mais il faut se le dire, depuis sept ou huit ans, on a très peu fait d’aménagements structurants. »

Là-dessus, la patronne de Vélo Québec rappelle que « le gros [des] pistes cyclables a été réalisé sous Drapeau, Tremblay et Coderre », des administrations qui n’étaient pas très vélo. « Tout le monde attribue à Jean Doré le réseau cyclable de Montréal, mais c’est faux, reprend Suzanne Lareau. Il a fait la piste sur Rachel, c’est à peu près tout. Pierre Bourque était cycliste et il n’a pas fait grand-chose. On dirait que les gens de gauche ont peur de faire ce pour quoi ils ont été élus. »

Suzanne Lareau dit ne pas avoir observé de changements ni de signes encourageants avec l’arrivée de Valérie Plante. « C’est décevant, dit-elle. J’aimerais être rassurée. »

Pour ériger une piste cyclable bidirectionnelle munie d’une bordure, il faut retirer une voie de circulation ou une voie de stationnement. Une décision qui semble très difficile à prendre. « Les administrations municipales ont de la difficulté à faire ce choix-là, dit Suzanne Lareau. On est rendu à l’étape où il faut bouffer une partie de la place occupée par la voiture. On n’a pas le choix. »

« Il faut arrêter de faire des bandes, affirme de son côté Daniel Lambert. Il faut créer des pistes protégées. Il y a une résistance de la part de la Ville. On se vante de créer 50 km de pistes par année. Mais ce sont de simples bandes. Il faut que ça change. »

Voici le cœur du problème. Le choix d’un réseau structuré et permanent est difficile à réaliser. Pour éviter la montagne, on opte pour la solution du diachylon en créant des bandes cyclables en grande quantité qui ne servent pas toujours bien les cyclistes et qui, de toute façon, suscitent le mécontentement des automobilistes qui se retrouvent privés d’espaces de stationnement.

La planification du réseau cyclable de Montréal est assurée en partie par la ville-centre (pour les artères) et les arrondissements (pour les voies résidentielles). Les décisions viennent de partout. Voilà qui explique le manque de cohérence de notre réseau. À Montréal, les cyclistes roulent sur des petits bouts de pistes ou de bandes.

Souvent cité en exemple, Montréal a un titre à défendre : celui de ville du vélo. Pour le conserver, il devra faire preuve de davantage de leadership. Et faire les choix audacieux qui s’imposent. Les cyclistes ont envie de voir la lumière au bout de la bande, pas un camion stationné au beau milieu.

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La Ville de Montréal va bientôt dévoiler les détails du futur Réseau express vélo. Celui-ci devrait prendre la forme de pistes cyclables aménagées et sécuritaires permettant de parcourir de longues distances. Ce que les Américains appellent un « Bike Boulevard » est normalement accompagné d’une synchronisation des feux de circulation qui permet aux cyclistes roulant à environ 20 km/h de gagner du temps. Combien de tronçons formeront ce réseau d’« autoroutes » du vélo ? Quels secteurs de la ville couvriront-ils ? Tout cela sera dévoilé dans quelques jours.

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L’aménagement de la piste cyclable de l’avenue du Parc-La Fontaine a créé une drôle de situation. Si vous longez le parc, vous avez maintenant la piste cyclable, un sentier de terre formé sur la bande de gazon par les coureurs et les marcheurs, un large trottoir, une bande de gravier et… un autre trottoir. Bref, longtemps insécurisés par les vélos, les piétons et les joggeurs ont maintenant l’embarras du choix. Espérons qu’on profitera du projet de revitalisation du parc La Fontaine pour mettre de l’ordre dans tout ça.

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