(Dorval) Situé en zone inondable, un important terrain boisé de Dorval sur le bord du lac Saint-Louis est sur le point d’être remblayé pour faire place à 31 maisons luxueuses de plus de 2 millions de dollars chacune.

Connu sous le nom de boisé McConnell, cet immense terrain de 50 000 m2 permet l’évacuation de l’eau au printemps et ne devrait « absolument pas » être utilisé pour la construction résidentielle, dénonce François Brissette, hydrologue et professeur au département de génie de la construction de l’École de technologie supérieure (ÉTS).

« Il n’y a aucune raison scientifique, écologique ou sociale qui justifie la construction de ces maisons. » — François Brissette, hydrologue et professeur au département de génie de la construction de l’École de technologie supérieure

Frédéric Fournier, porte-parole du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, note que le Ministère a reçu deux demandes d’autorisation pour ce projet : une demande pour le remblayage de deux milieux humides et une demande pour le prolongement des réseaux de distribution d’eau et des égout. « Ces demandes sont actuellement en analyse », dit-il.

M. Fournier confirme que le projet est situé en zone inondable : « Le projet est prévu essentiellement en zone inondable de faible courant (cote de récurrence de crue de 20-100 ans) et partiellement en zone inondable de grand courant (cote de récurrence de crue de 0-20 ans). »

Pour Richard Cusson, résidant de Dorval qui a tenté avec plusieurs concitoyens de stopper la vente des terrains à l’entreprise Presti Demeures et développements inc. l’an dernier, il est primordial de préserver cet endroit « unique » à l’état naturel.

« Les 1700 arbres présents dans le boisé McConnell contribuent à réduire la pollution au kérosène et l’immense îlot de chaleur de l’aéroport Trudeau, et absorbent l’eau qui apparaît chaque printemps, explique-t-il. En 2019, ça n’a aucun bon sens de détruire un espace vital comme celui-là. »

Dans une pétition, des citoyens de Dorval avaient recueilli plus de 2300 signatures – soit plus de 10 % de la population de la ville – pour demander au maire Edgar Rouleau de s’assurer de préserver cet endroit à l’état naturel. En vain. L’immense terrain, qui a autrefois appartenu au philanthrope montréalais J.W. McConnell, a été vendu par sa succession en 2018.

La Presse a joint l’entreprise Presti Demeures et développements inc., promoteur du projet appelé Royal Quai, par courriel et par téléphone, hier, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de publier ces lignes.

Dorval : pas si vert

La ville de Dorval est l’une des moins « vertes » de la région montréalaise. Selon l’indice canopée de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), à peine 10,8 % de la superficie de la ville est composée d’arbres, contre 24,9 % pour Montréal. Dorval est en deçà de la cible québécoise pour l’année 2025, établie à 35 %.

Actuellement, une immense maison modèle en construction se trouve au 1200, chemin du Bord-du-Lac à Dorval, à l’entrée du boisé en question.

L’hydrologue François Brissette s’explique mal que le projet soit à une étape aussi avancée. « Le site de construction est en zone inondable. Le remblayage en zone inondable est interdit, et donc je ne vois pas comment le projet pourrait être autorisé [par le ministère de l’Environnement] », dit-il.

PHOTO TIRÉE DE GOOGLE EARTH

Dans une pétition, des citoyens de Dorval avaient recueilli plus de 2300 signatures – soit plus de 10 % de la population de la ville – pour demander au maire Edgar Rouleau de s’assurer de préserver le boisé McConnell à l’état naturel.

M. Brissette note que le Ministère permet la construction de maisons dont les fondations sont conçues pour résister aux inondations dans la zone inondable 20-100 ans (et donc statistiquement inondée une fois tous les 20 ans).

« Mais cette règle est très malavisée parce qu’elle ouvre la porte à des excès. Il faut être conservateur, mais les municipalités ne veulent pas être conservatrices. Les promoteurs ne veulent pas être conservateurs. Pris entre deux feux, le gouvernement manque généralement de courage et coupe la poire en deux en permettant la construction de résidences immunisées dans la zone inondable. »

Sébastien Gauthier, directeur des communications de Dorval, rejette l’affirmation du ministère de l’Environnement selon laquelle le boisé est situé en zone inondable.

« Il y a une certaine portion du boisé qui est un milieu humide, mais il n’y a pas de zone inondable dans le boisé McConnell, dit-il. C’est sûr qu’avoir une maison au bord de l’eau est toujours plus à risque, mais c’est le ministère de l’Environnement qui va donner son OK dans ce dossier. »