La vente d’objets religieux des sœurs de Sainte-Anne, à Lachine, a connu un engouement qu’elles n’avaient pas prévu, en fin de semaine. Un engouement qui ne serait pas étranger au débat sur la laïcité, qui aurait selon elles réveillé une « soif de spiritualité ».

Sœur Céline Dupuis nous conduit tant bien que mal au bout du long corridor où sont exposées les reliques que les sœurs de Sainte-Anne ont mises en vente, en prévision de leur déménagement.

Une autre religieuse l’arrête pour lui demander de la monnaie, un bénévole lui pose une question, un laïc venu acheter quelques objets entame une discussion avec elle ; les portes venaient à peine d’ouvrir, mais l’affluence était déjà grande, hier matin.

Il faut s’enfermer dans un local fermé au public pour pouvoir s’entretenir avec la « coprovinciale », la religieuse responsable de l’ensemble de la congrégation.

« On ne s’attendait pas à tant de personnes », confie sœur Céline à La Presse, disant avoir été surprise de la cohue de la première journée, samedi.

« Il y avait une file d’attente d’une heure et quart pour entrer », s’étonne-t-elle encore.

Résultat, il ne restait à peu près plus rien, si bien que les religieuses ont passé la soirée à parcourir leur maison pour trouver d’autres objets à offrir aux visiteurs.

Plus de 20 000 $ recueillis

La porte du local s’ouvre, et sœur Céline est à nouveau interrompue : « La petite table en céramique à 50 piastres, on peut-tu la baisser ? », s’enquiert sœur Denise Cloutier.

« Oui, mais pas en bas de 30 », lui répond sœur Céline.

Les religieuses pensaient récolter 10 000 $ durant la fin de semaine ; elles avaient atteint plus du double après la journée de samedi seulement.

Ces sommes serviront à financer divers projets liés à leur déménagement, comme l’achat d’un orgue pour leur nouvelle résidence.

« Celui qui est ici, avec ses quelque 163 tuyaux, n’entre pas l’autre bord », explique sœur Céline.

De nombreux autres biens, de plus grande valeur, seront vendus à l’encan plus tard, ou ont été remis au musée de Lachine.

Laïcité et spiritualité

Cet engouement pour les « choses qui parlent de religion » n’est pas étranger au débat entourant le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État, croit sœur Céline.

« Ça réveille les gens », dit-elle, évoquant une soif de spiritualité, de quelque chose qui leur rappelle leurs racines, qui donne un sens à la vie, peu importe qu’on le trouve dans une religion ou une autre.

« Les statues [de la Sainte Vierge], les crucifix, c’est tout parti. » — Sœur Céline Dupuis

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sœur Céline Dupuis

Mais elle ne considère pas pour autant que le projet de loi va trop loin et souligne qu’il n’est peut-être pas une mauvaise chose de mettre des limites.

« J’ai porté ça, moi », s’exclame-t-elle en pointant une photo d’Esther Blondin, première mère supérieure de la congrégation des sœurs de Sainte-Anne, coiffée d’un long voile noir.

Elle se souvient que les religieuses le portant faisaient rire d’elles, à l’époque de la Révolution tranquille.

« C’était dépassé », dit-elle, estimant que ce l’est tout autant pour les autres voiles, aujourd’hui.

Des milliers d’objets

Sœur Christine Mailloux se faufile dans la foule avec agilité, tout sourire, en distribuant des articles à l’effigie d’Esther Blondin, dont elle parle avec passion.

Avant même la fin de la journée, samedi, elle avait distribué les 600 enveloppes qu’elle avait préparées, si bien qu’elle a dû trouver d’autres articles à remettre aux visiteurs, comme des cartes postales.

« Je pensais que j’en aurais trop ! On ne s’attendait jamais à avoir autant de monde. » — Sœur Christine Mailloux

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sœur Christine Mailloux

Les objets vendus en fin de semaine par les sœurs de Sainte-Anne proviennent surtout d’autres maisons tenues par les religieuses ailleurs au Québec qui ont fermé leurs portes avec le temps.

Tableaux, bibelots, vaisselle, meubles : des milliers d’objets ont trouvé preneurs, comme cette grande bibliothèque achetée par Chrislain Yombuen et Chimene Meguieng, un couple de Camerounais récemment arrivé au Québec, qui habite tout près des religieuses.

« Acheter ici a une valeur plus grande qu’acheter dans la rue », affirme M. Yombuen, qui se dit croyant et se réjouit d’avoir pu en apprendre sur l’histoire des sœurs de Sainte-Anne et d’Esther Blondin.

La vente de ces objets ayant fait partie de la vie des religieuses est une façon de poursuivre leur mission de faire connaître le bon Dieu, dit sœur Céline, qui prévoit organiser d’autres ventes du genre d’ici leur déménagement dans leur nouvelle résidence, prévu à la fin de 2021.

« Je trouve que c’est un beau partage, une belle façon de se faire connaître même si on décline. »