(OTTAWA) Les saisies de produits de cannabis à la frontière canado-américaine ont littéralement explosé depuis la légalisation de la marijuana, alors que le nombre de grammes interceptés par les agents des services frontaliers a plus que doublé depuis l’an dernier – et les chiffres ne tiennent compte que des trois premiers trimestres de l’année.

Les agents des services frontaliers ont fait main basse sur une quantité faramineuse de produits de cannabis depuis la légalisation à l'automne dernier. Pourquoi ? Essentiellement parce que maintenant que la substance est légale, les voyageurs ont l’obligation de la déclarer et, surtout, parce que le douanier le demande désormais directement.

En 2017-2018, quelque 497 630 g de cannabis ont été saisis dans les 1200 points d’entrée au Canada. Ce nombre a bondi à 1,28 million de grammes de « produits de cannabis » en 2018-2019 et le dernier trimestre de l’exercice n’est même pas encore comptabilisé. Les statistiques se gonflent surtout à partir du troisième trimestre de 2018-2019, qui correspond à l'entrée en vigueur de la nouvelle législation.

Nouvelle question

À l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), on explique cette importante hausse par « les déclarations positives » des voyageurs à la « nouvelle question » que posent les agents à l’inspection primaire. Puisque le cannabis est devenu légal, les voyageurs doivent déclarer qu’ils en transportent, comme on le fait pour l’alcool, par exemple. Les chiffres comptabilisés par l’Agence incluent donc désormais à la fois les produits saisis et ceux confisqués – ce qui est nouveau – par les agents des services frontaliers. Ne pas déclarer le cannabis en sa possession à la frontière canadienne peut mener à une arrestation et à des poursuites criminelles.

« C’est beaucoup par ignorance », estime le président national du syndicat des douanes et de l’immigration, Jean-Pierre Fortin. 

« Je pense que, autant du côté des voyageurs canadiens qu’américains, on pense que puisque c’est légitime au Canada, on peut en rentrer au pays ou en faire sortir. » —  Jean-Pierre Fortin, président national du syndicat des douanes et de l’immigration 

L’ASFC admet elle aussi qu’il s’agit d’« une année d’implantation », alors que la marijuana a été légalisée partout au pays en octobre 2018. « Nous, on baigne dedans, mais peut-être que pour tout le monde, ce n’est pas encore acquis », indique la porte-parole Judith Gadbois-Cyr, qui ajoute que l’Agence fait actuellement « beaucoup d’éducation populaire ».

« Presque chaque jour sur nos médias sociaux, on a un message de rappel au sujet de la loi encadrant le cannabis », précise-t-elle. Des affiches ont aussi été installées à l’approche des postes frontaliers pour rappeler l’interdiction du passage de toute forme ou quantité de cannabis à la frontière sans permis ou exemption accordés par Santé Canada.

Le syndicat inquiet

La hausse draconienne du nombre de saisies de produits de cannabis inquiète M. Fortin, notamment à l’approche de l’été, qui est la période la plus occupée de l’année pour les agents des services frontaliers. De plus, l’Agence est aux prises avec une pénurie de personnel dans tout le pays, assure le président national.

« Chose certaine, quand on regarde la courbe par rapport aux saisies qui se sont mises à exploser, je trouve ça inquiétant qu’il y ait autant de marijuana qui se promène sur la frontière […] On mobilise un agent quand on fait une saisie, pour quelques heures au moins, le temps de remplir la paperasse », a-t-il illustré.

L’ASFC précise que l’augmentation du nombre de saisies ne s’est pas traduite, pour l’heure, par l’ajout de ressources supplémentaires aux points d’entrée frontaliers. Les effectifs n’ont pas non plus été bonifiés au moment de la légalisation.

Une catégorie élargie

Pour sa compilation de données, il est à noter que l’Agence des services frontaliers du Canada a aboli la catégorie « marijuana » à la suite de la légalisation pour l’élargir à « produits de cannabis », ce qui inclut le cannabis sec et frais, les graines de cannabis, la résine, le concentré de cannabis et le cannabis synthétique. Pour les trois premiers trimestres de 2018-2019, on parle donc de 1,28 million de grammes de cannabis saisis (412 261 g de « marijuana » et 866 778 g de « produits de cannabis ») en plus de 121 851 doses de cannabis et 2770 ml de cette drogue, selon les chiffres publiés par l’ASFC.