Quand la digue a cédé samedi soir à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Monique et Georges Gaudreault soupaient chez des amis.

Ils n’ont donc pas assisté à la « scène apocalyptique » qu’ont décrite leurs voisins qui ont dû évacuer les lieux en quelques minutes.

Ils n’ont toutefois jamais pu passer chez eux depuis. Et ils ne savent toujours pas quand arrivera ce moment.

« Est-ce que ce sera demain ? Dans une semaine ? Le mois prochain ? On n’en a aucune idée », a lancé Mme Gaudreault, dépitée, lundi après-midi.

Le couple se voyait déjà vendre sa petite maison de la 27e Avenue et déménager dans un condo au moment de la retraite de M. Gaudreault, prévue en septembre prochain, après 50 ans passés au sein de la même entreprise.

« On avait même commencé à faire les boîtes, raconte M.Gaudreault. Mais là, il n’y a plus rien de bon. C’est mon fonds de pension qui s’en va… »

La Ville a annoncé lundi qu’une large proportion des quelque 6000 citoyens évacués pourraient rentrer à la maison aujourd’hui à 16 h. La mairesse Sonia Paulus n’a toutefois pu préciser combien de résidants pourront retrouver leur domicile – la zone dégagée représente toutefois plus de la moitié de la zone d’évacuation initiale. La majorité des bâtiments de ce secteur étaient peu ou pas touchés par les inondations.

Pour les Gaudreault comme pour plusieurs centaines d’autres personnes dont la maison fait toujours l’objet de l’avis d’évacuation, l’attente sera de toute évidence bien plus longue. Mme Paulus a parlé d’un délai de trois semaines avant que l’eau se retire et qu’un retour à la maison soit envisageable.

Tensions

L’attente est probablement ce qui résumerait le mieux la journée de lundi pour les sinistrés de Sainte-Marthe. L’attente et l’inconnu, en fait.

Ils étaient des dizaines à arpenter la rue Louise, où chaque intersection avec une rue inondée était bloquée par une voiture de la Sûreté duQuébec (SQ).

En matinée, la tension a monté entre les policiers et les résidants qui désiraient se rendre à leur maison.

La Presse a assisté à une altercation au cours de laquelle un agent de la paix a plus d’une fois invité son interlocuteur à changer de ton alors que celui-ci argumentait pour traverser les cordons de sécurité.

« Je ne sais pas s’ils ont peur que je me mouille les pieds », a ironisé le citoyen avant de tourner les talons. « J’ai travaillé 24 heures en ligne et j’ai dormi trois heures, je commence à avoir moins de patience », a indiqué l’agent, qui avait reçu la consigne de ne laisser passer personne.

Vers l’heure du dîner, une rumeur a circulé : à 14 h, on pourrait enfin traverser les cordons de sécurité et accéder aux maisons inondées. Déjà, certains policiers laissaient passer des résidants à pied ou en bateau pour qu’ils rejoignent leur domicile sans escorte. D’autres continuaient d’imposer la ligne dure. La Presse s’est d’ailleurs vu refuser l’accès, sous prétexte que « les rues inondées ne devaient pas devenir une marina ».

La Ville a finalement tranché par l’entremise des réseaux sociaux : les sinistrés devaient désormais se rendre à l’école secondaire Liberté-Jeunesse, y laisser leur nom et attendre que les services de sécurité communiquent avec eux. À ce moment-là seulement, ils pourront se rendre chez eux, accompagnés de membres des autorités. Ces derniers dresseront l’ordre de passage en fonction de l’urgence des besoins – aller chercher des médicaments, par exemple. Ce qui n’a pas fait que des heureux.

« On sait déjà qu’on ne passera pas aujourd’hui », s’est navrée Johanie Bélec, dont la sœur était pourtant en attente d’aller chercher ses médicaments pour une maladie rénale.

Les raccompagnements ont finalement commencé en fin d’après-midi.

Moments heureux

Une opération de sauvetage des animaux de compagnie a néanmoins mis un baume sur l’angoisse de nombreux sinistrés.

Résidante de la 11e Avenue, Cindy Fafard a fondu en larmes en prenant dans ses bras le chat de ses parents, Moune. Le félin venait d’être rescapé par des employés de la firme Sauvetage Animal, qui a passé la journée à l’œuvre.

« Ç’a été une grosse semaine, forte en émotions », a affirmé Daniel Fafard, le père de Cindy. Celui-ci, résidant de la rue Carole, a vu sa maison être prise d’assaut par l’eau samedi soir. Il a qualifié d’«apocalyptique » la scène d’évacuation de son quartier.

« Les enfants sont en sécurité, le chien et le chat aussi.C’est tout ce qui compte », a-t-il philosophé.

L’ambiance était aussi à l’entraide dans le gymnase de l’école Liberté-Jeunesse, transformé pour l’occasion en énorme bazar où les sinistrés, qui n’ont presque rien apporté en quittant leur maison, ont pu faire le plein d’objets essentiels.

Couches et vêtements pour bébé, denrées non périssables, couvertures, manteaux, bottes, articles de pharmacie : les résidants et les marchands de Sainte-Marthe ont passé la journée à alimenter le centre de dons.

« On a rapidement constaté qu’on avait trop de linge, on adit au monde d’arrêter d’en apporter », raconte une bénévole que ses collègues surnomment « Mamie ».

Sur les entrefaites, Sylvianne Croze, résidante dePointe-Calumet, a débarqué avec une boîte remplie d’articles cosmétiques neufs ainsi qu’avec des landaus et des chaises hautes d’occasion.

Elle avait préalablement publié un appel à contributions surFacebook. Et ses proches se sont empressés de l’encourager.

« Pointe-Calumet y a goûté en 2017, et encore la semaine passée, on s’inquiétait de la digue chez nous, a-t-elle confié.Aujourd’hui, c’est à nous de faire notre