(Ottawa) L’imposant projet de loi sur la sécurité nationale du gouvernement libéral ne va pas assez loin pour protéger les droits des personnes qui sont prises sur la liste d’interdiction de vol du Canada, ont fait valoir lundi des universitaires et des défenseurs des libertés civiles.

Le projet de loi aborde le problème récurrent des correspondances erronées de noms figurant sur la liste d’interdiction de vol et ouvre la porte à un système de numéros de recours. Ceux-ci permettraient de créer des identifiants uniques, ce qui empêcherait des gens qui partagent leurs noms avec de présumés terroristes de se faire refuser l’entrée dans un avion.

Mais certains détracteurs du projet de loi croient qu’il n’aidera pas beaucoup ceux qui apparaissent vraiment sur cette liste et qui n’ont pas accès aux vols.

Actuellement, une personne qui se voit refuser l’entrée peut demander une révision de son dossier et faire appel de la décision devant les tribunaux.

Toutefois, la personne n’a qu’un résumé des preuves et des renseignements retenus contre elle, qui pourraient inclure du ouï-dire, a plaidé lundi Cara Zwibel, de l’Association canadienne des libertés civiles, devant les sénateurs.

De plus, un juge qui traite le dossier peut se fier à des preuves qui n’ont pas été incluses dans le résumé, a-t-elle ajouté.

« Le droit de l’appelant d’être entendu n’a pas de sens s’il ne connaît pas le dossier », a-t-elle soutenu.

Un avocat spécial ?

Cette situation pourrait s’améliorer si le gouvernement nommait un avocat spécial, qui pourrait consulter toute la preuve pour aider la personne qui conteste sa présence sur la liste.

De tels avocats sont nommés lorsqu’un individu est arrêté en vertu d’un certificat de sécurité nationale, une disposition utilisée pour déporter des non-citoyens qui sont soupçonnés d’avoir été impliqués dans des activités terroristes ou d’espionnage, a souligné la sénatrice indépendante Marilou McPhedran.

Un responsable fédéral a souligné qu’un juge avait déjà le pouvoir de nommer un amicus curiae, ou ami de la cour, pour aider dans de telles procédures.

Errol Mendes, un professeur de droit à l’Université d’Ottawa, croit que la loi devrait « définitivement inclure des avocats spéciaux » pour représenter les gens que le gouvernement met sur la liste. Il a aussi affirmé devant le comité qu’il y avait une « grande différence » entre un avocat spécial et un amicus curiae, qui est redevable à la cour.

Une pièce législative imposante

Par ailleurs, le projet de loi libéral limiterait — mais n’éliminerait pas — les pouvoirs qui permettent au Service canadien du renseignement de sécurité de perturber activement les complots terroristes présumés.

Il ouvre la porte à de nouvelles procédures pour les services de sécurité dans le traitement des données et la cyberguerre, mais il améliore la réédition de comptes avec la création d’un nouvel organisme de surveillance.

Le projet de loi renforcerait également les dispositions sur le partage d’informations entre les agences fédérales et redéfinirait la propagande terroriste.

Bien que plusieurs témoins aient suggéré des changements, lundi, le projet de loi est généralement perçu comme une amélioration de la loi adoptée par les conservateurs après qu’un tireur eut fait irruption sur la colline du Parlement en 2014.

Le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, a déclaré lundi qu’à lumière des révisions apportées au projet de loi libéral adopté par la Chambre des communes, il s’agit désormais « d’un système relativement équilibré et d’une nette amélioration par rapport à la loi actuelle ».