Il pleut en ce moment. Peu importe le moment où vous me lisez, il pleut allègrement. L’été ne ressemble en rien à l’hiver, mais l’automne et le printemps ont des airs familiers, de temps en temps. Et c’est le cas aujourd’hui. En ce samedi si gris. Encore plus gris que ce vendredi de pluie d’où je vous écris.

Je pense fraternellement à tous ces inondés accablés. À tous ces Mario Pelchat pleurant dans la flotte. Comme dirait Céline, courage. Take a kayak. Allez vous réfugier sur le radeau de la solidarité. Comme elle est belle, l’armée, quand elle n’est là que pour aider. Et de l’aide, il en faut. Ce n’est pas évident d’éponger le ciel et la terre en train de couler. Rien n’est plus fort que l’eau. L’eau arrête le feu. Mais le feu n’arrête pas l’eau. Rien n’arrête l’eau. L’eau, c’est la vie. Mais quand l’eau décide d’envahir ton sous-sol, ça fait un peu trop de vie dans ton logis. Il faut attendre que ça passe. Attendre que les rivières arrêtent de découcher. Qu’elles retrouvent leur lit. Elles ont le printemps trop fringant. Elles aiment trop le faire sous la pluie.

Parenthèse : en cette semaine de rivières qui débordent, Dick Rivers est allé se faire oublier. L’incarnation du rêve américain dans toute sa fantaisie, comme seul un Français peut l’imaginer. Il y a quelque chose de touchant chez ces grands enfants qui, malgré le Viêtnam, le Ku Klux Klan, le Watergate et Trump, ont continué à sublimer l’Amérique. J’espère pour lui que le paradis est une grande prairie où tous les délaissés peuvent refaire leur vie. Comme l’American Dream l’a promis.

Dick Rivers s’est éteint le jour de son anniversaire. Sur le coup, on se dit comme c’est curieux, ça doit être très rare. Eh bien, non. Il paraît que c’est courant. Que les gens ont 6,7 % plus de risques de trépasser le jour de leur anniversaire. Est-ce les fêtes-surprises qui surprennent trop  ? Est-ce l’abus de gâteau  ? Est-ce la déception causée par les cadeaux  ?

Ça s’expliquerait, en partie, par une hausse chez les fêtés des risques d’accidents de la route ou de la vie quotidienne. On trinque trop. On s’énerve trop. On s’enfarge. Souvent, aussi, les grands malades s’accrochent à cette date. Je veux être encore là, le jour de mon anniversaire. Et puis, quand ils y sont, ils finissent la fête ailleurs. Il y a aussi les grands déprimés atteints du blues de l’anniversaire. Mourir pour ne pas vieillir. Comment les convaincre que vieillir n’est pas un naufrage, vieillir, c’est une traversée, vieillir, c’est se rapprocher de l’île. Le plus doucement possible. En faisant comme Ulysse, le maximum de détours en chemin.

Je sais, je divague. C’est la pluie qui pousse à ça. C’est la vague que l’on reçoit. 

C’est fou comment l’être humain, si content de chanter sous la douche, de jouer dans sa piscine, de nager dans la mer, devient tout chagrin, quand il lui mouille dessus.

On devrait tous être comme Gene Kelly, et tripper sous la pluie. Mais on n’a pas été élevés comme ça. Il pleut, on reste à l’intérieur.

C’est un temps pour regarder des séries, que ce soit celles de Netflix ou de la LNH. Parlant de hockey, tout le monde est surpris que les meilleures équipes aient été rapidement éliminées. La vie est ainsi. Rien n’est jamais acquis. Tous ces classements, tous ces palmarès, tous ces prix ne sont les mesures que d’un moment précis. Aucun résultat n’est définitif. C’est l’alignement des planètes qui contribue à la victoire ou à la défaite. Et les planètes tournent. Et les planètes bougent. Le gagnant de la Coupe en juin ne serait pas le même si la Coupe se décernait en juillet. Tout est toujours à recommencer. On l’a appris rapidement à Tampa Bay et à Calgary. N’empêche que si le CH avait gardé Radulov, on serait dans les séries, et l’argent qu’il aurait coûté aurait été depuis longtemps récupéré. Je sais, il faut tourner la page. Les nuages sont remplis de regrets. Quoique de nos jours, on ne tourne plus les pages, on les glisse. Il faut glisser la page.

Ce n’est pas tout, ça. Le titre de ma chronique c’est : Poésie de jour de pluie, il en faudrait bien un peu. Tous les pêcheurs le savent, la pluie, ça fait sortir les vers. Je vous laisse sur ceux de Verlaine : 

«  Il pleure dans mon cœur, Comme il pleut sur la ville Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur  ?

Ô bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits  ! Pour un cœur qui s’ennuie, Ô le chant de la pluie  !

Il pleure sans raison Dans ce cœur qui s’écœure. Quoi ! nulle trahison  ? Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine De ne savoir pourquoi, Sans amour et sans haine, Mon cœur a tant de peine  !  »