L’année dernière, le Canadien a connu une saison de misère. Il a terminé au 28e rang de la Ligue nationale. Il n’y a qu’Arizona, Ottawa et Buffalo qui ont fait pire que lui. Pas d’attaque. Le capitaine Max Pacioretty avait compté seulement 17 buts. La défense ne défendait personne. Surtout pas Carey Price, plus mêlé que jamais. Bien sûr, l’équipe n’a pas fait les séries, terminant à 26 points de la huitième position. Les partisans étaient en ta ! Bleus de rage. Blancs de déprime. Et rouges de honte. 

En 2012, Bergevin, nouveau grand chef, était arrivé avec un plan quinquennal pour redresser l’équipe et en faire l’une des puissances du circuit. Six ans plus tard, le CH s’engouffrait dans la médiocrité. Assez, c’est assez ! Virez tout à l’envers au plus sacrant. Avant que les fans ne soient plus fans.

À la maintenant traditionnelle conférence de presse du bilan de saison écourtée, tout le monde avait l’air d’avoir reçu un coup de hockey sur la tête. Sonnés. Assis. Bergevin s’est présenté devant les journalistes avec le propriétaire Geoff Molson à ses côtés, comme on va avec un parent passer un test médical. Ne voulant surtout pas être seul quand on sait que ça va faire mal. Et Bergevin a expliqué la déroute en un mot : attitude. 

Les joueurs n’avaient pas la bonne attitude. Il allait y remédier. Et la saison prochaine, tout le groupe aura la bonne attitude. Et ça va mieux aller. Ah bon ? Geoff Molson, constatant que les médias n’avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent, a ajouté que l’offre alimentaire au Centre Bell allait s’améliorer. Hé ben. C’est tout ?

Les partisans étaient découragés. Quand une équipe joue comme le Canadien a joué en 2017-2018, normalement on fait de quoi ? On congédie le coach ou le directeur général, ou les deux. On échange le joueur de concession. Rien de ça. Attitude et sushis. Hé boy ! 

Les partisans se sont sentis trahis. On se fout d’eux. Le Canadien n’a plus besoin de gagner pour faire du cash. On va vendre de la bière et des condos. Le pire est à venir : 2018-2019 sera une année de merde. C’est certain.

Durant l’été, Bergevin a bien fait quelques changements. Il a échangé son seul marqueur naturel, Pacioretty, pour Suzuki et Tatar. Suzuki est un projet. Et Tatar est un passé. Durant leur course folle jusqu’à la finale de la Coupe Stanley, les Golden Knights de Las Vegas ne l’ont même pas habillé. L’énigmatique Alex Galchenyuk est parti aussi. Dans le désert de l’Arizona. On a reçu en retour Max Domi. Domi, on connaît bien. Mais Max, pas tant que ça. On est allé voir sa fiche. Neuf buts. En 2017-2018, il a compté 9 buts. Pas ce qui laisse présager un joueur d’impact. Lors du repêchage, le CH a sélectionné Katko… Kotkanini… Kotkaminou… En tout cas, si on se fie aux choix des autres années, on a trois bonnes années pour apprendre son nom avant de lui voir le bout du K à Montréal.

Octobre est arrivé. Normalement, quand octobre arrive, les partisans retrouvent espoir, comme par magie. Peu importe les déboires de la saison précédente, on se remet à rêver. Si Price redevient Price. Si Weber revient en santé. Si Drouin joue comme il peut jouer. Si la rondelle roule pour nous autres. On ne sait jamais. Pourquoi pas la Coupe Stanley ? Quoi ? En 1993, on n’avait pas la meilleure équipe sur papier, et pourtant, on l’a remportée. Que voulez-vous ? Un fan est un fan. Un fan a la foi. Un fan croit sans voir.

Pas cette année. Cette année, le fan n’y croyait pas en octobre. Alors pas pantoute. Pas besoin de photos pour savoir de quoi avait l’air un trou noir. Un trou noir a la forme du CH avec un disque tricolore autour. On était prêts à s’y enfoncer. Probablement pour deux saisons, peut-être plus. Le rêve était back order.

Et puis le Canadien s’est mis à bien jouer. Domi a dominé au Max. Tatar a joué en Tataaaaar ! Gallagher a répondu présent, comme toujours. Et après deux parties, tout le monde savait prononcer Kotkaniemi. Et tout le monde souriait autant que lui. L’attitude était bonne ! Tellement bonne ! Si bien qu’en janvier, on s’est permis de rêver. Un peu. C’est plus fort que nous. 

Le Canadien allait faire les séries. Et un coup en séries, peut-être que… On devrait réserver son nid-de-poule pour le défilé.

Ben non, toi. Malgré les prouesses de Carey Price, le Canadien, en février et en mars, a eu des périodes aussi décourageantes que la température. Heureusement, la fin de saison a été excitante. On y a cru jusqu’à l’avant-dernier match. Mais au bout du compte, on a échoué. Comme l’an passé. Pas de séries. Cependant, cette saison, il n’y a pas que les joueurs qui ont changé d’attitude, les fans aussi. Durant plus de 100 ans, participer aux séries était le minimum exigé aux Glorieux. Pas cette année. 

Cette année, les fans sont contents. Quand on s’attend au pire, le moins pire est pas si pire. Les petits gars se sont démenés assez pour que les fans retrouvent la foi. Surtout qu’au dernier match de la saison, le seul qui ne comptait pas, le nouveau venu Ryan Poehling a compté trois buts, en plus de donner la victoire en tirs de barrage. Prometteur. Le Canadien s’est fait ovationner, à la fin du match, comme jamais le Canadien hors séries ne s’est fait ovationner. Les temps ont bien changé.

Au bilan de fin de saison, Bergevin s’est présenté debout. Sans le propriétaire. Il savait que ça ne ferait pas mal. Une simple formalité. Le CH s’est amélioré. Ving-cinq points de plus au classement. À trois petits points des séries. Ça va continuer. Merci beaucoup, bonsoir ! Même pas besoin de parler sushis. Les fans ne veulent dévorer personne tout cru.

Morale de cette histoire : quand on baisse les attentes, on a plus de temps pour remonter la pente. Mais il ne faudrait pas se pogner le beigne en chemin. Si, l’an prochain, le CH ne fait pas les séries, quelque chose me dit qu’il ne sera pas applaudi. Oh non.