« Noël, c'est aujourd'hui. »

La directrice générale adjointe de la ressource de soins palliatifs pédiatriques Le Phare, Stéphanie Barker, n'a pas besoin d'en dire plus. Autour d'elle, c'est le branle-bas. Dix de ses petits patients seront bientôt en route pour embrasser le père Noël.

« C'est un moment d'une rare intensité », lance-t-elle. Il est près de 10 h. Dans le salon d'accueil du Phare, la seule maison de soins palliatifs pédiatriques au Québec, tout le monde s'active. Les enfants, bien au chaud dans leur habit de neige, sont prêts. Ils n'ont pas tous les mots, certains sont moins réceptifs, mais la fébrilité est bien là.

Hier, comme des centaines d'enfants de la métropole, une soixantaine de petits malades ont pu assister au traditionnel défilé du père Noël dans la rue Sainte-Catherine grâce à Urgences-santé, qui a déployé une grande opération « miracle » en assurant leur transport de l'hôpital au centre-ville. C'est la première fois que les ambulanciers paramédicaux s'arrêtent au Phare.

« Ça y est ? Tout le monde est prêt ! » Pierre Poulin, un employé d'Urgences-santé, se tape dans les mains, satisfait. Aujourd'hui, il est responsable de l'un des autobus adaptés. Il est aussi bénévole, comme ses quelque 200 camarades qui mettront la main à la pâte. Le temps est doux. Les enfants sortent la tuque calée sur la tête, leur fauteuil poussé par un éducateur spécialisé ou un infirmier.

Ils sont tous accompagnés par un ambulancier paramédical et un membre de l'équipe du Phare. « Les deux expertises sont nécessaires pour la sortie de chacun. Ça ne serait pas possible autrement », précise Mme Baker. Tout est réglé au quart de tour. Les petits du Phare seront les derniers arrivés et les premiers à partir pour respecter leur fragile état de santé.

Durant le trajet, les intervenants ne les quittent pas du regard. Ils les connaissent par coeur. Jason se laisse bercer par la vibration du moteur. Tranquille, il offre de larges sourires et ouvre les yeux bien grands. Derrière lui, Nikko fait le moqueur. On leur distribue des chapeaux des Fêtes. Joanie aura besoin de calmer quelques convulsions. Ça ira.

En arrivant au square Phillips, où Urgences-santé a établi ses quartiers, la magie opère rapidement. Des dizaines d'ambulances stationnées côte à côte sortent de jolies frimousses. Certains, couchés sur leur civière et emmitouflés jusqu'au cou, ont la tête bien soulevée pour mieux admirer le spectacle. Des clowns et des fées de Noël les attendent, leur envoient des bisous soufflés.

Dans le chapiteau, les ambulanciers paramédicaux en ligne les applaudissent à leur entrée. « Est-ce qu'il vous manque une couverture ? » Le directeur général adjoint d'Urgences-santé, François Charpentier, a des yeux partout. Le grand gaillard a une énergie hors du commun. Il se déploie auprès des familles, des petits. « La magie de Noël, surtout pour eux, je pense que c'est important. »

M. Charpentier a lancé lui-même les démarches pour que les patients du Phare puissent se joindre cette année à l'aventure déjà offerte aux enfants hospitalisés en centre hospitalier. C'est qu'il entretient un lien particulier avec la ressource. C'est au Phare, en octobre 2012, que son garçon a poussé son dernier soupir. Il y aura bénéficié du service pendant plus d'un an.

« Je trouvais ça important que ces enfants soient là eux aussi [...] La devise du Phare, c'est de s'amuser jusqu'au bout de la vie. »

- François Charpentier, directeur général adjoint d'Urgences-santé

Au premier rang du défilé, les petits du Phare font preuve d'une patience exemplaire. Des parents qui sont venus les rejoindre s'activent, multiplient les photos. L'ambiance est à la fête. Les infirmiers veillent encore au grain. Les ambulanciers paramédicaux aussi. Le père Noël se fait attendre. Julien recharge la bonbonne d'oxygène de Cédric, et Karine prépare un soin de gavage pour Tao.

Le froid commence à avoir raison de la patience de Jason. Il est près de 13 h. « Il arrive, le père Noël s'en vient », affirme sa mère. Sa bonne humeur revient naturellement. Tout près de lui, Kelyann, qui a offert d'innombrables étreintes aux lutins et aux créatures féériques, n'a pas l'intention de rater le clou du spectacle. Et puis le voilà enfin.

À ce moment, les mots ne suffisent pas pour décrire leur regard.

« As-tu vu le père Noël, Kelyann ? » La belle brune lève la tête bien droite, un grand effort pour elle. Elle ne dit rien, mais son large sourire dit tout.

« Ce sont des enfants qui ne deviendront pas grands », exprime Stéphanie Barker. 

« Créer des moments précieux et uniques, des moments dont on va se souvenir bien après que l'enfant ne sera plus là, ça, ça s'appelle cultiver la mémoire. [...] Une mémoire collective, individuelle et familiale aussi. Au Phare, c'est notre étoile du Nord, ce qui nous guide. »

- Stéphanie Barker, directrice générale adjointe de la ressource de soins palliatifs pédiatriques Le Phare

Le temps des Fêtes provoque souvent des remous dans le coeur de parents d'enfants malades, devant l'inconnu d'un avenir qu'ils savent court. Mais hier, devant les chars allégoriques, les couleurs et la joie de Noël, l'heure n'était pas au futur.

« Ça fait quelques jours qu'on prépare les familles, les frères et soeurs, pour que l'enfant profite au maximum de l'attention de tout le monde pour qu'il puisse vivre le moment présent de la meilleure façon possible », poursuit Mme Barker.

« Aujourd'hui, c'est un enfant comme les autres. C'est un enfant, point. »

Photo Robert Skinner, La Presse

Jason s'est laissé bercer par la vibration du moteur. Par moments, son grand sourire parlait de lui-même.

Photo Robert Skinner, La Presse

Tao quitte sa chambre du Phare et est fin prêt pour le départ. Il est accompagné de Stéphanie Barker.