Culture permise à la maison, tolérance zéro ou production commerciale envisagée... Les nations autochtones de la province n'ont pas tardé à établir leurs propres règles du jeu avec l'entrée en vigueur de la légalisation du cannabis au Canada pour éviter qu'elle ne vienne contrecarrer les efforts déployés pour enrayer la toxicomanie. Tour d'horizon.

PRODUCTION ENVISAGÉE CHEZ LES MOHAWKS

La communauté mohawk de Kahnawake étudie la possibilité d'établir sur son territoire une usine de production de l'entreprise Canopy Growth. Un tel projet permettrait la création de 75 emplois. Aucun accord officiel n'a cependant encore été conclu avec le producteur. D'ici là, la communauté planche toujours sur la définition de sa future loi encadrant l'usage du cannabis. L'âge légal pour en consommer sur le territoire de Kahnawake pourrait être fixé à 21 ans.

En ce qui a trait à la vente sur le territoire, Kahnawake tient un sondage sur la question demain et le 26 octobre. Pour l'heure, un moratoire est en vigueur sur la vente et la production du cannabis et de ses produits dérivés. Les autorités de la communauté ont par ailleurs perquisitionné dans le commerce Greenleaf sur la route 138, vendredi, pour y saisir « plusieurs articles ». Une perquisition semblable avait aussi eu lieu au magasin The Joint la semaine dernière.

Une réglementation intérimaire a été adoptée à Akwesasne. Il est notamment interdit aux personnes de moins de 18 ans de posséder du cannabis. Pour la vente et la distribution, la communauté précise que les commerces qui souhaitent tenir ce genre d'activités doivent obtenir une licence délivrée par le Conseil des Mohawks d'Akwesasne.

CULTURE PERMISE À LISTUGUJ

Contrairement à ce que prévoit la loi québécoise, il sera possible de faire pousser jusqu'à quatre plants de cannabis à la maison dans la communauté micmaque de Listuguj, en Gaspésie. Le Conseil a adopté sa propre réglementation le 16 octobre dernier, à l'issue d'un référendum. Il est cependant strictement interdit pour un particulier de vendre ou de distribuer du cannabis.

La Nation ouvre par contre la porte à la production de cannabis sur son territoire à condition que la communauté soit propriétaire à 51 % de l'entreprise éventuelle. Les retombées d'une telle activité devraient également être versées au développement de la communauté.

Un bureau du contrôle sera aussi créé par la communauté pour assurer le respect et l'administration de la nouvelle loi sur le cannabis à Listuguj.

COMME AVEC L'ALCOOL À MANAWAN

Les trois communautés atikamekw du Québec, dont deux sont situées en Haute-Mauricie et une en Haute-Matawinie, ont accueilli avec une grande réserve la légalisation du cannabis, alors que le fléau de la toxicomanie fait des ravages chez les membres de la Nation. À Manawan, le Conseil a inséré une disposition particulière à son règlement administratif concernant la paix et le maintien de l'ordre pour encadrer l'usage et la consommation du cannabis. Comme pour l'alcool, il sera interdit de consommer du cannabis ou de se préparer à le faire dans tous les endroits publics, de même que dans les ruelles privées, terrains, cours ou champs, à moins d'avoir un droit de propriété.

À Opitciwan, le Conseil de bande n'a pas adopté de nouveau règlement en lien avec la légalisation du cannabis, mais déclare qu'il gardera un oeil ouvert, préoccupé pour la suite des choses. Opitciwan dispose d'un règlement visant l'expulsion pour une durée de cinq ans des revendeurs de drogue reconnus coupables devant un tribunal.

PAS DE COMMERCIALISATION À WENDAKE

Le grand chef de la Nation huronne-wendat, Konrad Sioui, n'est pas revenu sur sa volonté d'interdire la vente et la distribution du cannabis sur le territoire de Wendake, près de Québec. La Nation a modifié, la veille de la légalisation, son règlement portant sur les nuisances et les inconduites afin d'encadrer l'usage du cannabis. En plus de la distribution et de la vente, il est aussi interdit de « cultiver, multiplier et récolter » le cannabis.

Si la consommation de la marijuana est prohibée dans les espaces publics, il est par ailleurs également interdit de se trouver dans la rue ou un espace public avec les facultés affaiblies par le cannabis. Ces mesures sont prises dans le but de « protéger la santé et la sécurité des membres de la Nation huronne-wendat et de faciliter le travail des autorités pour que la communauté demeure un lieu où règnent la paix, le bon ordre et la tranquillité ».

TOLÉRANCE ZÉRO À ODANAK

En avril dernier, le Conseil des Abénakis d'Odanak a adopté un règlement interdisant la vente, la production et la distribution de cannabis sur son territoire. La consommation est aussi interdite dans tous les lieux publics, les immeubles, les terrains et les immeubles résidentiels appartenant au Conseil.

Par ailleurs, si un membre de la communauté était reconnu coupable de l'une de ces infractions, il risquerait l'expulsion du territoire de la Nation.

Le Conseil « est sensible à la détérioration du tissu social de la communauté », a-t-il rappelé sur la page Facebook de la communauté.

CRAINTES CHEZ LES INNUS

La communauté innue de Mashteuiatsh au Saguenay-Lac-Saint-Jean s'en tient à l'application des lois fédérale et provinciale, et ce, même si la légalisation est déplorée, en interdisant notamment la consommation du cannabis dans les lieux publics. Le Conseil déploie cependant dès maintenant des actions de prévention auprès du public, et principalement des jeunes, pour les sensibiliser aux risques liés à la consommation de cannabis.

Chez les Innus de Uashat mak Mani-Utenam, près de Sept-Îles, le chef Mike Mckenzie s'est dit « très inconfortable » avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, craignant que sa communauté ne devienne « un bar ouvert » pour les trafiquants. Sept-Îles a souvent été identifiée par les autorités comme « une plaque tournante » du trafic de drogues. Le chef Mckenzie dit vouloir « prendre un pas de recul » avant de « positionner » le Conseil.