Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) traverse des difficultés financières importantes au point de mettre sa survie en jeu, a admis le président de son conseil d'administration à La Presse.

«Il est minuit moins cinq», a affirmé Richard Filion au cours d'une brève conversation téléphonique. L'homme dit travailler «pour assurer la pérennité des opérations du centre».

Le versement des salaires des employés a été suspendu pendant quelques semaines, plus tôt cette année, et cette situation risque de se reproduire à court terme, selon nos informations.

En cause : le non-renouvellement d'une entente de financement avec le ministère de la Sécurité publique et la rétention de certains versements par la Ville de Montréal, qui presse l'organisme de «réviser son modèle d'affaires à la lumière de sa capacité financière». Le Ministère et la Ville étaient les deux bailleurs de fonds du CPRMV depuis sa création.

«Je confirme que [les problèmes financiers] sont une préoccupation sur laquelle travaille le C.A. pour trouver des solutions définitives», affirme M. Filion.

Dans les couloirs du centre, selon trois sources, on attribue ces problèmes à des tensions avec les milieux policiers, ainsi qu'à l'embauche controversée de Sabrine Djermane et El Mehdi Jamali juste après leur acquittement d'accusations de terrorisme, l'hiver dernier.

Défaut de paiement

Du côté du ministère de la Sécurité publique (MSP), on indique que «des démarches ont été entreprises en vue d'élaborer une nouvelle entente visant à octroyer à l'organisme un soutien financier». La dernière est arrivée à échéance en mars, mais le dernier paiement a seulement été effectué il y a trois semaines, à la fin de septembre, a ajouté Patrick Harvey, responsable des communications du MSP.

À la Ville de Montréal, on se fait plus clair : la municipalité est devenue le seul bailleur de fonds du CPRMV depuis la fin de son entente avec le MSP et elle «ne peut soutenir des interventions à l'extérieur de son territoire». Celles-ci représentaient 50% du travail du centre jusqu'à maintenant.

En outre, la Ville de Montréal a expliqué qu'elle retenait actuellement un versement de 400 000 $ destiné au centre parce que celui-ci est en défaut de paiement. Il «doit à la Ville des loyers et le remboursement d'un salaire à hauteur de 58 000 $», a indiqué Linda Boutin, chargée des communications.

«La Ville de Montréal, à titre de bailleur de fonds unique, veut s'assurer que le financement municipal soit utilisé pour accomplir des actions auprès de la clientèle montréalaise en fonction des champs de compétence municipale.»

Lancé en grande pompe par Denis Coderre et le ministre Pierre Moreau en 2015, le centre constituait alors «une première en Amérique du Nord», de l'avis du maire de Montréal. «Le vivre-ensemble requiert un équilibre entre l'ouverture et la vigilance», avait-il affirmé, reprenant le mantra de son administration et de ses ambitions sur la scène internationale.

Un projet d'expansion du centre à Québec, exprimé l'année dernière, avait été accueilli très négativement par le maire Régis Labeaume. «On n'a pas besoin de ça à Québec», avait-il réagi, excluant toute possibilité de financer un tel projet.

349 demandes d'assistance

Contrairement à d'autres services du genre dans le monde, le Centre travaille de façon indépendante de la police et refuse de partager les informations obtenues des individus radicalisés ou de leurs proches, sauf autorisation ou danger imminent.

L'organisation compte 18 employés. Selon son dernier rapport annuel, il a reçu 349 demandes d'assistance en 2017.

Le recrutement par le centre du couple Djermane-Jamali comme «consultants en prévention» avait causé la controverse, l'hiver dernier. Ils auraient été chargés de contribuer à la rédaction d'un guide sur la prise en charge des accusés de terrorisme et auraient apporté leur vision du «processus d'endoctrinement des jeunes au Québec». Ils ont toutefois démissionné rapidement après que leur embauche a été dévoilée par La Presse.

Joint à Paris, le directeur général du Centre, Herman Deparice-Okombo, n'a pas voulu commenter le dossier.