Le rideau a finalement été tiré sur le spectacle désolant d'un vieux cargo pourrissant sur la rive du lac Saint-Louis à Beauharnois, en Montérégie, depuis sept ans.

« Beauharnois aura de nouveau une magnifique vue du Saint-Laurent! », s'est exclamé le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, vendredi, en allant constater sur place le vide laissé par la fin des travaux de découpage du Kathryn Spirit.

Le démantèlement du navire est complété et il ne reste plus sur le site que le remblai qui avait été construit pour soutenir l'épave chancelante et l'isoler du milieu marin, remblai qui sera lui-même retiré d'ici le mois de décembre.

Marc Garneau a promis que le site aurait « retrouvé son état d'origine d'ici l'automne prochain ».

Plus encore, il a assuré qu'une telle situation ne se reproduirait plus grâce au Plan de protection des océans de son gouvernement.

Une des dispositions du Plan - la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux, qui est en cours d'adoption - interdira aux propriétaires d'abandonner leurs navires et les tiendra responsables du coût de toute opération de nettoyage.

Cette loi donnera aussi au gouvernement le pouvoir d'intervenir à l'égard des navires dangereux avant que ceux-ci ne deviennent encore plus coûteux à enlever.

Le Plan prévoit également un soutien financier pour les collectivités qui doivent agir d'urgence pour retirer les navires abandonnés qui présentent des risques pour la population ou l'environnement.

Rafiot abandonné

Le Kathryn Spirit, incapable de naviguer à la suite d'une avarie majeure, avait été acheté et amené à Beauharnois en 2011 par le Groupe St-Pierre qui voulait en récupérer la ferraille, mais le ministère de l'Environnement du Québec, devant le risque de pollution que présentait l'opération, avait refusé de délivrer les permis nécessaires.

Le rafiot avait alors été vendu à une entreprise mexicaine qui prévoyait le remorquer pour le démanteler à l'extérieur du pays, mais celle-ci a fait faillite et, en 2015, l'épave était officiellement abandonnée.

Le Groupe St-Pierre est revenu dans le décor en consortium avec la firme d'ingénierie Englobe pour découper le navire lorsqu'Ottawa a consenti quelque 11 millions pour procéder au démantèlement du cadavre maritime.

Celui-ci a été vidé de ses contaminants durant l'hiver dernier et le découpage a pu s'amorcer.

L'opération a été marquée par un incendie en avril dernier, incendie qui n'a finalement pas eu de conséquences fâcheuses.

« Pollueur-payé »

Le maire de Beauharnois, Bruno Tremblay, s'est dit soulagé de voir enfin cette menace à l'environnement et à la source d'eau potable de sa ville être écartée.

Il n'a pas manqué de dénoncer, au passage, le « long match de ping-pong entre le provincial et le fédéral » ayant précédé ce dénouement.

M. Tremblay a remercié son prédécesseur, Claude Haineault, pour « sa ténacité extraordinaire » et du même souffle a exprimé sa gratitude envers la députée fédérale de la circonscription, Anne Minh-Thu Quach, qui avait selon lui vainement tenté « d'avoir une écoute du parti précédent », en l'occurrence les conservateurs de Stephen Harper.

Celle-ci a fait part, par voie de communiqué, de sa satisfaction de voir le dossier enfin réglé.

La députée néo-démocrate de Salaberry-Suroît dit toutefois conserver « un goût amer » de cette saga, faisant valoir que la mobilisation citoyenne qui a caractérisé le dossier « en dit long sur l'inaction des gouvernements Harper et Trudeau ».

Mme Quach dénonce particulièrement le fait que le Groupe St-Pierre, qui avait d'abord acheté et amené le Kathryn Spirit à Beauharnois, s'est retrouvé dans le consortium retenu pour le démanteler, estimant qu'il s'agit d'« une insulte à l'intelligence de récompenser les pollueurs » et que cette situation en est une de « pollueur-payé » plutôt que de pollueur-payeur.

Selon la Garde côtière, il y a des centaines de navires abandonnés au Canada, principalement des petites embarcations de plaisance et des bateaux de pêche, mais aucun autre de la taille du Kathryn Spirit.