Les autorités du ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports (MTMDET) doivent redoubler leurs efforts pour attirer et retenir des ingénieurs et des professionnels possédant une solide expertise, afin de faire face à une deuxième vague de grands travaux sur le réseau routier québécois.

Alors que le Ministère peine déjà à maintenir les progrès accomplis dans la dernière décennie, le président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Marc-André Martin, prévoit que les professionnels d'expérience seront très convoités, à un moment où Québec prévoit investir 100 milliards dans ses infrastructures d'ici 2028.

« La majorité de notre réseau routier, dit-il, a été construit en deux grandes vagues de développement. La première a eu lieu dans les années 60, et la seconde, dans les années 70. Nous sommes en train de finir de réparer, d'améliorer ou de reconstruire les infrastructures des années 60.

« Ce sont maintenant celles de la deuxième vague, construites entre 1970 et 1980, qui se dégradent de plus en plus vite, et sur lesquelles on va devoir investir des milliards dans les années à venir, poursuit-il. Mais tout indique que présentement, nous n'aurons pas les ressources humaines nécessaires, ni en nombre ni en compétence, pour en venir à bout. »

Près du tiers (32 %) de toutes les structures du réseau routier supérieur du Québec, soit environ 1800 ponts, auront ainsi accumulé entre 40 et 50 années de service en 2020.

M. Martin réagissait ainsi aux conclusions d'un comité d'experts indépendants qui a estimé, dans un avis émis en début d'année, que le Ministère ne pourrait pas atteindre ses cibles d'amélioration de l'état de ses ponts et chaussées, malgré des investissements de presque 5 milliards prévus d'ici 2020.

« En fait, estiment les trois experts, il y aura une détérioration au cours des prochaines années, selon les prévisions du Ministère. »

Selon les experts, les carences en ressources professionnelles du Ministère font partie des facteurs qui limitent le volume des travaux réalisés et sa capacité à planifier et préparer des projets.

DES BESOINS EN INGÉNIERIE

Dans son avis remis au sous-ministre des Transports Marc Lacroix, ce comité plaidait pour une augmentation des budgets d'investissements du Ministère afin de hausser le volume des travaux réalisés. Selon le président de l'APIGQ, une telle augmentation ne servira à rien si le MTMDET n'a ni les effectifs ni les compétences pour atteindre ses objectifs. Et pour ce faire, le Ministère doit agir rapidement, dit M. Martin.

« Le gouvernement du Québec a déposé un plan d'infrastructures de 100 milliards d'ici 2028, au début de l'année. De grands chantiers de routes, d'écoles, d'hôpitaux et de transports en commun, il va y en avoir énormément d'ici 10 ans. Ça va prendre beaucoup d'ingénieurs.

« Si on veut avoir les meilleurs attitrés aux infrastructures routières, il faut agir maintenant, sinon il va y avoir un exode des ingénieurs chevronnés vers de grands projets, ailleurs qu'aux transports. »

- Marc-André Martin, président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec

Selon lui, si on parvient à peine à maintenir l'état du réseau routier actuellement, la situation ne fera qu'empirer, alors que les besoins en génie vont s'amplifier, partout au Québec, et dans tous les domaines.

Au cours des dernières années, le ministère des Transports, avec l'accord du Conseil du trésor, a fait des efforts importants pour améliorer son expertise interne. Le nombre d'ingénieurs est ainsi passé d'environ 550 à près de 1000, reconnaît le président de l'APIGQ.

« Mais au même moment, on a aussi développé une tendance à asseoir les gens dans une chaise au lieu de leur faire faire du terrain. Un jeune ingénieur qui arrive dans une direction territoriale, la première chose qu'on lui demande, ce n'est pas d'aller surveiller un chantier ou de préparer un projet. On lui montre à remplir un devis pour faire appel à de la sous-traitance. »

M. Martin souhaite qu'on augmente le ratio d'ingénieurs seniors pour mieux encadrer les jeunes ingénieurs embauchés dans les dernières années. Et pour les attirer, dit-il, « c'est la rémunération qui va être le nerf de la guerre ».