Pour s'en prendre à la flambée de violence armée qui a déjà coûté 22 vies cette année, les autorités torontoises devront miser sur une transformation sociale, et non la répression policière, préviennent politiciens et chercheurs.

Augmenter le nombre d'agents dans certains quartiers ou rétablir des pratiques controversées comme le fichage ne fera que repousser le crime vers de nouveaux recoins et aliéner les citoyens, signale un professeur en sociologie à l'Université de Toronto.

Jooyoung Lee prône plutôt une «approche à long terme» qui se pencherait sur la pauvreté urbaine et intergénérationnelle ainsi que sur la discrimination sur le marché du travail, et aiderait les «jeunes de minorités visibles - qui sont particulièrement désavantagés dans des villes comme Toronto - à améliorer leur situation».

Depuis vendredi seulement, 11 personnes ont été atteintes par des coups de feu à Toronto. Samedi, deux personnalités du milieu du rap ont été assassinées en plein jour: Jahvante Smart, le rappeur de 21 ans connu sous le nom de Smoke Dawg, et Ernest Modekwe, âgé de 28 ans. Une femme blessée dans la même fusillade devrait s'en tirer vivante selon les policiers.

Quatre autres personnes ont été touchées par balles tard dimanche, dans les alentours de Kensington Market, et un autre homme a été blessé mardi matin lors d'une fusillade non loin du coeur du centre-ville.

Un total de 22 personnes ont été tuées par balles depuis le début de l'année à Toronto. Le bilan des meurtres s'élève pour sa part à 51 - un chiffre gonflé par l'attaque au camion qui a fait 10 morts en avril.

Le maire John Tory et le chef de police Mark Saunders s'entendent pour imputer la plupart des fusillades aux gangs criminels.

«Être précis, stratégique et concentré sur cette sous-culture des gangs est une de mes grandes préoccupations», a déclaré M. Saunders en entrevue avec la station de télévision locale CP24.

Il compte apprendre à en connaître «les joueurs» plutôt que d'intensifier la présence policière dans certains quartiers.

Selon le professeur Jooyoung Lee, les jeunes garçons se joignent surtout à des gangs criminels entre 14 et 18 ans.

«Ils vivent peut-être dans un contexte où ils sont incertains de leur sécurité, que ce soit aux mains d'autres jeunes ou des policiers, face auxquels ils sont sceptiques pour diverses raisons», explique le chercheur.

Toronto demeure l'une des villes les plus sécuritaires en Amérique du Nord, mais la violence armée y soulève de grandes inquiétudes et aucune solution facile, soutient pour sa part le maire Tory.

«Quiconque suggère qu'il a la réponse entière dans un seul petit slogan ou une seule proposition de politique trompe les gens de Toronto et leur donne de faux espoirs», a-t-il fait valoir aux journalistes.

D'ici la fin de l'année, la Ville-Reine aura embauché 200 policiers de plus, et l'administration cherche à rétablir des programmes qui offraient aux jeunes «une alternative plus positive que l'activité des gangs», a ajouté le maire. La Ville appliquera aussi pour du financement fédéral pour la prévention de la criminalité, a-t-il indiqué.