Ce devait être 100 000 $. Puis 1 million de dollars. Puis 2 millions. Puis 4. Mais voilà qu'hier, la campagne de financement en ligne lancée pour venir en aide aux familles des victimes de la tragédie en Saskatchewan avait récolté plus de 8 millions de dollars en quatre jours.

« Il n'y a pas de mot pour décrire le soutien incroyable offert par la communauté du hockey », a écrit Sylvie Killington, instigatrice de la campagne, sur le site de sociofinancement GoFundMe.

Le site a d'ailleurs indiqué hier que cette campagne était la plus fructueuse de son histoire au Canada et avait rejoint le top 5 tous pays confondus. Avec plus de 21,5 millions, c'est la campagne du mouvement américain de défense des victimes d'agressions sexuelles Time's Up qui a récolté le plus d'argent par le truchement de GoFundMe à ce jour.

Mme Killington a été la première surprise par le vent de solidarité qui déferle sur la petite ville de Humboldt, qui pleure encore la perte des 15 personnes, dont 10 joueurs et 2 entraîneurs des Broncos, équipe de la Ligue de hockey junior de la Saskatchewan (LHJS).

Elle-même mère d'un jeune hockeyeur (qui n'a pas été impliqué dans l'accident), elle a avoué au réseau CBC qu'elle ne savait pas encore où irait tout cet argent.

« Il y aura probablement des coûts de rééducation » pour les joueurs blessés, a-t-elle indiqué, ajoutant qu'elle entrevoyait la création d'une fondation qui offrirait du soutien à toutes les équipes de la LHJS. Dès le début de la campagne, elle a affirmé que les sommes récoltées seraient remises aux familles des victimes par l'entremise de l'organisation des Broncos.

Au moment de publier, plus de 100 000 personnes en provenance de quelque 65 pays avaient fait un don variant de 5 à 50 000 $.

Plusieurs entreprises canadiennes ont emboîté le pas, tout comme des équipes de hockey professionnelles.

Dans la Ligue nationale, les Blackhawks de Chicago et les Jets de Winnipeg ont donné 25 000 $ respectivement, les Penguins de Pittsburgh, 20 000 $ et les Maple Leafs de Toronto, 10 000 $. Les joueurs ont aussi mis du leur. Entre autres, on a appris hier que Brendan Gallagher, attaquant du Canadien de Montréal, avait personnellement remis 11 000 $. Au cours du week-end dernier, tous les joueurs du Tricolore s'étaient par ailleurs engagés à faire une contribution.

UNE FIBRE ÉMOTIVE

Professeur de sociologie à l'UQAM spécialisé dans la philanthropie et le mécénat, Jean-Marc Fontan estime que la tragédie a touché une corde particulièrement sensible au sein de la population canadienne.

« On a vu tout de suite que quelque chose avait résonné. » - Jean-Marc Fontan, spécialiste de la philanthropie et du mécénat, en entrevue avec La Presse

M. Fontan a vu des similitudes entre cet élan de solidarité spontané et celui qui a suivi la disparition du petit Ariel Jeffrey Kouakou à Montréal, le mois dernier. En quelques jours, la récompense pour le trouver était passée à quelque 100 000 $.

« Il y a une réaction logique à se demander comment on peut aider, a-t-il dit. Et la manière rapide d'y arriver est d'envoyer de l'argent. Dans des cas médiatisés comme [la tragédie de la Saskatchewan], la somme va bien au-delà de ce qu'on pouvait raisonnablement attendre. Il faut maintenant s'assurer que cet argent sera bien utilisé. »

Par ailleurs, selon M. Fontan, il est faux de croire que cette collecte de fonds se fait au détriment d'autres causes. « Ce ne sont pas des vases communicants », a-t-il rappelé.

Au contraire, une campagne qui génère ce rayonnement peut avoir un effet boule de neige pour d'autres initiatives de philanthropie.

« Ça nourrit la solidarité, a-t-il dit. Ce n'est pas ça qui va vider les goussets. La classe moyenne détient assez de richesse pour en donner plus. Il y a de la place ! »