Le chauffeur des Broncos Glen Doerksen n'était pas applaudi par des arénas en liesse, mais il pratiquait un métier difficile où les heures longues et irrégulières sur la route deviennent une routine, selon des collègues québécois encore choqués par l'accident.

La catastrophique collision qui a fait 15 morts est le pire cauchemar de ces hommes qui quadrillent le pays pour transporter des équipes de hockey de ville en ville.

Vendredi soir dernier, alors que les joueurs des Tigres de Victoriaville montaient dans son autocar, une mère a demandé à Daniel Lesage de « faire attention à nos jeunes ». « Je n'ai pas trop compris », a rapporté le routier. « Quand je suis arrivé chez nous, j'ai vu ça. [...] C'est sûr que ça donne un coup. »

« On voit des autos, des camions s'en venir vers nous autres. On se dit toujours : s'il fallait qu'il dévie de sa route ou que je dévie de ma route... », a-t-il poursuivi.

« J'ai trouvé ça terrible. C'est sûr qu'on se questionne beaucoup quand on voit un accident comme ça : on se demande si on veut continuer à faire ce métier, ce qui nous attend au bout du stop », a expliqué son collègue Luc Hallé, qui conduit l'Océanic de Rimouski, une autre équipe de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).

Avec des équipes de l'Abitibi jusqu'à l'est de la Nouvelle-Écosse, les joueurs, entraîneurs et chauffeurs du circuit roulent tous des dizaines de milliers de kilomètres pendant une saison. De jour et de nuit, par beau temps et par tempêtes.

« Au Québec comme en Saskatchewan, c'est la température qui peut faire la différence pour un chauffeur d'autocar. » - Robert Tailleur, chauffeur à la retraite qui a conduit les Foreurs de Val-d'Or et les Huskies de Rouyn-Noranda

« Quand tu pars de Sherbrooke à 16 h, t'es pas arrivé à Rouyn... Et quand tu pars de Sherbrooke avec une tempête de neige sur l'autoroute 10... »

« FAIS-TU ÇA, DES JOURNÉES DE 16 HEURES ? »

En voyant les images en provenance de la Saskatchewan pendant la fin de semaine, M. Tailleur se remémorait l'accident d'autocar des Éboulements, en 1997. Le chauffeur était immobilisé en haut de la funeste côte quand l'accident est survenu.

Depuis, l'encadrement des heures de travail des camionneurs et des chauffeurs d'autocar a été resserré par le gouvernement. Les routiers sont limités à 13 heures de conduite dans la période qui suit les 16 heures de prise en main du volant. Avant cette modification, « c'était pire encore », a relaté Luc Hallé.

« Il n'y a pas beaucoup de gens qui travaillent 16 heures par jour », souligne Robert Tailleur. Il a aussi souligné la difficulté pour un chauffeur d'autocar de remettre en question les demandes d'entraîneurs de hockey qui prennent parfois leur chauffeur pour « un robot ». « Une fois, j'ai dit au coach : fais-tu ça, des journées de 16 h dans ton travail ? »

Au-delà de la simple quantité d'heures qui s'accumulent, ce sont aussi les horaires extrêmement variables qui usent les chauffeurs d'autocar et font craindre le moment d'inattention de trop.

« C'est pas tout le monde qui est fait pour ce genre de métier là. C'est bien souvent des voyages de jour, des voyages de nuit... Tu peux faire une semaine de voyages de jour et pouf ! ils te sortent un voyage de nuit. Il faut être capable de s'adapter. » - Luc Hallé, chauffeur de l'Océanic de Rimouski

Selon lui, ces mandats sont plus lourds que les lignes à horaire régulier entre deux villes. « Après les matchs, c'est souvent le retour directement dans la ville où ils sont basés, a-t-il dit. Partir de Rouyn-Noranda pour aller au Cap-Breton, je sais pas si vous imaginez. »

« C'est quand même moins pire que la Ligue américaine de hockey », s'est consolé Luc Hallé. « Il paraît que la ligue junior de l'Ouest, c'est encore plus de déplacements qu'au Québec. »