Le silence est déconcertant à l'unité des soins intensifs de l'hôpital Royal University de Saskatoon, là où plusieurs blessés ont été conduits, vendredi soir. Les deux petites salles d'attente réservées aux familles sont bondées, mais presque personne ne parle. C'est l'attente. Les nouvelles arrivent au compte-gouttes, depuis l'accident qui a décimé l'équipe des Broncos de Humboldt de la Ligue junior de hockey de la Saskatchewan. Quinze personnes sont mortes, 14 autres ont été blessées, et trois d'entre elles luttaient toujours pour leur vie, hier soir.

Layne Matechuk est dans le coma. Le défenseur qui vient tout juste de célébrer ses 18 ans a subi d'importantes blessures à la tête. Sa tante arrive à l'hôpital, les épaules chargées de plusieurs sacs.

« C'est le garçon de ma soeur. Il ne va vraiment pas bien », confie Sheree Mydynsky d'un ton accablé, avant de pousser un long soupir et d'ajouter : « Mais il est vivant. » Mme Mydynsky a conscience que la moitié des familles de ceux qui se trouvaient dans l'autocar aux couleurs des Broncos ne peuvent malheureusement pas en dire autant. Layne est dans un état grave, mais stable. Sa famille peut encore se permettre d'espérer, comme toutes celles réunies à l'hôpital Royal University de Saskatoon.

Les autorités ont indiqué que les 14 survivants souffraient de blessures de toutes sortes. La formation se rendait à Nipawin pour y affronter les Hawks pour le cinquième match de la demi-finale.

« On prie. On prie très fort », a assuré Mme Mydynsky avant d'aller rejoindre sa soeur à l'unité des soins intensifs, où il ne reste plus une seule chaise de la salle d'attente de libre.

L'angoisse de l'attente

Des parents, des frères, des soeurs sont assis directement sur le plancher. D'autres sont appuyés au mur beige qui sépare deux unités : celle des soins intensifs et celle des soins coronariens. La plupart fixent le vide, les yeux rougis par une nuit blanche et, on le devine, beaucoup d'émotions. Tous portent un badge de visiteur. Personne n'est autorisé à franchir l'accueil sans être formellement identifié comme le proche d'un patient.

Les trois agents de sécurité risquent de faire une exception pour Julie Graham et sa fille Montana. Toutes deux sont arrivées à l'hôpital avec des sacs pour les familles : brosses à dents, shampoings, déodorants...

« On s'est dit que les familles n'avaient certainement pas pris le temps d'apporter tout ça. On veut simplement leur rendre service. Ce qu'elles vivent est horrible, ça nous brise le coeur et on veut juste qu'elles sachent que tout le monde pense à elles », explique la mère de famille, dont le fils joue aussi au hockey.

Mme Graham et sa fille ont appris la nouvelle rapidement, vendredi soir. Montana a reçu un message d'une amie sur Snapchat, peu après l'accident.

« Je connais certains frères et soeurs des joueurs. Je connais aussi l'une des blondes, mais aucun des garçons personnellement, raconte l'adolescente de 15 ans. C'est tellement triste. Tout le monde est anéanti. »

Une enquête laborieuse

Les enquêteurs pourraient mettre beaucoup de temps avant de déterminer les causes de la violente collision impliquant un autocar et un semi-remorque, a prévenu hier la GRC, de qui relève l'enquête. Le commissaire adjoint Curtis Zablocki a souligné que les enquêteurs examineraient tous les aspects de l'accident afin de déterminer le fil des événements.

« Il s'agit d'une enquête très complexe et, en raison du volume d'éléments de preuve, de la quantité d'information et du nombre de victimes, il faudra du temps pour la mener à bien. Il est trop tôt pour émettre des commentaires sur les causes de l'accident et nous continuerons de vous tenir au courant au fur et à mesure que l'enquête avancera. »

Les enquêteurs devront se pencher sur divers aspects, dont les conditions météorologiques et les problèmes mécaniques qu'aurait pu connaître l'un des véhicules, a souligné M. Zablocki.

L'accident s'est produit vers 17 h, heure locale, sur la route 35, près de la ville de Tisdale. Le semi-remorque se dirigeait vers l'ouest lorsqu'il a percuté à angle droit l'autocar à une intersection de l'autoroute. Le choc a été d'une telle violence que les deux véhicules se sont retrouvés au fond du fossé au sud-ouest de l'intersection. Une rangée d'arbres à l'angle sud-est limite la visibilité à cet endroit.

« Ce n'est pas le premier accident qui se produit là. Il y a six croix blanches au même endroit. Une famille complète avait été tuée dans un accident », rappelle Mme Graham, qui passe fréquemment par la route 35.

Solidarité immédiate

Plus de 2,5 millions avaient déjà été amassés, hier soir, dans le cadre d'une campagne de sociofinancement pour venir en aide aux familles des victimes, campagne lancée par une résidante de Humboldt sur le site Go Fund Me. Par ailleurs, la mère de l'ancien joueur du Canadien Colby Armstrong a proposé son aide aux familles qui cherchent un endroit pour se loger à Saskatoon. Les hôtels Canalta ont aussi offert de loger les proches des victimes et WestJet a apporté des modifications à ses vols.

« Plusieurs de nos vols en direction de Saskatoon en fin de semaine étaient pleins en raison de la semaine de relâche, mais nous avons changé les avions pour des appareils avec une plus grande capacité. [...] Nous faisons tout en notre pouvoir pour rendre plus de sièges disponibles sur les vols en direction de Saskatoon », a indiqué la compagnie aérienne dans un communiqué.

Lieu de recueillement

À Humboldt, le domicile des Broncos s'était transformé en lieu de recueillement au lendemain de l'effroyable tragédie. Le maire de la ville, Rob Muench, avait revêtu le chandail vert et jaune de l'équipe. Il accueillait et étreignait les gens qui se rendaient à l'aréna Elger Petersen pour y trouver un peu de réconfort et en apprendre un peu plus sur l'accident.

« C'est une tragédie qui nous frappe lourdement. Nous ne sommes qu'une petite collectivité, mais l'équipe de hockey y occupe toujours une place importante », a-t-il dit.

Plusieurs personnes erraient dans et autour de l'édifice, hier matin. Des intervenants en gestion de crise s'étaient déplacés pour offrir de l'aide. Des fleurs avaient été déposées dans les escaliers des gradins. Les balustrades étaient couvertes de rubans jaunes et verts en l'honneur de l'équipe. Partout dans cette petite ville de 6000 âmes, les drapeaux étaient en berne.

- Avec La Presse canadienne