Le gouvernement Couillard veut confier des pouvoirs d'enquête spéciaux au Directeur général des élections (DGEQ) pour qu'il vérifie comment les partis politiques colligent les données personnelles des électeurs et comment ils les utilisent.

En entrevue à La Presse, la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Kathleen Weil, a confirmé que son gouvernement donnerait suite à une demande formulée en ce sens par le DGEQ, Pierre Reid.

« L'important, dans tout ça, c'est de rassurer l'ensemble des Québécois quant à la protection des renseignements personnels, a indiqué Mme Weil. Et aussi, nous sommes toujours à la recherche des meilleures pratiques. »

Le DGEQ avait dans un premier temps refusé d'enquêter sur la question. Mais alors que les révélations se succèdent dans l'affaire Facebook-Cambridge Analytica, il a écrit aux chefs des quatre partis à l'Assemblée nationale, jeudi, afin de clarifier sa position.

Dans sa lettre, il se propose d'évaluer les pratiques des différentes formations politiques afin de recommander des changements à la Loi électorale. Pour ce faire, il réclame une loi spéciale qui lui donnerait des pouvoirs d'enquête, ceux-là mêmes dont il dispose pour enquêter sur le financement politique.

« Il me semble essentiel d'évaluer les pratiques des partis politiques quant à la collecte, à l'utilisation, à la communication et aux mesures de sécurité prises pour la conservation [des] renseignements [personnels]. »

- Pierre Reid, directeur général des élections, dans une lettre aux partis politiques

M. Reid prévient qu'il lui sera impossible de terminer sa vérification avant les élections du 1er octobre. Mais au gouvernement, on fait valoir que son enquête aura pour effet d'assurer que les partis politiques fassent un usage responsable des données personnelles en période électorale.

C'est pourquoi Mme Weil a vite répondu favorablement à sa demande.

« Nous souhaitons aller rapidement de l'avant sur cette demande, a indiqué Mme Weil. Nous souhaitons la collaboration des partis de l'opposition afin d'agir rapidement sur cette question avant les élections. »

Les changements à la Loi électorale se font généralement par consensus à l'Assemblée nationale. La ministre Weil dit avoir bon espoir que l'opposition accueillera favorablement la demande du DGEQ. Car le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire ont tous affiché un désir de montrer patte blanche devant les électeurs.

S'il obtient le feu vert des parlementaires, M. Reid convoquera un comité consultatif qui proposera des changements législatifs. Ceux-ci pourront alors être proposés officiellement par le gouvernement à l'Assemblée nationale.

SCANDALE MONDIAL, DÉBAT LOCAL

Le scandale Facebook-Cambridge Analytica a ébranlé le milieu politique au Royaume-Uni et aux États-Unis. L'affaire a aussi causé un affrontement à Québec, où il n'existe aucune loi pour empêcher des partis politiques de compiler des renseignements personnels sur les électeurs.

Après la mise au jour de l'affaire, le premier ministre Philippe Couillard a ouvertement soupçonné la CAQ et QS d'avoir embauché une firme pour colliger des données sur les réseaux sociaux. Les deux partis ont nié.

QS a ensuite présenté une motion qui demandait aux partis de rendre publiques les ententes les liant à des entreprises de récolte de données. Le gouvernement libéral s'y est opposé.

Mme Weil a alors lancé un premier appel au DGEQ, il y a 10 jours. Mais celui-ci a refusé, citant le vide législatif.

Le DGEQ réclame depuis près de cinq ans des changements législatifs pour encadrer l'usage des données personnelles des citoyens par des entités politiques. Dans son rapport annuel de 2012-2013, il recommandait déjà une « réforme en profondeur » de la Loi électorale à cet égard. Il proposait aussi de créer un code d'éthique pour encadrer les partis. Il a réitéré cette demande dans son dernier rapport annuel.