Un défi popularisé en 2013 fait la manchette et alarme les parents depuis la fin de semaine dernière, alors que ressurgissent des vidéos montrant des adolescents en train d'aspirer un condom par une de leurs narines et de le faire ressortir par leur bouche. Explications en cinq questions du « condom snorting challenge ».

DE QUOI S'AGIT-IL ?

Le « condom snorting challenge » (traduction libre : le défi du reniflage de condom) consiste à aspirer, non sans difficulté, un préservatif neuf par l'une de ses narines, à le faire descendre par son pharynx et à le faire ressortir par sa bouche. Le tout capté par caméra et diffusé sur les réseaux sociaux. Le défi farfelu n'a aucun objectif pertinent. Principalement pratiqué aux États-Unis, le « condom snorting challenge » a pris naissance en 2007 et s'est répandu en 2013 quand une populaire youtubeuse a soudainement eu envie de relever le défi. Comme tous les phénomènes du genre, il a été relativement éphémère. Mais depuis deux jours, les articles sur cette « nouvelle tendance » se multiplient à un rythme effréné et inquiètent inutilement les parents.

POURQUOI EN PARLE-T-ON MAINTENANT ?

La semaine dernière, un conférencier qui s'adressait à des parents dans une école de San Antonio, au Texas, les mettait en garde à propos des situations délicates auxquelles leurs enfants sont exposés : drogue, alcool, sexualité, etc. À un moment dans sa conférence, Stephen Henriquez a fait allusion à ce défi datant d'il y a déjà cinq ans. Fox29 San Antonio a ensuite réalisé un reportage, et la nouvelle a fait boule de neige. Or, ce défi n'a rien de nouveau. En consultant les statistiques du moteur de recherche Google, les recherches sur le « condom snorting challenge » ont essentiellement été effectuées en 2013, à partir d'adresses IP états-uniennes. Sur YouTube, aucune nouvelle vidéo de ce genre n'avait été publiée depuis au moins un an.

COMMENT UN PHÉNOMÈNE DEVIENT-IL VIRAL ?

« Il n'y a pas de recette magique, sinon, on serait tous en train d'en créer et on serait multimillionnaires », assure Samuel-Philippe Dugré, auteur du mémoire L'Ice Bucket Challenge : analyse et compréhension de la diffusion d'un phénomène viral à travers internet. Il explique qu'il y a toutefois des facteurs communs aux phénomènes viraux, aussi insignifiants soient-ils. « La logique a été respectée : il y a le bouche-à-oreille, un événement attrayant avec de l'humour - discutable - et de la provocation. On ajoute la vidéo, qui facilite le partage, et les réseaux sociaux, qui créent un effet domino. Parfois, il y a une nomination - c'était le cas avec l'Ice Bucket -, et quand c'est toi qui es nommé, tu ne veux pas être celui qui brise la chaîne, alors tu embarques, pour les bonnes ou les mauvaises raisons. Que ce soit dangereux ou pas, tu le fais. »

QUE SE PASSE-T-IL DANS LA TÊTE DES ADOS ?

L'effet d'entraînement existe depuis des lustres. Que l'adolescent qui n'a jamais voulu relever un défi douteux pour impressionner ses amis leur jette la première pierre. Or, à l'époque à laquelle nous vivons, cette volonté « d'épater, de surprendre, de fâcher » est exacerbée par la popularité instantanée que procurent aux protagonistes les médias sociaux, croit le psychologue Rémi Côté. « Ce genre de défi n'apporte aucun plaisir, comme on pourrait le croire quand ça implique de l'alcool, par exemple, explique le psychologue en milieu scolaire. C'est une autre sorte de plaisir, celui de faire rire ses amis, ou encore de choquer, quand on pense au condom. Ceux qui se mettent en scène cherchent une popularité spontanée avec un effort très minime. » Il croit néanmoins que cette médiatisation du comportement peut provoquer des discussions dans les foyers et donnera l'occasion aux parents d'aborder des sujets sensibles avec leurs ados.

QUELS SONT LES DANGERS ?

Faire passer un préservatif enduit de lubrifiant et de spermicide dans ses voies respiratoires est dangereux, faut-il le préciser ? Premier danger : l'étouffement. Deuxième danger : des complications. La littérature scientifique fait état notamment de deux cas d'inhalation accidentelle de condoms, comme le rapporte dans le magazine Forbes Bruce Y. Lee, professeur associé à l'International Health au Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health. En 2004, une femme a avalé un condom en faisant l'amour oral et l'objet s'est logé dans l'un de ses poumons, ce qui a provoqué une pneumonie. Une autre femme, qui a subi la même mauvaise expérience lors de préliminaires, a souffert d'une appendicite quand un morceau de latex est allé se loger dans son appendice. Fort heureusement, l'Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec (ASMUQ) a informé La Presse qu'aucun de ses membres n'a porté à son attention des cas attribuables au « condom snorting challenge ».