Dans un peu plus d'une semaine, six bénévoles commenceront à remplir jusqu'à 500 déclarations d'impôts pour des gens qui ont peu ou pas de revenus aux Bergers de l'espoir, un hébergement pour sans-abris au centre-ville d'Ottawa.

Les libéraux ont donné un coup de pouce à ces cliniques bénévoles dans le budget présenté cette semaine, faisant passer les dépenses annuelles consacrées au Programme communautaire des bénévoles en matière d'impôt à 13 millions $. Le gouvernement permet aussi au programme d'être opérationnel tout le long de l'année.

Plusieurs prestations fédérales sont réservées aux Canadiens à faible revenu, dont la nouvelle allocation aux travailleurs et l'Allocation canadienne pour enfants, en plus des autres programmes d'aide des gouvernements provinciaux et municipaux.

Une déclaration de revenus permet donc à certains Canadiens d'amasser plus d'argent.

Susan Alcott, qui supervise la clinique d'impôts aux Bergers de l'espoir, affirme que la plupart des gens qui bénéficient de l'aide des bénévoles ne réalisent pas qu'ils pourraient recevoir des prestations en remplissant leur déclaration.

Ils croient, à tort, qu'ils devront payer des impôts, a-t-elle expliqué.

«Nos clients ne paient pas d'impôts. Nos clients ne peuvent que gagner à remplir leur formulaire», a-t-elle ajouté.

C'est la deuxième fois que les libéraux bonifient ce programme depuis leur arrivée au pouvoir. Dans le cadre de cette initiative, plus de 2300 organisations et 17 000 aident des sans-abris, des Autochtones, des nouveaux arrivants, des aînés, ainsi que des personnes atteintes d'un handicap à remplir leur déclaration d'impôts.

Cet argent supplémentaire servira d'ailleurs à gérer la hausse de demande à des cliniques comme celle des Bergers de l'espoir.

«Nous avons réalisé très rapidement que, même si fournissons le service à nos clients hébergés, il y avait beaucoup d'autres gens dans la collectivité qui avaient aussi besoin (d'aide)», a confié Mme Alcott.

Mieux rejoindre les populations marginalisées

Cette décision fait suite à une réflexion amorcée par l'Agence du revenu du Canada (ARC) il y a un an.

En mars et avril 2017, les chercheurs de l'agence ont réalisé des entrevues en profondeur avec des bénéficiaires de ces cliniques pour déterminer ce que le gouvernement pourrait faire pour améliorer un tel programme et mieux rejoindre les populations marginalisées et à faible revenu.

Ils ont parlé à 31 hommes et 11 femmes, dont les âges étaient répartis entre le début de la vingtaine, jusqu'à 75 ans. Parmi ceux-ci, 30 d'entre eux avaient rempli leur déclaration en 2016. Moins de la moitié vivaient dans des hébergements pour sans-abris, six avaient des enfants et deux étaient admissibles à l'Allocation canadienne pour enfants.

«La plupart d'entre nous avons été formés en tant qu'économistes et nous cherchons toujours de gros chiffres», a expliqué Mireille Éthier, directrice générale à l'Agence du revenu du Canada.

L'étude à petite échelle a démontré que l'ARC pourrait «tirer des conclusions en raison de la profondeur des entrevues et du temps qu'ils ont passé avec les gens», a-t-elle ajouté.

Une femme qui a participé à l'étude a parlé longuement du fait que la déclaration de revenus était un devoir citoyen. Un homme a dit que cette tâche n'était pas du tout dans ses plans. Certains craignaient que la déclaration les mette dans le collimateur du gouvernement, surtout s'ils avaient eu des ennuis financiers.

Des vies difficiles

Un sujet qui revenait beaucoup dans les conversations était que ces gens avaient d'autres préoccupations plus importantes à gérer, dont des problèmes de santé mentale, a souligné Amy Wilson, l'une des principales auteures de l'étude.

«Ces gens ont des vies vraiment compliquées», a-t-elle soutenu.

«Gérer ce type de conditions chroniques, tout en vivant dans des endroits précaires comme des centres d'hébergement, des pensions ou la rue, est une expérience plutôt difficile.»

Les chercheurs ont recommandé à l'agence qu'elle trouve des moyens pour aider les sans-abris, notamment pour qu'ils ne soient pas désavantagés par le fait que la plupart des services soient délivrés en ligne.

Lorsque la saison des impôts s'est ouverte à la fin du mois, l'ARC a offert un service pour près d'un million de Canadiens à faible revenu ou à salaire fixe qui leur permet de remplir leur déclaration en répondant à une série de questions courtes sur une ligne téléphonique spéciale.

Ce service permet d'accorder les prestations et les crédits d'impôt automatiquement, sans avoir à remplir le formulaire.