Au Québec, 37 % des travailleurs n'ont pas d'assurance invalidité. S'ils tombent malades, ils doivent s'en remettre au régime gouvernemental d'assurance-emploi.

Ils ont intérêt à guérir en moins de quatre mois, puisqu'ils ne peuvent recevoir des prestations pour plus de 15 semaines, à 55 % de leur salaire, dénonce Marie-Hélène Dubé, une survivante du cancer qui se bat depuis 2009 pour que les travailleurs malades soient indemnisés pour une plus longue période.

« J'ai reçu plein de témoignages, depuis le début de ma campagne, de personnes qui se sont retrouvées en difficultés financières, parfois en faillite ou sur l'aide sociale, parce qu'ils n'avaient plus de revenu après 15 semaines, raconte Mme Dubé. Souvent des gens qui ont eu un cancer, comme moi, mais aussi des cas de dépression. »

Quand le Parti libéral du Canada était dans l'opposition, il réclamait des changements à cet égard. Mais maintenant qu'il forme le gouvernement, rien ne bouge, déplore-t-elle, bien que le ministre Jean-Yves Duclos, responsable du dossier, ait déjà affirmé qu'il comptait revoir ce délai.

L'histoire de l'auteur et professeur Samuel Archibald, qui s'est fait retirer ses prestations d'invalidité par son assureur alors qu'il combat une dépression, a braqué les projecteurs sur les difficultés financières que doivent affronter ceux qui se retrouvent incapables de travailler et sans revenu.

Même le Collège des médecins a dénoncé l'attitude des assureurs, qui parfois harcèlent les assurés en congé pour invalidité pour qu'ils retournent travailler au plus vite, ce qui peut nuire à leur rétablissement.

Pour les travailleurs malades sans assurance invalidité, qui touchent des prestations d'assurance-emploi, il n'y a même pas de recours possible : après 15 semaines, le couperet tombe.

Marie-Hélène Dubé espère que le débat provoqué par le cas de M. Archibald montrera l'importance de permettre aux personnes malades de toucher des prestations pendant plus longtemps.

PAS D'AMÉLIORATIONS POUR LES MALADES

En novembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé l'entrée en vigueur d'améliorations à l'assurance-emploi pour les proches aidants et pour les familles de personnes malades, notamment grâce à une nouvelle prestation d'un maximum de 35 semaines.

Mme Dubé souligne l'ironie d'offrir 35 semaines de prestations aux parents et à d'autres membres de la famille d'un enfant malade, « tandis qu['elle], comme mère monoparentale de deux enfants, [n'a] eu droit qu'à 15 semaines quand [elle a] été malade, et ensuite [elle n'avait] plus de revenu ».

Aux prises avec un cancer, Marie-Hélène Dubé a dû réhypothéquer sa maison plusieurs fois pour pallier l'absence de revenus.

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PROJET DE LOI BLOQUÉ

En 2012, Denis Coderre, alors député libéral sur les banquettes de l'opposition, avait déposé un projet de loi pour faire passer de quinze à cinquante le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées aux travailleurs malades. Le NPD avait aussi auparavant tenté d'obtenir un changement semblable. Ces tentatives avaient été bloquées par le gouvernement conservateur.

Mme Dubé espérait que l'arrivée au pouvoir des libéraux permettrait d'enfin obtenir les améliorations attendues. Le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, est au courant du problème, mais ne propose toujours pas d'allongement des prestations.

« Le système d'assurance-emploi est un gros système à changer », a expliqué l'attachée de presse du ministre Duclos, Émilie Gauduchon-Campbell.

Le gouvernement a mené en 2016 des consultations sur les améliorations à apporter au régime et « la question des prestations de maladie n'est pas ressortie parmi les priorités », ajoute-t-elle.

Selon Marie-Hélène Dubé, seulement le tiers des personnes touchant des prestations d'assurance-emploi pour cause de maladie ont besoin de dépasser les 15 semaines maximales. Le prolongement des prestations ne coûterait donc pas si cher au régime, estime-t-elle.

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