Des nuits difficiles, Cyrille Dupéré en a passé pas mal dans sa maison plantée sur le bord du fleuve à Matane. Mais dans la nuit de jeudi à hier, il a vécu l'une des plus éprouvantes depuis qu'il y a emménagé il y a 50 ans.

L'homme de 83 ans dormait profondément quand sa femme l'a réveillé à deux heures et demie du matin. « Elle était partie aux toilettes puis elle a vu la cour remplie d'eau ! J'ai parti les trois pompes pour vider mon sous-sol, pour limiter les dégâts. On ne s'habitue jamais vraiment à ce genre de chose. »

La « bombe météorologique » venue des États-Unis peut faire sourire, tant l'appellation semble alarmiste. Mais M. Dupéré, comme bien d'autres habitants du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie, n'a pas trouvé matière à rire.

La tempête qui a frappé le Québec hier a été particulièrement dure dans l'est de la province. Des maisons ont été inondées à Matane et à Chandler, où 24 résidants ont été évacués et certains hébergés à l'hôtel. Au bord du fleuve, des morceaux de glace, happés par les vents, qui ont atteint 110 km/h, ont fracassé des fenêtres.

« On espérait que la glace pourrait ralentir l'eau et la grande marée, mais finalement, toute la glace a disparu, indique le maire de Matane, Jérôme Landry. Les berges sont encore très sensibles à l'érosion et plusieurs maisons sont vulnérables. »

« J'ai des gens qui sont déneigeurs à Matane depuis 30 ans, et ça fait longtemps qu'ils n'ont pas vu de la neige comme ça. » - Jérôme Landry

Sur la page Facebook Spotted Matane, des gens pris chez eux tentaient hier de faire déneiger leur entrée ou s'informaient sur l'heure de réouverture du Tim Hortons. « Est-ce qu'il y a un dépanneur qui livre à Matane ? », demandait l'un d'eux. D'autres cherchaient des objets perdus : « Si quelqu'un a retrouvé un couvercle de spa sur la côte St-Joseph laissez un message, merci. »

Des «mégasystèmes» qui s'enchaînent

Les conditions étaient réunies pour que de telles inondations se produisent en Gaspésie, selon Ursule Boyer-Villemaire, membre de la Chaire de recherche UQAM sur les risques hydrométéorologiques liés aux changements climatiques.

« On est dans la saison des grandes marées d'hiver. Combinez ça à une forte dépression qui se développe rapidement, qu'on appelle une "bombe météo. Elle a provoqué des vents très importants, proches de vents d'ouragan de catégorie 1. Aux États-Unis, certains parlaient même d'ouragan hivernal. C'est cette combinaison marées-dépression qui a brisé la banquise à certains endroits, renforcé les vagues et endommagé certaines infrastructures. »

Mme Boyer-Villemaire note que les « mégasystèmes » météo s'enchaînent depuis un an. « Ça, c'est beaucoup dû à la température des océans qui est plus élevée qu'avant. Ça fait plus d'eau qui s'évapore et ça donne des systèmes plus puissants. C'est une nouvelle réalité. »

Un motoneigiste entre la vie et la mort

La presque totalité des routes en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent ont été fermées à un moment ou l'autre de la journée. En tout, la tempête aura laissé jusqu'à 50 cm de neige en Gaspésie, 40 cm dans le Bas-Saint-Laurent.

Les inondations et les vents n'ont pas fait de blessés en Gaspésie. Mais près de Mont-Joli, non loin de Rimouski, un motoneigiste a été enseveli sous la neige. L'homme gravissait une colline en suivant un ami quand ce dernier a déclenché une avalanche.

« La victime a été recouverte par la neige. L'homme est resté pris un bon bout de temps. On ne sait pas combien de temps il est resté là », explique le sergent Claude Doiron, de la Sûreté du Québec.

En pleine tempête, les secours ont mis du temps à se rendre à lui. Il a été transporté à l'hôpital de Rimouski. Sa vie était en danger au moment de publier.

Photo Edouard Plante-Fréchette, Archives La Presse

La tempête qui a frappé le Québec hier a été particulièrement dure dans l'est de la province.

photo tirée de la page facebook de PLAISIR 105,3 MATANE

Des maisons ont été inondées à Matane et à Chandler, où 24 résidants ont été évacués et certains hébergés à l'hôtel. Au bord du fleuve, des morceaux de glace, happés par les vents, qui ont atteint 110 km/h, ont fracassé des fenêtres.