Depuis que le gouvernement Trudeau a confirmé au printemps 2016 devant les Nations unies sa ferme intention de légaliser rapidement la consommation de cannabis, le nombre d'anciens combattants qui consomment de la marijuana à des fins médicales a presque triplé au pays - et la facture aussi.

Selon des informations obtenues par La Presse, le nombre d'anciens combattants qui fumaient de la marijuana à des fins thérapeutiques en 2015-2016 était de 1762. Un an plus tard (2016-2017), ils étaient 4474 anciens combattants à consommer du cannabis après avoir obtenu une ordonnance de leur médecin.

Durant cette même période, les sommes remboursées aux anciens combattants sont passées de 20,5 à 63,7 millions de dollars, selon des statistiques obtenues par La Presse auprès du ministère des Anciens Combattants en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Depuis 2008, ce ministère accepte de payer le cannabis thérapeutique aux anciens combattants qui en font la demande afin de soulager des douleurs chroniques, ou encore pour traiter un syndrome de stress post-traumatique.

L'explosion des dépenses du Ministère liées à ce programme a déjà été critiquée par le vérificateur général Michael Ferguson dans un rapport publié au printemps 2016. Le chien de garde des contribuables avait alors exhorté le gouvernement fédéral à fixer au plus vite une limite au remboursement. Il disait alors craindre que près du tiers du coût des médicaments couverts par le programme de médicaments sur ordonnance n'aille au remboursement de la marijuana d'ici 12 mois. Celui-ci accapare en fait près de la moitié du budget.

TROIS GRAMMES PAR JOUR

Selon M. Ferguson, deux facteurs pouvaient expliquer la croissance importante des coûts : le prix du gramme de pot, qui variait alors entre 6 et 14 $, et la popularité de la substance auprès des anciens combattants, dont certains pouvaient avoir droit jusqu'à 10 g de pot par jour. Le ministre de l'époque, Kent Hehr, avait ordonné un examen de la politique et avait rejeté sur l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper la responsabilité de l'augmentation fulgurante des coûts. Puis, en novembre 2016, le ministère des Anciens Combattants a décidé de limiter à 3 g par jour la quantité de cannabis thérapeutique qui pouvait être remboursée.

Ces mesures n'ont toutefois pas permis de contenir les coûts de ce programme.

Au bureau de l'actuel ministre des Anciens Combattants, Seamus O'Regan, le porte-parole Alex Wellstead a soutenu que la hausse des coûts était essentiellement liée à l'augmentation du nombre d'anciens combattants qui consomment de la marijuana à des fins thérapeutiques.

« La santé et le bien-être des vétérans sont une priorité pour notre gouvernement et étaient la considération fondamentale lors du développement de cette politique. Le Collège des médecins de famille du Canada indique que 3 g est la limite supérieure pour une consommation sécuritaire. Les vétérans qui identifient un besoin en collaboration avec un spécialiste ont accès à plus de 3 g. Comme nous avons affaire à un domaine de recherche émergent, nous continuerons de surveiller les développements, de consulter les experts et les vétérans et nous mettrons notre politique à jour en conséquence », a dit M. Wellstead dans un courriel envoyé à La Presse.

« Ceux qui accèdent à ce programme prennent cette décision en fonction des facteurs discutés entre le vétéran et son spécialiste. Le nombre de vétérans ayant accès au cannabis à des fins médicales en 2016-2017 était de 4474. Bien que le coût de ce programme ait augmenté, il est important de noter que le coût par gramme a considérablement diminué, passant d'environ 11 $/g à 8,50 $/g », a-t-il précisé.

Pour le député conservateur Pierre Paul-Hus, cette explosion des coûts soulève de nombreuses questions. « Il faut se poser des questions sur la gestion des prescriptions. Aussi, comment se fait-il que l'on réduise la quantité remboursable à 3 g, mais que la facture triple quand même ? » a dit M. Paul-Hus, qui est le critique conservateur responsable de la sécurité publique et de la protection civile.

« Oui, le nombre d'anciens combattants qui en consomment a augmenté, mais on a réduit la quantité admise par trois. On devrait logiquement arriver aux mêmes dépenses quand même. »

Dans la foulée de la publication du rapport du vérificateur général, l'an dernier, le porte-parole de l'organisme Veterans Accountability Commission, Clayton Goodwin, avait soutenu que la marijuana coûtait moins cher que les médicaments d'ordonnance et que M. Ferguson n'avait pas tenu compte de la baisse de la consommation de médicaments par les anciens combattants dans son analyse.

Il avait aussi affirmé que l'on devrait permettre aux anciens combattants de faire pousser leurs propres plants pour réduire les dépenses.

- Avec William Leclerc, La Presse