Le gouvernement du Québec et les municipalités ont investi à peine 4,5 millions, en 2017, pour réparer les «10 pires routes» de la province, désignées lors d'un appel au public lancé au début de l'année.

Selon une compilation effectuée par CAA-Québec, qui dresse un palmarès des pires horreurs du réseau routier québécois depuis trois ans, plusieurs des petites municipalités où sont situées ces routes cahoteuses, pleines de trous ou d'ornières attendent une subvention gouvernementale pour procéder à des travaux de réfection.

Dans un cas, une municipalité de la Gaspésie a même décidé qu'une route affaissée ne serait pas reconstruite parce que la facture à payer équivaudrait à environ cinq fois la totalité de son budget annuel.

En rendant ces données publiques hier, le CAA a appelé le gouvernement du Québec à hausser les sommes accordées aux municipalités pour l'entretien de plusieurs milliers de kilomètres de routes locales, qui se dégradent d'année en année.

Selon l'ex-maire du village de Saint-Elzéar, en Beauce, Richard Lehoux, président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), les données de CAA-Québec confirment surtout que les fonds annuels prévus au Programme d'aide à l'entretien du réseau routier local du ministère des Transports du Québec sont largement insuffisants pour les besoins à combler.

Ce programme, rappelle M. Lehoux, a été créé en 1993 lorsque le gouvernement du Québec a cédé aux municipalités la responsabilité d'entretenir presque 33 000 km de routes locales et de chemins secondaires situés sur leurs territoires. Un budget de 83 millions par année avait alors été consenti aux municipalités pour entretenir les chemins locaux.

S'il avait seulement été indexé, assure le président de la FQM, ce programme annuel s'élèverait aujourd'hui à 137 millions.

Près d'un quart de siècle plus tard, ce budget est resté à peu près le même. En 2017, il s'élèvera à 87 millions, que vont se partager plus de 1000 petites et grandes municipalités.

À Saint-Elzéar, la petite paroisse de 2300 habitants dont il a été le maire durant 19 ans, en Beauce, ce Programme d'aide représentait des fonds annuels d'environ 153 000 $, affirme M. Lehoux

«Et on a 75 km de routes à entretenir avec ça, dit-il. Pour reconstruire un chemin, ça coûterait environ 150 000 $ par kilomètre.»

À Québec, l'attachée de presse du ministre des Transports André Fortin, Marie-Pier Richard, a indiqué hier que seulement deux des «10 pires routes du Québec», nommées par le CAA, ont fait l'objet d'une demande d'aide financière des municipalités concernées. Elle a insisté sur le fait que «plusieurs programmes d'aides financières pour la voirie locale sont disponibles pour aider les municipalités dans les travaux de voirie jugés prioritaires».

Mme Richard a également indiqué que le premier ministre Philippe Couillard «a pris un engagement ferme en matière de voirie locale», lors du dernier congrès de la Fédération des municipalités, en septembre dernier. «Nous entendons respecter cet engagement», a-t-elle conclu.

Qu'est-il arrivé sur les 10 « pires routes du Québec » en 2017 ?

1. Chemin Kilmar GRENVILLE-SUR-LA-ROUGE (LAURENTIDES)

Le chemin Kilmar est une longue route locale qui traverse l'ensemble du territoire de cette immense municipalité de 2800 habitants. C'est la seule route reliant un grand nombre de petits chemins ruraux à l'autoroute 50 et aux municipalités voisines de la région d'Argenteuil. C'est la troisième fois en trois ans que ce chemin est cité au palmarès des 10 « pires routes » du Québec. Des investissements de près de 3 millions ont été réalisés par le passé. Un projet de reconstruction partielle de la route pour 4,5 millions serait en discussion avec le ministère des Transports, selon CAA-Québec. Le coût d'une reconstruction complète du chemin Kilmar a été estimé à 20 millions en 2015.

2. Chemin Newton MASCOUCHE (LANAUDIÈRE)

Le chemin Newton est une route secondaire qui relie les résidants du secteur Lac-Laplaine au Domaine-du-Boisé voisin, à la route 337 et au chemin du Curé-Barrette à Mascouche, en banlieue nord de la métropole. Des travaux d'asphaltage de 1,4 million qui ont débuté cette année devraient se poursuivre par phases jusqu'en 2026, selon CAA-Québec.

3. Boulevard Gouin Est MONTRÉAL

Le boulevard Gouin, qui s'étend sur 50 km du pont Le Gardeur jusqu'à Senneville, est la plus longue artère de Montréal. Réuni autour de Corrinne Tastayre, une résidante du quartier de Rivière-des-Prairies, un comité de citoyens a mené campagne pour inscrire la portion est du boulevard au palmarès du CAA, en dénonçant ses « chaussées défoncées » et ses « infrastructures désuètes ». En 2017, l'asphaltage a été refait sur environ 1 km, à l'est du boulevard Pie-IX, et plus de 1500 nids-de-poule ont été comblés au printemps. Le coût de ces travaux n'a pas été estimé.

4. Rue Principale SAINTE-JULIE (MONTÉRÉGIE)

Des travaux de réfection de 1,15 million dans les rues Duvernay et Principale sont prévus au plan d'immobilisations de la Ville de Sainte-Julie pour 2017-2019. Selon le CAA, ce projet est en attente d'une subvention gouvernementale. Aucune intervention n'a été relevée en 2017.

5. Montée du Bois-Franc SAINT-ADOLPHE-D'HOWARD (LAURENTIDES)

La montée du Bois-Franc est un long chemin étroit qui relie les résidants et villégiateurs de très nombreux lacs de Saint-Adolphe-d'Howard à la route 329, le principal lien routier dans ce secteur des Laurentides. Selon le CAA, des travaux de 243 000 $ étaient prévus à la fin de 2017 pour remettre en état la chaussée et des ponceaux sur une distance de 700 à 1000 mètres.

6. Avenue D'Estimauville QUÉBEC (CAPITALE-NATIONALE)

L'avenue D'Estimauville, dans la Cité-Limoilou, à Québec, a été réasphaltée sur environ la moitié de sa longueur à l'été 2017, entre le boulevard Monseigneur-Gauthier et la rue Alexandra. Le coût des travaux, réalisés par la Ville de Québec, s'est élevé à près de 255 000 $.

7. Chemin Saint-Thomas SAINTE-THÈCLE (MAURICIE)

Le chemin Saint-Thomas est un lien secondaire rural de la municipalité de Sainte-Thècle, en Mauricie, qui est cité pour la deuxième fois au palmarès du CAA. Il était dixième en 2016. En mai, des résidants ont affirmé au journal Le Nouvelliste que « l'asphalte est tout craqué », qu'« il y a plein de trous et de fissures », et que cette route convient davantage aux calèches qu'aux automobiles. Selon le CAA, des travaux de 105 000 $ ont été effectués en 2015 et en 2016 sur deux tronçons. Des travaux de 100 000 $ étaient prévus sur un troisième tronçon, cet automne.

8. Chemin Brunelle CARIGNAN (MONTÉRÉGIE)

Le chemin Brunelle longe de près l'autoroute 10 sur quelques kilomètres entre l'échangeur de l'autoroute 35 et le chemin Salaberry, à Carignan, en Montérégie. Une partie du chemin n'est pas asphaltée. Un épandage de pierres était prévu au printemps, mais l'appel d'offres a été annulé. Les travaux ont été reportés à l'an prochain.

9. Traverse de Laval LAC-BEAUPORT (CAPITALE-NATIONALE)

Le chemin Traverse de Laval est une route secondaire reliant les municipalités de Sainte-Brigitte-de-Laval et de Lac-Beauport, voisines de Québec. En 2015, cette route arrivait en tête du palmarès des pires routes du CAA. Des travaux de réfection ont été réalisés depuis du côté de Sainte-Brigitte-de-Laval. Lac-Beauport prévoit lancer des travaux estimés à 1,5 million l'an prochain, si la municipalité obtient les subventions demandées de Québec.

10. Route du Portage LA MARTRE (GASPÉSIE-ÎLES-DE-LA-MADELEINE)

Le cas de la route du Portage, dans la petite communauté de La Martre, en Haute-Gaspésie, est particulier. Cette route s'est affaissée au passage de l'ouragan Arthur, en juin 2014, et la municipalité a décidé qu'elle ne serait pas reconstruite, notamment en raison des coûts de 2 millions. C'est cinq fois le budget annuel de la municipalité de La Martre. La décision de la municipalité est contestée devant les tribunaux.