Le gouvernement fédéral a décidé d'accélérer le traitement des demandes de permis de travail avec une cible moyenne de 30 jours, au lieu de 3 mois. Mais avec le dédale administratif, à peine un peu plus du tiers des demandeurs ayant franchi la frontière québécoise ont obtenu le droit de travailler, soit 2900 sur près de 8000, depuis le 1er juillet, démontrent les données transmises à La Presse par le ministère fédéral de l'Immigration.

Lors d'un entretien, Hursh Jaswal, l'adjoint spécial du ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, a tenu à souligner qu'un demandeur d'asile devait « d'abord être reçu à l'entrevue initiale afin de déterminer la recevabilité de sa demande d'asile. Les permis de travail ne sont pas automatiquement délivrés. Les individus doivent en faire la demande », a ajouté M. Jaswal.

Au fédéral, on reconnaît que de nombreux demandeurs provenant des États-Unis connaissent mal les procédures et les documents à produire pour régulariser leur statut. À la fin du mois d'octobre, les intervenants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) ont d'ailleurs reçu une note interne pour mieux informer les migrants.

« Au moment de l'entrevue, on recommande aux demandeurs d'asile de faire la demande d'un permis de travail pour être en mesure de subvenir à leurs besoins en attendant la décision relative à leur demande d'asile. On leur recommande de présenter leur demande en ligne », a ajouté M. Jaswal.

À la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), la porte-parole, Line Guibert-Wolff, n'a pas été en mesure d'indiquer combien de demandeurs avaient omis de remplir une demande ou de se présenter à une audience. Le gouvernement n'a pas non plus dit combien de demandeurs avaient trouvé un emploi.

Québec : la plupart des demandeurs hébergés sont nigérians

Avec une moyenne de soixante passages confirmés par jour à la frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle, le Québec continue de recevoir le plus grand flot de demandeurs d'asile. Depuis quelques semaines, les trois centres d'hébergement de la région métropolitaine roulent au maximum de leur capacité.

Phénomène nouveau, les centres sont de plus en plus occupés par des demandeurs provenant du Nigeria. Un pays où les affrontements interconfessionnels et les violences liées à l'orientation sexuelle poussent une partie de la population à fuir.

« Les demandeurs d'asile en provenance d'Haïti ne représentent qu'une petite proportion. Les chiffres varient en moyenne entre 850 et 1000 personnes depuis quelque temps », a confirmé Emmanuelle Paciullo, porte-parole de PRAIDA (Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile).

Le programme - géré par le ministère de la Santé - a accueilli plus de 2000 demandeurs chaque mois, depuis le 1er août. La plupart sont conduits à Montréal, les autres au centre Boscoville de Rivière-des-Prairies et au manoir Chomedey, à Laval.

Unité spéciale à la frontière ?

Avec une autre vague appréhendée de 58 000 demandeurs d'asile, Jean-Pierre Fortin, président du Syndicat des douanes et de l'immigration, estime que le gouvernement Trudeau devrait mettre sur pied une unité spéciale de patrouille. À l'heure actuelle, les agents de la douane et ceux de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) travaillent ensemble, dit-il, mais « le système est embourbé ».

« Certaines règles internes nous empêchent de patrouiller, affirme M. Fortin. Jusqu'à maintenant, tout s'est bien déroulé au chemin Roxton, nous avons été chanceux. Mais il faut augmenter les ressources. Les demandeurs ont obtenu un sursis de 18 mois, ça laisse ce temps au gouvernement pour s'organiser. »

Le son de cloche est différent au cabinet du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Ralph Goodale, où le responsable des relations avec les médias fait remarquer que les demandeurs voulaient être interceptés par la GRC. « Ils veulent entrer au pays, dit-il. Une unité de patrouille n'est pas nécessaire. »

Paniers de Noël

Outre la Croix-Rouge, divers organismes viennent en aide aux demandeurs d'asile au Québec, dont la Maison d'Haïti et le Centre de bénévolat et moisson Laval. À l'heure actuelle, à peine une vingtaine de demandeurs d'asile qui ont transité par le centre d'hébergement de Laval ont demandé de l'aide alimentaire d'urgence, indique l'organisme.

La porte-parole de Moisson Laval, Wazna Azem, explique que l'accueil des Haïtiens est différent de celui des Syriens en raison de la langue et du réseau de familles.

« On parle d'un réseau de familles ancrées au Québec qui les assistent directement. Ils n'ont pas de besoins d'urgence pour s'alimenter ou pour toute autre aide. Le mode de vie occidentale favorise leur insertion. Leur facilité de s'adapter, de communiquer et de s'informer auprès de leur communauté immédiate est facilement notable », a expliqué Mme Azem.