La science fait-elle partie de la culture générale ? C'est la question que lancent des dirigeants de musées scientifiques devant le refus du ministère de la Culture et des Communications (MCC) de financer la gestion courante de leurs institutions.

Huit musées à caractère scientifique, dont le Cosmodôme et le musée Armand-Frappier, à Laval, se sont fait dire qu'ils ne répondent pas aux critères d'admissibilité du programme d'aide au fonctionnement pour les institutions muséales, communément appelé PAFIM -, et ce, même s'ils sont officiellement « reconnus » par le ministère de la Culture, ce qui n'est pas le cas de tous les musées québécois.

Dans une réponse écrite envoyée à La Presse, le ministère de la Culture confirme que c'est le caractère scientifique de ces musées qui pose problème. Le Ministère dit vouloir « concentrer son action auprès des secteurs qui sont en lien avec ses fonctions », soit « le patrimoine, les arts, les lettres et les industries culturelles ».

Stéphanie Thibault, présidente de l'Association des communicateurs scientifiques du Québec, dénonce ce qu'elle appelle une « exclusion sans justification ».

« En 2017, comment peut-on penser que la culture scientifique n'a pas sa place dans la culture générale, au même titre que les arts, l'histoire ou le patrimoine ? »

- Stéphanie Thibault , présidente de l'Association des communicateurs scientifiques du Québec

Le ministère de la Culture accepte d'aider financièrement les musées scientifiques, mais seulement dans le cadre de programmes visant des expositions précises ou des immobilisations. Et encore ici, les institutions doivent montrer qu'elles touchent à d'autres disciplines que la science.

« Le MCC a toujours reconnu la pertinence de soutenir les institutions muséales à caractère scientifique pour certains projets particuliers d'interprétation muséale, de nature historique ou patrimoniale, par exemple », précise le Ministère.

« ENTRE DEUX CHAISES »

Notons que les huit institutions scientifiques qui montent au créneau aujourd'hui n'ont jamais été financées par le PAFIM. Elles espéraient toutefois profiter d'une vaste réorganisation du financement des musées québécois amorcée l'an dernier pour s'y insérer.

Dans le cadre de cette réforme, les centres d'exposition en art ont été placés sous le chapeau du Conseil des arts et des lettres du Québec, tandis que les musées d'histoire à caractère local ont été soutenus par un fonds patrimonial temporaire. Mais rien n'a été créé spécifiquement pour les musées scientifiques.

« On est vraiment orphelins. On a l'impression de tomber entre deux chaises », dit Guylaine Archambault, directrice générale du Centre d'interprétation des biosciences Armand-Frappier, à Laval.

Des discussions sont toutefois en cours pour que ce soit le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation (MESI) qui soutienne le fonctionnement des musées scientifiques. Le porte-parole de ce ministère, Jean-Pierre d'Auteuil, a confirmé à La Presse que le MESI « travaille actuellement à trouver une solution durable au sujet du financement des institutions muséales à vocation scientifique et technologique ».

Les huit institutions demandent à ce que 30 % de leur budget soit assumé par un programme d'aide, comme c'est le cas, selon eux, pour les musées soutenus par le PAFIM. Cela correspondrait à une somme annuelle de 3 millions de dollars.

Les défenseurs des musées scientifiques citent des chiffres de l'Observatoire de la culture et des communications du Québec selon lesquels les musées scientifiques comptent pour 14 % des institutions québécoises, mais attirent 35 % des visiteurs.

Notons que le Centre des sciences et Espace pour la vie, qui regroupe le Biodôme, l'Insectarium, le Jardin botanique et le Planétarium Rio Tinto Alcan, relèvent respectivement du gouvernement fédéral et de la Ville de Montréal et ne font pas partie des institutions qui demandent du soutien au provincial.

Deux exceptions

Deux musées scientifiques - le Musée de la nature et des sciences, à Sherbrooke, et la Maison Léon-Provancher, à Cap-Rouge - sont soutenus par le programme d'aide au fonctionnement pour les institutions muséales (PAFIM). Pourquoi ? Le ministère de la Culture et des Communications explique que ces deux institutions étaient déjà soutenues par le programme avant sa révision, en 2016, et que la décision a été prise de continuer ce financement pour ne pas « pénaliser ces deux institutions ». Le ministère de la Culture affirme cependant que cette aide est accordée « le temps notamment qu'une orientation soit donnée concernant le soutien éventuel par les autres ministères ».

« Reconnus », mais pas financés

Huit musées scientifiques sont « reconnus » par le ministère de la Culture, mais ne reçoivent pas de financement pour leur fonctionnement habituel : 

Exploramer (Gaspésie)

Aster (Bas-Saint-Laurent)

Cosmodôme (Laval)

Centre d'interprétation des mammifères marins (Côte-Nord)

Centre de la biodiversité (Centre-du-Québec)

Fossilarium (Abitibi)

Éco-Nature (Laval)

Musée Armand-Frappier (Laval)