La première sortie officielle en fin de semaine de la nouvelle escouade policière Synergie, mise sur pied pour chasser les motards et les trafiquants des bars de la couronne nord de Montréal, n'aura pas seulement permis d'envoyer un signal au crime organisé. Elle aura peut-être également permis de repérer une taupe au sein de la police.

La Presse a en effet appris qu'un policier de Terrebonne âgé de 35 ans a été suspendu, vendredi dernier, pour avoir prévenu la propriétaire d'un bar de cette municipalité que les policiers de l'escouade Synergie visiteraient son établissement durant la fin de semaine.

Fait à noter, selon nos informations, le policier en question, Alessandro Guerra, est le fils d'Alex Guerra, condamné à plus de quatre ans de pénitencier en 2014 pour complot d'importation de cocaïne.

« La Sûreté du Québec nous a avertis vendredi que l'un de nos policiers aurait transmis de l'information dans le cadre du projet Synergie. Compte tenu d'une enquête de la SQ sur cette affaire, notre policier, qui compte 10 ans d'ancienneté, a été relevé de ses fonctions immédiatement avec traitement et renvoyé à la maison », a simplement expliqué à La Presse le capitaine Benoit Bilodeau, de la police de Terrebonne.

« La direction des normes professionnelles de la Sûreté du Québec enquête concernant une fuite possible d'information en lien avec l'opération Synergie qui s'est déroulée en fin de semaine. Compte tenu de l'enquête en cours, nous ne commenterons pas davantage », a ajouté l'inspecteur Guy Lapointe, de la SQ.

Selon nos informations, c'est dans la journée de vendredi que la SQ aurait prévenu la police de Terrebonne que son opération prévue en soirée avait été éventée par l'un de ses patrouilleurs. Les responsables de la police de Terrebonne ont immédiatement fait des vérifications et suspendu leur policier le même jour.

Enquête de réputation

Alex Guerra, 60 ans, père du policier suspendu, a été arrêté en 2011 dans une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) baptisée Cynique visant à démanteler un groupe d'importateurs de cocaïne. La police n'avait pas saisi de drogue mais avait éventé des complots.

Alex Guerra n'a pas fait l'objet de nouvelles accusations criminelles depuis, mais son nom est revenu dans l'actualité en 2015 lorsque l'émission Enquête de Radio-Canada a diffusé un reportage sur son ancienne conjointe, propriétaire de garderies et ex-femme du Hells Angels Louis Melou Roy, disparu en 2000 et jamais revu depuis.

Nous avons demandé à la police de Terrebonne comment le fils d'un individu ayant des antécédents de cocaïne a pu se retrouver dans ses rangs.

On nous a expliqué que le processus d'embauche se fait en plusieurs étapes, qu'il y a notamment une enquête de réputation au cours de laquelle on vérifie, entre autres, si le candidat a des antécédents judiciaires et des infractions au Code de la sécurité routière.

« Je n'étais pas là il y a 10 ans lorsque le policier suspendu a été embauché, et les responsables ne sont plus là non plus. Je connais la rigueur appliquée dans le processus d'embauche et je présume qu'il a été fait de façon rigoureuse à l'époque », a répondu le capitaine Bilodeau. 

« Un candidat qui a des criminels dans sa famille n'est pas écarté d'emblée. Ce n'est pas parce que ton père est un criminel que tu en es un toi aussi. » 

« Quand un drapeau rouge se lève, on fait des vérifications plus poussées. Les corps de police font de plus en plus attention et poussent leur vérifications », a affirmé M. Bilodeau. 

La police s'invite à la fête

On peut utiliser le terme escouade pour décrire Synergie mais dans les faits, il s'agit d'une stratégie gérée par la Sûreté du Québec et la police de Laval, en collaboration avec plusieurs corps de police municipaux : des enquêteurs et des patrouilleurs visitent des bars fréquentés par des motards ou des revendeurs de drogue dans le but d'aider les tenanciers, d'assurer la sécurité de l'endroit et de collecter des renseignements sur le crime organisé.

La fin de semaine dernière, les policiers de Synergie ont fait irruption dans 130 établissements de la couronne nord de Montréal et des régions de Longueuil, Québec, Saguenay, Granby et Gatineau. Trois individus ont été arrêtés pour des amendes impayées ou non-respect de conditions.

Les policiers ont notamment débarqué lors d'une fête rassemblant une centaine de motards dans un bar lounge de Boisbriand, vendredi soir.

Un photographe de La Presse était sur place lors de leur intervention. On a notamment remarqué les vestes de trois sections des Hells Angels - South, Montréal et Trois-Rivières - ainsi que celles de plusieurs clubs-écoles ou sympathisants : Minotaures, Brotherhood, Beast Crew, Deimos Crew, Devils Ghosts, Head Hunters, Archanges, Bad Disciples, Lucky Riders, pour ne nommer que ceux-là.

Selon nos informations, ce rassemblement a été organisé à l'occasion de la fête de la conjointe d'un membre en règle des Hells Angels de Trois-Rivières et n'entrait pas qui voulait dans l'établissement. L'intervention policière s'est toutefois déroulée dans le calme.

- Avec la collaboration de Vincent Larouche, La Presse

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.