Dans le cadre d'une collaboration spéciale avec Singa-Québec, organisme voué à l'intégration des immigrés, La Presse a invité des réfugiés à apprendre les rudiments du métier avec des journalistes de la salle de rédaction et à publier dans ses pages sur des sujets de leur choix.

Chaque maison syrienne a vécu un drame. Il y a ceux qui ont été arrêtés, ceux qui ont été tués, ceux qui ont été frappés par les armes chimiques, ceux qui ont vu leur maison être réduite en ruines. Et il y a ceux qui ont fini par quitter leur pays pour enfin vivre en sécurité. Comment ces familles arrivées au Canada s'adaptent-elles à leur nouvelle vie ? Voici cinq défis auxquels elles font face.

AFFRONTER LE REGARD DES AUTRES

Après avoir commencé les cours de francisation, Sara*, mère de cinq enfants, a décidé de ne pas poursuivre son apprentissage. La principale raison de son abandon, dit-elle, est qu'on l'a beaucoup questionnée sur sa tenue vestimentaire et qu'elle s'est sentie indésirable. « Ici, au Canada, chacun porte ce qu'il veut. Mais pourquoi les yeux sont-ils tournés seulement sur nous, les Syriens ? », demande-t-elle. « Nous, les Syriens, comme toutes les autres nationalités qui ont des traditions et des coutumes, on ne déteste personne. On respecte toutes les religions, les croyances et les coutumes de tout le monde. »

DÉPENDRE DE SES ENFANTS

Les enfants de Sara ont été inscrits dans des classes ordinaires à l'école. Ils ont appris la langue française rapidement. Ils se sont fait des amis. Aujourd'hui, ce sont eux qui aident leurs parents à traduire et remplir les documents requis pour l'école. C'est une grosse responsabilité pour eux, convient Sara, mais c'est la réalité avec laquelle ils doivent composer. Fatima* et son mari, de leur côté, comprennent suffisamment le français pour se débrouiller, mais ce n'est pas facile. Ils peuvent néanmoins corriger les erreurs linguistiques de leurs deux enfants.

DEMANDER DE L'AIDE

Au cours des premiers mois, Sara et son mari Abdullah* devaient envoyer les documents reçus de l'école à des personnes qui comprennent le français, puis attendaient quelques jours pour avoir la traduction. « C'est très difficile d'être dans un nouveau pays et parler une nouvelle langue, dit Abdullah. Nous ne sommes pas des gens habitués à être dépendants, à dépendre des autres pour pouvoir communiquer. C'est difficile d'être dans une situation où une personne ne peut pas communiquer par elle-même et exprimer tout ce qu'elle ressent. »

RECOMMENCER SA VIE PROFESSIONNELLE

Abdullah aurait besoin de plusieurs années pour obtenir un diplôme en mécanique automobile. Une réalité difficile à affronter, car il a des enfants et doit trouver un emploi le plus tôt possible dans n'importe quel domaine pour subvenir aux besoins de sa famille. Pour la famille de Fatima, c'est encore pire. Son mari était médecin en Syrie, et il sait qu'il devra travailler et étudier longtemps pour devenir médecin au Canada. Sinon, il peut faire ses études en soins infirmiers pour pouvoir travailler dans un hôpital.

S'INTÉGRER DANS SA NOUVELLE COMMUNAUTÉ

Les deux familles disent nourrir de grands espoirs et rêves, surtout pour leurs enfants, qui n'ont pas connu la paix au cours des dernières années. Les adultes travaillent durant la journée et suivent des cours de francisation en soirée parce qu'il faut, disent-ils, « travailler fort et aider un peuple qui a été de [ leur ] côté ». « Nous sommes un peuple sociable et avons la possibilité de nous intégrer dans une nouvelle société », dit Sara. « Les enfants, eux, ne veulent pas quitter le Canada ou changer leur nouveau pays. »

* Les deux familles, qui vivent aujourd'hui à Montréal, ont préféré témoigner sous le couvert de l'anonymat - elles disent avoir peur pour la sécurité de leurs proches encore en Syrie et craignent de ne plus pouvoir les visiter si elles révèlent leurs noms.

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Alla Abbarh

27 ans

Syrie

Arrivée en 2016

Alla est arrivée à Montréal en mai 2016, grâce à un parrainage. Quand elle vivait à Homs, en Syrie, elle aidait ses enfants avec leurs devoirs. Au Canada, elle apprend le français et s'occupe de sa famille. Elle souhaite un jour travailler dans une pharmacie comme technicienne. « Je voudrais que mes enfants fassent ce qu'ils veulent pour qu'ils aient une bonne vie. Je remercie le Canada et mes parrains pour leur accueil. »