Dans le cadre d'une collaboration spéciale avec Singa-Québec, organisme voué à l'intégration des immigrés, La Presse a invité des réfugiés à apprendre les rudiments du métier avec des journalistes de la salle de rédaction et à publier dans ses pages sur des sujets de leur choix.

Comment aider les nouveaux arrivants à lancer leur entreprise ? Aux commandes de l'accélérateur de l'Institut d'entrepreneuriat Banque Nationale - HEC, Manaf Bouchentouf crée des liens entre gens d'affaires, contourne les obstacles financiers et met au monde de belles histoires entrepreneuriales. Bahjat Joubi s'est entretenu avec lui.

En quoi l'entrepreneuriat peut-il favoriser l'inclusion des personnes immigrés au Québec ?

L'entrepreneuriat n'est pas le vecteur direct d'inclusion. C'est tout ce qui se passe autour. Pour se lancer dans l'entrepreneuriat, il faut connaître la culture au sens large : la langue, comprendre les différentes nuances de la langue et la culture d'affaires. L'entrepreneuriat se situe entre la culture générale et la culture d'affaires. La culture, c'est aussi simple que la ponctualité, comment rédiger un courriel ou savoir ce qu'attend un investisseur potentiel. Pour que ça fonctionne, il faut mettre ensemble des nouveaux arrivants, des entrepreneurs et des Québécois « de souche ».

Quel genre de projet pouvez-vous aider à démarrer ?

Le plus important n'est pas le projet, c'est l'entrepreneur. C'est l'attitude entrepreneuriale qui se caractérise : être engagé par son projet, être motivé, avoir une certaine ambition pour soi et son projet, mais aussi avoir une certaine humilité, de la résilience et accepter la critique.

Quelles sont les difficultés auxquelles peuvent faire face les nouveaux arrivants quand ils veulent se lancer en affaires au Québec ? Des conseils ?

L'enjeu n°1 est le réseau. Ne pas avoir de réseau, c'est rater les opportunités. Le réseau est le plus important : ce sont les fournisseurs, les partenaires d'affaires, les revendeurs et les clients éventuels. L'enjeu du réseau est d'autant plus important pour des nouveaux arrivants. De plus, les nouveaux arrivants n'ont pas toujours un historique financier. Pour contourner le problème, il existe des astuces : des banques permettent de bloquer un montant et d'utiliser une carte de crédit, afin de se construire un profil de « bon payeur ». À l'Institut, nous proposons un prêt d'honneur, offert à tout le monde, résidents temporaires ou permanents, qui permet de donner un coup de pouce aux jeunes entrepreneurs.

À l'inverse, y a-t-il des avantages à entreprendre en tant que nouvel arrivant ?

En étant immigré, on a cette aptitude à prendre des risques. On a changé de pays, donc le plus gros des risques a été pris. C'est un avantage, définitivement. On vient d'une culture différente. On a la possibilité d'importer de nouvelles mentalités, ce qui permet d'avoir plus de facilités pour répondre aux besoins spécifiques des communautés culturelles présentes.

Quelles sont les principales raisons pour expliquer l'échec entrepreneurial ?

Habituellement, les trois principales raisons sont une mauvaise gestion financière (gestion cash flow), un réseau pas assez développé, ou un produit ou un service qui ne répond pas aux besoins.

Avez-vous personnellement vécu ce parcours d'entrepreneur immigrant ?

Je suis arrivé au Québec pour étudier à l'Université Laval en sciences. L'un des meilleurs systèmes d'intégration est le système d'éducation. J'y ai appris la culture québécoise. J'ai saisi une occasion de lancer mon entreprise en communication pour aider les sociétés et fondations à vulgariser leurs travaux scientifiques.

J'ai ensuite continué à faire de l'accompagnement entrepreneurial. C'est un privilège d'être entouré par plusieurs communautés et de pouvoir côtoyer des entrepreneurs parce que chaque entreprise est un défi.

QU'EST-CE QUE L'INSTITUT D'ENTREPRENEURIAT BANQUE NATIONALE - HEC ?

À la fois observatoire, incubateur et accélérateur de projets d'entreprise, l'Institut offre notamment de la formation aux entrepreneurs et les aide à développer un réseau de contacts. Il est le fruit d'un partenariat entre l'école de gestion HEC Montréal et la Banque Nationale.

UNE ENTREPRISE QUE L'INSTITUT A AIDÉ À METTRE AU MONDE

Cousmos, entreprise fondée par Khadija El Bouhali, offre des couscous santé, alliant la tradition marocaine et certaines saveurs québécoises.

« Khadija El Bouhali, fondatrice de Cousmos, est passée par l'incubateur et l'accélérateur. Elle est arrivée au Québec où elle a commencé à travailler dans le milieu social, pour les immigrants, et dans le milieu économique. Elle a évolué dans un domaine extrêmement difficile, qui est l'agroalimentaire. Elle est passée par l'émission Dans l'oeil du dragon. Aujourd'hui, elle a plusieurs points de vente, a des contrats signés avec des acteurs majeurs et des grandes bannières. »

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BAHJAT JOUBI

Âge : 29 ans

Origine : Syrie

Arrivée au Canada : 2016

Diplômé en administration des Universités d'Alep (Syrie) et de Leeds (Angleterre). Il a déjà possédé son propre hôtel dans sa ville natale d'Alep. À partir de 2012, il a travaillé au Liban dans le domaine de la logistique et la chaîne d'approvisionnement, jusqu'à son départ pour le Canada en 2016. Il vit aujourd'hui à Montréal et travaille pour une entreprise de vente de vêtements au détail.

Photo tirée du site Internet de Cousmos

Cousmos, entreprise fondée par Khadija El Bouhali, offre des couscous santé, alliant la tradition marocaine et certaines saveurs québécoises.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Bahjat Joubi