Des familles se réuniront par centaines aujourd'hui pour honorer la mémoire des quelque 1200 femmes autochtones disparues et assassinées au Canada. Le 4 octobre est le temps pour les proches endeuillés de « veiller » pour celles dont ils n'ont plus de nouvelles. Melanie Morrison y sera pour sa soeur, Tiffany, disparue puis retrouvée morte dans un boisé de Kahnawake.

Tiffany Morrison, 24 ans, est sortie avec des amis le soir du 18 juin 2006. Elle promettait de ne pas rentrer tard. Elle n'est jamais revenue. Ses restes ont été découverts par un travailleur de la construction tout près de chez elle, quatre ans plus tard. Même si les années s'additionnent, pas un jour ne passe sans que Melanie repense à sa soeur.

Onze ans plus tard, la famille de Tiffany Morrison n'a toujours aucune idée de qui l'a tuée.

« C'est comme si quelque chose manquait. » Assise à la table de la salle à manger, Melanie Morrison a accepté d'accueillir La Presse chez elle, à Kahnawake. Pour raconter une fois de plus le triste sort de sa jeune soeur, de huit ans sa cadette.

« J'ai de l'espoir tant que l'enquête est ouverte. C'est pourquoi je continue d'en parler. Pour ne pas l'oublier. Chaque fois que j'en parle, les gens en parlent et les autorités reçoivent des appels. »

Tiffany s'est rendue dans un bar de LaSalle pour assister à un concert. L'enquête dira qu'elle a pris un taxi un peu avant minuit pour retourner à Kahnawake en compagnie d'un homme vivant aussi dans la communauté. Pour le reste, le mystère demeure entier. La famille n'a reçu que bien peu de détails pendant quatre ans, jusqu'à ce que ses ossements soient découverts.

C'est à ce moment que la Sûreté du Québec a pris l'affaire, maintenant classée comme homicide, en charge. Encore aujourd'hui, Mme Morrison déplore que la disparition de sa soeur n'ait pas été prise au sérieux dès le départ. Entre 2006 et 2010, la famille Morrison se souvient « que les portes se refermaient partout » et d'avoir été incapable de faire parler de la disparition de Tiffany.

« Ma mère est en colère depuis le début, raconte-t-elle. Elle ne pense pas que le cas de sa fille a été traité convenablement et je suis d'accord. Je sais que plus aurait pu être fait. » Autorité limitée de la police autochtone, préjugés envers les femmes des Premières Nations, ou encore absence de couverture médiatique... La liste de ce qui a pu retarder l'enquête est longue, selon elle.

Plus de travail

Mais les temps ont changé, estime-t-elle. Le nombre alarmant de femmes autochtones disparues et tuées au Canada depuis les années 80 est dorénavant sous la loupe de la commission fédérale d'enquête sur la question. « C'est triste que cela ait pris autant de femmes mortes ou disparues pour que ça devienne un enjeu national », soutient Mme Morrison.

« Il y a plus de couverture [médiatique], plus de travail qui est fait [sur le terrain], mais c'est certain que ça me met en colère de penser que si tout ça avait été fait au départ, il y aurait aujourd'hui moins de causes non résolues, comme celle de ma soeur. » - Melanie Morrison

C'est aussi pour les autres qu'elle parle publiquement de son histoire, même si son espoir à elle s'amoindrit avec le temps.

« J'ai pris la décision même si, année après année, ça devient difficile, de mener ma guérison en essayant de faire quelque chose pour que ce soit mieux pour les prochaines familles. Pour ne pas qu'elles souffrent comme nous avons souffert », a affirmé Mme Morrison. Elle tient aussi, depuis l'an dernier, une cérémonie à la mémoire de sa soeur tous les 18 juin.

Le jeune visage de Tiffany est toujours affiché dans la communauté. Une collecte de fonds menée par la famille a aussi permis d'offrir une récompense de 75 000 $ pour toute information permettant d'élucider le crime. « C'était l'énergie de la famille. Depuis qu'elle n'est plus là, l'énergie n'est plus la même. C'est comme si la lumière s'était éteinte. »

C'est un peu pour la rallumer qu'aujourd'hui, Melanie Morrison tiendra une bougie à la mémoire de sa soeur. La veillée pour les femmes autochtones disparues et assassinées s'amorce à la place Émilie-Gamelin à 18 h.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Tiffany Morrison, 24 ans, est sortie avec des amis le soir du 18 juin 2006. Elle promettait de ne pas rentrer tard. Elle n'est jamais revenue.