À 22 h 08, dimanche, la petite vie tranquille de Stephen Paddock a basculé à jamais dans l'horreur. C'est à cette heure précise que l'Américain de 64 ans a commencé à tirer sur des festivaliers du haut du 32e étage de l'hôtel-casino Mandalay Bay de Las Vegas.

Avant, Stephen Paddock n'était qu'un simple comptable à la retraite, amateur de croisières et de jeux de hasard.

De longues et terrifiantes minutes plus tard, cet homme sans histoire était devenu l'auteur de la plus grande tuerie de masse jamais perpétrée dans l'histoire moderne des États-Unis.

Les autorités et la presse américaines se perdaient en conjectures, hier, sur ce qui a bien pu pousser ce sexagénaire, sans autre dossier criminel qu'une banale infraction au Code de la route, à commettre l'irréparable.

« C'est juste un gars qui jouait aux vidéopokers, qui faisait des croisières et qui mangeait des burritos au Taco Bell », a dit son frère cadet, Eric. Devant une horde de médias, il semblait sous le choc.

« C'est comme si un astéroïde était tombé sur Terre, ajoute-t-il. Ça n'a absolument aucun sens, il n'avait aucune raison de faire ce qu'il a fait. »

«Un loup solitaire»

Stephen Paddock vivait avec sa compagne au sein d'une communauté de retraités de la petite ville de Mesquite, à 130 kilomètres au nord-est de Las Vegas. « Il était bizarre, a confié une ancienne voisine, Diane McKay, au Washington Post. C'était comme vivre à côté de rien. Vous pouvez au moins être grincheux, quelque chose... Il était juste rien. »

« Rien. Il n'y avait rien », a répété Eric Paddock aux journalistes réunis devant sa maison d'Orlando, en Floride. Rien ne laissait présager ce carnage. Dans son dernier texto, son frère s'enquérait de leur mère, touchée par l'ouragan Irma. « Comment va maman ? Avez-vous de l'électricité ? », a-t-il écrit.

Stephen Paddock était un « loup solitaire », selon le shérif Joseph Lombardo, de la police de Las Vegas, sans donner plus de détails sur ses motivations. « Je ne peux pas entrer dans la tête d'un psychopathe à ce moment-ci », a-t-il dit en conférence de presse, prédisant une « enquête longue et fastidieuse ».

Eric Paddock ne connaissait aucune conviction politique ou religieuse à son frère. Il n'avait pas fait l'armée et n'était pas un fanatique des armes à feu, bien que la police ait retrouvé 23 armes dans sa chambre d'hôtel, 19 autres dans sa maison, ainsi que des explosifs et des milliers de munitions.

Revendication du groupe État islamique

Le groupe État islamique (EI) a revendiqué l'attaque en matinée, affirmant que Stephen Paddock s'était converti à l'islam quelques mois plus tôt. Selon le FBI, rien n'indique toutefois que la tuerie soit liée au terrorisme international.

Ce ne serait pas la première fois que l'EI revendique faussement un attentat. Au début du mois de juin, le groupe s'était attribué la paternité d'un massacre perpétré dans un casino de Manille, aux Philippines. Or, la police avait établi par la suite que le tueur était en fait un joueur pathologique poussé au meurtre par ses dettes de jeu.

Stephen Paddock était-il un joueur pathologique ? Sa vie, en tout cas, semblait tourner autour des casinos de Las Vegas.

Eric Paddock a décrit son frère comme un habitué des casinos qui obtenait souvent des chambres gratuites et des repas offerts par les maisons de jeu. Selon lui, il disposait d'une fortune substantielle de plusieurs millions de dollars, incluant des actifs immobiliers.

Selon la chaîne NBC, il avait joué plus de 10 000 $ par jour à de nombreuses reprises au cours des dernières semaines. Il avait même joué plus de 30 000 $ dans un casino de la ville.

Au poker, il misait à coups de billets de 100 $. Selon ses voisins, il pouvait abandonner sa maison pendant des jours, rien que pour aller jouer à Las Vegas. Là-bas, il logeait à l'hôtel avec sa compagne de 62 ans, Marilou Danley, elle aussi grande amatrice de casinos.

D'origine philippine, Mme Danley a été retrouvée hier dans ce pays d'Asie. Elle a été détenue, interrogée puis relâchée sans accusation, la police ne la croyant pas impliquée dans le massacre.

Un père braqueur de banques

Comptable, Stephen Paddock a travaillé dans les années 80 pour l'entreprise qui allait devenir Lockheed Martin, géant mondial de défense et de sécurité. Il a ensuite fait fortune dans l'immobilier. Il était notamment propriétaire et gérant d'un complexe d'appartements en banlieue de Dallas.

Son père, Benjamin Hoskins Paddock, était un braqueur de banques dont le nom a figuré pendant huit ans sur la liste des dix fugitifs les plus recherchés du FBI.

Dans un avis de recherche diffusé après son évasion d'une prison du Texas, en 1969, l'agence américaine prévenait que Benjamin Hoskins Paddock devait être « considéré comme armé et très dangereux », qu'il avait été « diagnostiqué psychopathe » et qu'il avait probablement « des tendances suicidaires ».

Le fugitif n'a été capturé qu'en 1978, dans un salon de bingo de l'Oregon. Il est mort 20 ans plus tard.

Dimanche soir, après le massacre, son fils Stephen a été retrouvé mort par les policiers au 32e étage de l'hôtel-casino Mandalay Bay.

Photo John Raoux, Associated Press

Eric Paddock, le frère du tireur.