Depuis un an, des résidants du secteur de La Plaine, à Terrebonne, sont indignés de découvrir des débris de voitures enterrés qui remontent à la surface dans leur cour. Leur quartier a été construit sur l'ancien dépotoir de Pièces d'auto Brady, avec toutes les autorisations pourtant nécessaires pour assurer la quiétude des citoyens.

«C'est du moins ce qu'on pensait. Mais j'ai un hood de char en dessous de ma piscine. On l'a découvert en 2007 quand je l'ai fait installer. Je n'ai pas réagi à l'époque, mais maintenant, entre voisins, on se parle et on réalise que le problème est généralisé», raconte Alain Brisebois.

Sa voisine de la rue Des Bernaches, Roxanne Giroux-Lévesque, ne cache pas son inquiétude de découvrir, chaque fois qu'elle racle son terrain, du métal tordu et des éclats de pare-brise à profusion. «On est pris en otage. On a acheté des maisons construites sur des terrains probablement contaminés, sans le savoir. Et le maire [Stéphane] Berthe nous laisse dans l'inconnu.»

Le problème concerne quelque 200 maisons, mais seulement 88 propriétaires ont décidé de poursuivre pour 2 millions la municipalité et le promoteur immobilier de l'époque, Robert Bourgouin. S'engager dans un processus judiciaire coûte cher, en temps, en argent et en préoccupation, reconnaît M. Brisebois, qui agit comme porte-parole de la poursuite.

«C'est inacceptable d'avoir ça dans ma cour. Je n'ai pas à subir les contrecoups des magouilles politiques.» M. Brisebois craint, comme son voisinage, de voir sa propriété perdre de la valeur.

À chaque assemblée du conseil municipal, le groupe de «Propriétaires solidaires» talonne le maire Berthe, exige des réponses à ses questions, réclame des tests de sols pour évaluer la situation. Chaque fois, cela tourne à la foire d'empoigne, et le problème semble prendre de l'ampleur.

«Point spécial» à la séance du conseil municipal

Il y a deux semaines, le maire Berthe a dit à La Presse qu'il entendait rencontrer les citoyens concernés à la mi-octobre pour faire le point. Mais vendredi en fin de journée, Terrebonne a annoncé qu'un «point spécial portant sur le dossier Brady» se tiendrait au début de la séance du conseil municipal de ce soir. L'avocat représentant Terrebonne prendra part à la rencontre «afin de dresser un état de situation», et une brève période de questions sera ouverte.

Alain Brisebois soutient ne pas être dupe, car c'est la campagne municipale qui force la Ville à bouger.  «C'est clair que le dossier fait mal à M. Berthe, qui essaie de prendre ses distances de l'ancienne administration municipale.»

Le dossier de Pièces d'auto Brady a débuté en 1994. C'est à cette époque que la Ville de La Plaine (avant la fusion avec Terrebonne), dont le maire était Daniel Bélec, achète le site. Une dizaine d'années plus tard, Terrebonne décide de le vendre à une fraction du prix au promoteur Robert Bourgouin afin d'y dresser un nouveau quartier résidentiel. Entre-temps, M. Bélec était devenu chef de cabinet du maire de Terrebonne, l'ancien député conservateur Jean-Marc Robitaille. La Ville de Terrebonne obtient alors de l'aide financière pour procéder à la décontamination du terrain.

Les problèmes ont surgi l'année dernière, à la faveur de travaux d'excavation qu'avait entrepris un citoyen. Mais le dossier a vite été éclipsé par une série de perquisitions menées par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) à Terrebonne. MM. Robitaille et Bélec ainsi que l'ancien directeur général de la Ville Luc Papillon sont notamment visés par la police, qui les soupçonne - selon des documents judiciaires - d'avoir été impliqués dans un système de corruption et d'avoir touché des pots-de-vin en contrepartie de l'attribution de contrats publics. Aucune accusation ni arrestation n'a eu lieu à ce jour.

Le maire Robitaille a quitté ses fonctions l'automne dernier et Stéphane Berthe, qui avait fait partie de son équipe, a pris le relais.