Gabriel Kocher a commencé à s'intéresser aux drones il y a deux ans, pour faire de la photo. «Je voulais mettre une caméra en l'air et ça ne me tentait pas de payer 1000 $ pour un appareil tout monté, alors j'ai monté ça moi-même avec des pièces que j'ai trouvées de Chine, par-ci, par-là. J'ai collé ça ensemble, et ça a marché.»

Ça a tellement bien marché, en fait, que l'étudiant montréalais de 29 ans est aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs pilotes sur le circuit mondial de la course de drones. L'an dernier, il s'est classé deuxième dans la Drone Racing League (DRL), ligue basée à New York et qui est considérée comme l'une des principales références dans cette discipline naissante.

«Je ne m'y attendais pas du tout, dit celui qui est désormais connu sous le pseudonyme Gab707. J'ai commencé la saison de la DRL sans grande attente. Pour moi, c'est venu comme une surprise que j'aie gagné la première course, qui était à Miami. J'ai réalisé que j'avais le potentiel de gagner ces courses.» 

«La deuxième, qui était à Atlanta, je l'ai gagnée aussi. Ça a un peu suivi comme ça, et j'ai réalisé que j'avais ce potentiel-là.»

Gabriel Kocher est originaire de Suisse et il est arrivé au Canada il y a quatre ans pour faire son doctorat en physique à l'Université McGill. Il a grandi à Chypre, où son père était correspondant pour un journal zurichois. C'est là, dit-il, qu'il a pris goût à la compétition, en participant à des courses de kart.

C'est ce même instinct qui l'a mené, une fois son premier appareil en main, à pousser la machine pour accélérer, virer, contourner des obstacles : «C'est mon côté compétitif qui a pris le dessus. C'est comme ça que je me suis lancé dans des courses.»

Une communauté

À peu près au même moment, un groupe de personnes, dont le Montréalais Mathew Zoern, commençait à organiser des compétitions dans des parcs de la ville. C'est à l'un de ces rassemblements que M. Kocher s'est rendu pour faire ses premières armes.

La communauté, d'abord unifiée par la plateforme web MeetUp, a grandi et est devenue de plus en plus structurée, au point de créer FPV Montréal, puis FPV Canada, qui contient aujourd'hui des sections dans une dizaine de villes au pays. «On a bien au-delà de 1000 personnes qui ont piloté dans nos événements», dit M. Zoern, qui travaille dans l'industrie du jeu vidéo.

Plus récemment, M. Zoern a cofondé la Canadian Federation for Drone Racing, pour servir de voix à cette discipline en pleine croissance devant les nombreux changements réglementaires imposés par le gouvernement fédéral au cours des derniers mois. M. Kocher souligne que ces restrictions «ont eu un très grand impact sur nous», puisqu'elles limitent les endroits où il peut s'exercer.

À Ottawa dans deux semaines

Le premier championnat canadien, organisé par FPV Canada, a eu lieu l'an dernier au stade Percival-Molson de Montréal. M. Kocher, alias Gab707, a remporté les grands honneurs.

Dans deux semaines, il défendra son titre au second championnat national, qui se tiendra au stade Raymond Chabot Grant Thornton à Ottawa.

FPV est l'acronyme de First Person View, qui se traduit par «pilotage en immersion». Cela consiste à piloter un appareil muni d'une caméra et dont les images sont retransmises dans des lunettes portées par le pilote, qui lui donnent l'impression d'être assis dans le cockpit.

Ils contournent des obstacles, passent à travers des portes et des tunnels et tentent de distancer leurs adversaires qui volent eux aussi à des vitesses vertigineuses et qu'ils peuvent accrocher à tout moment.

Gab707 a mené au classement pendant l'ensemble de la dernière saison et jusqu'aux tout derniers mètres, où il s'est fait coiffer avant le fil d'arrivée par Jet, un pilote américain.

Une discipline en évolution

La DRL se targue d'être télédiffusée dans plus de 75 pays et ESPN avait enregistré près de 30 millions de téléspectateurs lors de la première saison.

Mais les choses risquent de continuer à évoluer dans le monde naissant de la course de drones, avec des championnats qui voient le jour ou disparaissent régulièrement de Dubaï à Hawaii.

«C'est tout un monde qui se cherche encore, dit Gabriel Kocher. Ce n'est pas comme beaucoup de disciplines qui ont vraiment une structure qui, année après année, se reproduit. Le monde du FPV, vraiment, est en ébullition et est en train de se construire.»

Il espère en faire partie pendant encore au moins un certain temps. Il compte déposer sa thèse de doctorat d'ici la fin de l'année et la soutenir vers le début de l'année prochaine. Mais pour l'instant, il est tenté de remettre sa carrière scientifique à plus tard.

«Je suis plutôt de l'école où je me dis que quand on a une occasion, il faut la saisir. Et l'occasion de piloter des drones professionnellement ne se représentera pas.» 

Et plus la discipline se développera, plus il espère qu'il sera possible d'en vivre : il donne l'exemple de Jet, qui a terminé premier l'an dernier dans le circuit de la DRL et qui aurait accumulé des revenus annuels de près de 100 000 $US.

«Je ne sais pas si c'est vraiment à long terme, mais je prévois en tout cas l'année prochaine d'essayer de piloter des drones, et je vais peut-être essayer ça pendant un an ou deux, et on verra bien.»

Encore faut-il qu'il puisse rester concurrentiel. «Il y a beaucoup de jeunes pilotes, de jeunes enfants qui viennent et qui sont extrêmement forts. Et je ne sais pas combien de temps des vétérans comme moi-même, on va pouvoir tenir face à la jeune génération. Mais bon. Je vais essayer ça.»

Et si ça ne fonctionne plus, il y aura toujours la physique, ou encore son intérêt initial pour les images filmées du haut des airs : une vidéo des Alpes suisses à vue de drone qu'il a diffusée en janvier sur son compte YouTube a été vue 1,2 million de fois et été sélectionnée pour le festival des films de drone de New York.