Les caléchiers contesteront le nouveau règlement que la Ville de Montréal compte leur imposer d'ici la fin de l'été, estimant que les nouvelles règles réduiraient leurs revenus de moitié. Ils dénoncent tout particulièrement l'interdiction pour les chevaux de circuler lorsque la température atteint 28 degrés Celsius, cette mesure risquant d'amputer leur saison de façon importante.

Protection des chevaux

Après avoir mordu la poussière lorsqu'elle a tenté d'interdire les calèches l'an dernier, la Ville de Montréal emprunte une nouvelle avenue en resserrant les règles qui les encadrent. L'administration Coderre a donné le feu vert à un nouveau règlement sur les calèches, disant vouloir redorer le blason de cette industrie. « La priorité des priorités, c'est la santé du cheval. Dans la mesure où je pense que les calèches doivent exister, il faut s'assurer qu'on puisse protéger cet animal », a résumé le maire Denis Coderre. Celui-ci a par ailleurs dit toujours caresser l'ambition d'aménager une écurie qui relèverait de la Ville dans le secteur du Vieux-Montréal.

Baisse de la température

Le texte précis du nouveau règlement n'a pas encore été rendu public, mais un résumé remis aux élus permet d'apprendre que les chevaux ne pourront plus circuler lorsque la température atteindra 28 degrés Celsius. Après avoir longtemps été de 32 degrés, le seuil avait déjà été abaissé à 30 depuis quelques années. Pour s'assurer du respect de cette règle, des afficheurs de température réelle seront installés à tous les postes d'embarquement. Une alarme visuelle s'activera lorsque la température approchera du seuil des 28 degrés. Autre nouveauté pour les chevaux, ils auront aussi droit à une pause de 10 minutes après chaque promenade. Les amendes en cas d'entorse au règlement seront majorées, mais les sommes qui seront réclamées n'ont pas été rendues publiques.

Formation obligatoire pour les cochers

Les cochers aussi sont dans la ligne de mire de la Ville. Ils devront suivre une formation tous les cinq ans sur les informations touristiques à fournir et le service à la clientèle. Un code vestimentaire leur sera imposé. Ils devront aussi détenir un permis en règle délivré par la SAAQ. Il sera interdit à tout cocher d'être aux commandes d'une calèche pour cinq ans si celui-ci est reconnu coupable de toute infraction de cruauté envers les animaux. Les propriétaires d'écuries devront s'assurer que la température à l'intérieur ne dépasse jamais 28 degrés Celsius. L'hiver, ils devront veiller à ce que la température oscille entre 5 et 7 degrés. Ils devront aussi s'assurer que le taux d'humidité demeure entre 55 et 70 %. Les chevaux devront enfin avoir accès à un espace pour circuler librement.

« Réglementation de fous »

Ces changements passent mal auprès des caléchiers. « Ils nous demandent d'être parfaits, d'avoir des chevaux parfaits, des calèches parfaites, mais on nous empêche de travailler. C'est sûr qu'on va contester cette réglementation de fous qu'on nous impose », dit Luc Desparois, propriétaire de l'écurie Lucky Luc. L'interdiction de travailler à partir de 28 degrés l'irrite particulièrement, puisqu'elle empêchera les cochers de travailler la majorité des journées, appréhende-t-il. Selon son évaluation, son chiffre d'affaires risque ainsi de diminuer de moitié.

Plus sévère qu'à Québec

Le nouveau règlement de Montréal sera nettement plus sévère que celui en vigueur à Québec, autre ville où des calèches sont encore bien présentes. Les chevaux sont autorisés à circuler jusqu'à 32 degrés Celsius - 37 avec le facteur humidex. Tout comme à Montréal, les chevaux ne peuvent être attelés plus de 9 heures par jour à Québec, mais cette règle s'applique seulement en été. Du 1er octobre au 23 juin, les bêtes peuvent travailler jusqu'à 15 heures par jour, mais pas deux jours consécutifs. Par ailleurs, Québec ne réglemente pas les conditions dans les écuries. Les cochers de la capitale n'ont pas à porter un uniforme ni à suivre une formation obligatoire.

Règlement « digne du passé »

Pour l'opposition à l'hôtel de ville, ce règlement est digne du passé. « Ce règlement aurait peut-être été intéressant en 1987, mais on est en 2017. Rome utilise désormais des calèches électriques », dit Valérie Plante, chef de Projet Montréal. L'élue juge inadmissible que l'arrondissement investisse 500 000 $ dans la formation et l'uniforme des cochers, d'autant plus que Montréal ne compte plus que 24 calèches. Cet argent aurait plutôt dû servir à racheter les permis des cochers pour « sortir tranquillement de cette industrie et entrer dans le XXIe siècle », estime-t-elle. Valérie Plante déplore par ailleurs que l'administration Coderre demande aux élus de se prononcer sur cette question alors qu'aucune étude n'a encore été rendue publique. On attend depuis plus d'un an un rapport sur la situation du cheval. Le maire Coderre a indiqué hier que le rapport sera rendu public après une collecte de données.

Adoption en août

Le règlement sera présenté pour la première fois aux élus lundi. Avant d'entrer en vigueur, il devra obtenir l'aval du conseil municipal, ce qui ne devrait pas se produire avant août, l'hôtel de ville suspendant ses activités pendant l'été. Fait à souligner, ces changements surviennent alors que la métropole est visée par une campagne contre la cruauté envers les chevaux en raison de la tenue d'un rodéo dans le cadre des festivités du 375e anniversaire de Montréal.