Les associations de camionnage et de remorquage ont à leur tour durement pris à partie le ministère des Transports du Québec pour le cafouillage de l'autoroute 13, où les occupants de 300 véhicules enlisés ont été « oubliés » toute la nuit, en pleine tempête de neige, dans la nuit de mardi à mercredi.

Réjean Breton, président de l'Association des professionnels du dépannage du Québec (APDQ), qui regroupe la majorité des entreprises de remorquage de la province, s'est dit peu surpris qu'on ait pu ainsi abandonner des centaines de personnes sur une autoroute enneigée, en raison du piètre encadrement fourni par le Ministère sur le réseau autoroutier de la métropole.

« Ce qui est arrivé, mardi, c'était prévisible, a affirmé M. Breton dans un entretien à La Presse. On se le disait, à l'interne, que s'il fallait qu'il y ait une tempête importante ou une catastrophe naturelle compromettant la sécurité routière sur tout le réseau de remorquage exclusif, il arriverait quelque chose. C'est arrivé. Et ce n'est pas juste le réseau autoroutier de Montréal, c'est aussi celui des banlieues nord et sud de la métropole. »

Depuis 2012, explique-t-il, plusieurs des entreprises de dépannage qui exploitent les zones de remorquage exclusif, qui couvrent l'ensemble du réseau autoroutier de la grande région métropolitaine, n'ont plus de contrat. Leurs ententes, qui ont expiré, sont prolongées, par tranches de trois mois, et ce, depuis des années.

Les demandes de rencontres de l'APDQ pour discuter de questions opérationnelles avec les gestionnaires du Ministère ne reçoivent aucune réponse. En cinq ans, le principal interlocuteur de l'Association, au Ministère, a changé quatre fois.

« C'est rare de voir une industrie courir après son donneur d'ouvrage pour proposer des améliorations au fonctionnement des opérations, souligne M. Breton. C'est pourtant le cas avec le MTQ. »

ABSENCES

Hier, en conférence de presse, un porte-parole de la Sûreté du Québec a affirmé que deux camionneurs, qui s'étaient enlisés sur l'autoroute, vers 18 h 30, avaient refusé de collaborer avec le remorqueur envoyé sur place. Ils refusaient d'être remorqués. Ce refus, selon la SQ, a contribué à la formation du bouchon de circulation.

« L'opérateur de la dépanneuse n'est pas un agent de la paix, affirme M. Breton. Il n'a pas de pouvoir de contrainte. Lorsque quelqu'un refuse d'être remorqué, l'opérateur doit en appeler à la SQ ou aux patrouilleurs du MTQ, qui ont le pouvoir d'ordonner un remorquage. La dépanneuse s'est présentée vers 19 h sur les lieux. Devant le refus des camionneurs, son opérateur a appelé la SQ et le Ministère. Mais personne n'est jamais venu. »

La déclaration de la SQ a mis en colère le dirigeant du Groupe Guilbault, Éric Gignac, qui y a vu une tentative de faire diversion en faisant des camionneurs les boucs émissaires du gâchis de l'A13. Son entreprise, qui exploite un parc de 300 véhicules lourds, a suspendu toutes ses activités partout au Québec dès le début de la tempête. C'est le hasard qui a fait en sorte qu'un de ses camions est resté pris sur l'A13 toute la nuit de mardi à mercredi, comme des centaines d'autres automobiles et camions.



UN ENTRETIEN ROUTIER « ÉPOUVANTABLE »

M. Gignac précise que c'était la deuxième fois, cet hiver, qu'il suspendait toutes les activités de la compagnie pour cause de tempête. La première suspension avait duré trois ou quatre heures. Celle de mardi a duré presque 18 heures, de 17 h 30, mardi, jusqu'à 11 h, mercredi matin.

« Je ne suis pas le seul à le faire, mais plusieurs de mes concurrents ne le font pas, dit l'homme d'affaires. Par la fenêtre de mon bureau, je regardais les camions qui roulaient sur l'autoroute 20 en pleine tempête, et je me disais : c'est absurde ! On risque la vie de nos employés et des autres usagers de la route. Un camion, c'est gros, et quand ça part de travers, ça peut vous ramasser plusieurs autos. »

M. Gignac n'est pas tendre envers le MTQ, qui réagit trop lentement, selon lui, et qui fait un travail d'entretien très inégal, particulièrement dans la région de Montréal. Il croit que la pratique voulant que l'on confie les contrats au plus bas soumissionnaire est en partie responsable de la situation.

« Si au moins nos routes étaient bien entretenues. Mais avec l'entretien épouvantable que fait le MTQ, c'est devenu de plus en plus difficile de prendre la route dans les tempêtes, même si c'est juste 15 centimètres de neige. À l'heure où l'embouteillage s'est formé sur l'A13, mardi soir, l'autoroute aurait dû être déglacée. Les camions n'auraient pas eu besoin de se faire remorquer. »