Ça devait être un Noël comme les autres, ou presque. Il manquait celle du milieu. Marie-Hélène. La présence de la globe-trotteuse manquait déjà à sa famille réunie pour le brunch du 25 décembre. Puis, le téléphone a sonné. C'était l'ambassade du Canada en Finlande. Marie-Hélène Fortier était à un cheveu de la mort. En ce matin de Noël, ce monde qu'elle était partie découvrir a basculé pour toute la famille Tardif-Fortier.

« Au moment de s'asseoir pour le brunch de Noël, on a eu un téléphone, raconte sa grande soeur, Stéphanie Fortier. On nous a dit qu'elle avait eu un grave accident, que les blessures étaient nombreuses, que c'était critique et qu'il fallait venir le plus rapidement possible. »

La jeune femme originaire de Saint-Fortunat, près de Victoriaville, a toujours eu soif de découverte. À 27 ans, elle vivait le rêve pour lequel elle avait tant travaillé et économisé : parcourir l'Europe et l'Asie durant une année. Partie en juin, elle était à mi-chemin lorsqu'elle a posé son sac à dos en Finlande avec Tomi Koho, un voyageur rencontré en cours de route. Le 24 décembre, vers 16 h 45, la voiture de laquelle elle était passagère a été impliquée dans une collision frontale.

« Elle a été grièvement blessée : fracture au crâne, fracture au cou, fractures au dos [vertèbres], côtes fracturées, poumons perforés, rate endommagée et le bassin complètement fracturé », a énuméré sa soeur. À cela s'est ajoutée une pneumonie.

C'est Tomi qui était au volant. Il a aussi été blessé, mais moins sérieusement. Il ne se souvient que de la collision frontale, sans plus de détails.

DIRECTION FINLANDE

Il n'y avait pas une seconde à perdre. Les parents de Marie-Hélène étant complètement sonnés, Stéphanie s'est chargée de toute la logistique : contacts avec l'ambassade, assurances, passeports, billets d'avion, etc. Le 26 décembre, Hélène Tardif et Réjean Fortier se sont envolés pour la Finlande. Puisqu'ils ne parlent pas un mot d'anglais, l'un de leurs fils, Michaël, s'est joint à eux pour servir d'interprète.

« C'est aussi le seul qui est capable de raisonner Hélène », a ajouté Stéphanie.

Parce que les émotions étaient vives. Après avoir voyagé de Montréal à Londres, de Londres à Helsinki - capitale de la Finlande - et s'être rendus à l'hôpital universitaire de Kuopio, à 385 km au nord, les Tardif-Fortier sont finalement arrivés au chevet de leur fille.

« Ç'a été un choc quand les parents sont arrivés, parce qu'elle était intubée et elle respirait à l'aide d'une machine. Ça, on ne le savait pas. D'autant plus qu'elle était méconnaissable et très, très enflée », raconte la grande soeur, qui parle à son père tous les jours pour prendre des nouvelles.

Le temps des Fêtes ayant ralenti l'enquête et Tomi souffrant d'amnésie, la famille n'en sait pas plus sur les circonstances de l'accident. Par ailleurs, l'ambassade du Canada en Finlande a jusqu'à maintenant offert son soutien aux proches de la Québécoise, et le personnel hospitalier ne la lâche pas des yeux.

« Jusqu'à maintenant, on n'en sait pas beaucoup sur les circonstances, poursuit la grande soeur. Avec les Fêtes, on n'a pas pu consulter le rapport de police ou autre chose qui pourrait nous laisser savoir vers où elle se déplaçait. On n'a pas ces informations-là. Tomi était hospitalisé, mais dans un autre établissement que Marie-Hélène, parce que ses blessures étaient moins importantes. »

« JE VOUS AIME »

Marie-Hélène est toujours aux soins intensifs. Demain, elle subira une intervention chirurgicale au niveau du bassin. Bien que sa vie ne soit plus en danger, elle pourrait garder de sérieuses séquelles de l'accident, mais il est encore trop tôt pour en connaître l'ampleur. Si l'opération se passe bien, elle pourrait être rapatriée au Québec dans un mois, mais sa convalescence sera d'au minimum deux ans, selon les médecins.

Vendredi, la jeune voyageuse a communiqué pour la première fois avec ses parents et son frère, en hochant doucement la tête ou en clignant des yeux. Le lendemain, toujours intubée, elle est parvenue à bouger ses bras. Elle a voulu écrire, mais en a été incapable. Elle a finalement formé un coeur avec ses mains. Un signe qui voulait tout dire.

Hier, elle a montré des signes encore plus encourageants. Le respirateur a été retiré et elle est parvenue à parler. Bien qu'elle ne se souvienne pas de l'accident, elle reconnaissait tout le monde autour d'elle. Le boute-en-train qui, selon ses proches, a une force de caractère hors du commun a même poussé quelques blagues.

« Elle a traité ses parents de fous d'être allés la rejoindre et leur a dit qu'ils avaient payé leurs billets beaucoup trop cher ! Elle leur a dit : "Vous auriez dû faire ça, ça et ça, et vous auriez payé 500 $", raconte Stéphanie. Mon père lui a répondu qu'il n'y avait pas de prix pour voler à son chevet. »

ÉLAN DE SOLIDARITÉ

En vérité, ces semaines qu'ils s'apprêtent à passer à ses côtés ont un prix. L'assurance à laquelle Marie-Hélène avait souscrit pour son voyage ainsi que la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) - puisqu'il s'agit d'un accident de la route - devraient couvrir tous les frais médicaux et son rapatriement au pays, selon les démarches faites par sa soeur, qui croit même que la prévoyante voyageuse avait pris une police supplémentaire au moment de louer la voiture avec son ami.

Mais aucune assurance n'existe pour payer le voyage imprévu d'une famille à qui l'on dit que l'enfant est au seuil de la mort de l'autre côté de l'océan. Cindy Alain l'a vite compris.

La jeune fille a connu Marie-Hélène lors de leurs études universitaires en travail social, en 2010. Les bonnes amies devaient se retrouver en Asie, en 2017.

« Je me sentais impuissante. Je voulais aller directement en Finlande moi aussi, mais en même temps, je savais que ça ne servait à rien », explique Cindy, qui a trouvé une autre façon d'aider son amie. Elle a créé une campagne de financement grâce au site internet GoFundMe pour alléger les frais de transport, d'hébergement, de nourriture, de congés sans solde, etc. de sa famille.

« Je sais bien que l'argent ne ramènera pas la santé de Marie-Hélène, et je ne voulais pas que ce soit mal vu par la famille. Mais quand j'ai eu leur OK, j'ai créé la page et c'est rapidement devenu viral. En une semaine, on a déjà amassé 8000 $ », raconte la jeune femme, heureuse que la générosité des donateurs enlève une pression sur les épaules déjà surchargées des parents de Marie-Hélène, « qui n'ont pas de mots pour exprimer leur gratitude ».

« Marie-Hélène est très appréciée et je crois que cette vague de générosité est un retour du balancier pour elle, qui a touché et aidé tellement de gens », raconte son amie, également soulagée des dernières nouvelles sur son état de santé.

« De savoir qu'elle a repris connaissance et qu'elle se rappelle de son monde, ça vient me chercher, admet Cindy, émotive. Son coeur avec ses mains, c'est un signe qu'elle fait tout le temps. C'est elle. »