Ottawa annonce qu'il facilitera la mise sur pied de centres d'injection supervisée à travers le pays, tout en s'attaquant à la production et l'importation des opioïdes.

Le gouvernement Trudeau veut ainsi changer l'approche conservatrice en matière de lutte contre les drogues en en faisant un enjeu de santé publique plutôt que de criminalité.

La ministre de la Santé, Jane Philpott, a annoncé lundi une nouvelle «Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances», remplaçant la stratégie «antidrogue» du gouvernement précédent.

Lorsqu'il sera adopté, le projet de loi C-37 simplifiera la vie des communautés qui souhaitent que des sites d'injection soient implantés. Au lieu de se plier aux 26 conditions obligatoires qui prévalaient par le passé, les villes auront à remplir cinq grands critères. Elles devront prouver qu'il existe un réel besoin pour ce site, que des consultations ont été menées, qu'elles ont évalué l'impact sur la criminalité et qu'elles disposent des ressources nécessaires pour gérer un tel site et d'une structure réglementaire pour l'encadrer.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, s'est réjoui de l'annonce d'Ottawa, soulignant que l'implantation de trois sites d'injection supervisée figure dans le Plan d'action montréalais en itinérance depuis plus de deux ans.

Jusqu'à l'an dernier, il s'était heurté aux conservateurs de Stephen Harper.

Dans un communiqué, il s'est dit «heureux» du dépôt du projet de loi, mais «impatient» que celui-ci soit adopté. Il a souligné l'ampleur de la crise des surdoses aux opioïdes que traverse le Canada, et qui n'a pas épargné Montréal.

Montréal compte quelque 4000 consommateurs de drogues par injection, «dont le quart fait partie de la population itinérante», relève-t-on dans le communiqué.

«Dans ce contexte, la présence de SIS (sites d'injection supervisée) contribue également à réduire le nombre de seringues à la traîne et à améliorer la cohabitation sociale dans les espaces publics», a-t-il dit dans le communiqué.

Il existe présentement deux sites d'injection supervisée au Canada, tous les deux à Vancouver.

Inspecter les colis

La loi C-37 permettra aussi aux douaniers d'ouvrir sans préavis tous les colis qu'ils jugent suspects, quel que soit leur poids. En ce moment, si un paquet pèse 30 grammes ou moins, les agents doivent obtenir l'autorisation de l'expéditeur ou du destinataire pour l'ouvrir. Or, un colis de 30 grammes de fentanyl contient 15 000 doses mortelles, a fait valoir le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Il interdira par ailleurs l'importation des presses à comprimés et des instruments d'encapsulation qui peuvent être utilisés dans la production de stupéfiants s'ils ne sont pas enregistrés.

La crise des opioïdes frappe durement la Colombie-Britannique, qui a compté 622 décès par surdose de janvier à octobre, dont 60 % attribuables à l'utilisation du fentanyl.

Compte tenu de l'urgence d'agir, la ministre Philpott espère que la législation sera adoptée rapidement, car «des gens meurent chaque jour» de cette situation, a-t-elle insisté.

«J'espère que ce projet de loi va passer assez vite à la Chambre des communes et dans le processus législatif. Mais (entre-temps), moi, dans mon ministère, je vais donner plus de ressources pour aider les communautés qui veulent ces sites», a-t-elle souligné.

Pour juguler la crise, le gouvernement propose un plan d'action, qui prévoit notamment de mettre à la disposition des citoyens plus d'informations sur les risques liés aux opioïdes.

Ottawa veut aussi améliorer les pratiques d'ordonnance et l'accès aux traitements, ainsi que réinvestir en santé mentale.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) juge toutefois ces actions «timides» et propose la déclaration d'une urgence nationale de santé publique sur la question.