La pression s'accentue sur le gouvernement Trudeau à la suite de l'affaire Patrick Lagacé. Le NPD veut une enquête publique. Le sénateur indépendant André Pratte et le Bloc québécois entendent tous deux déposer un projet de loi sur la protection des sources journalistiques si le gouvernement n'en propose pas un, a appris La Presse. Et le commissaire à la protection de la vie privée du Canada souhaite aussi des lois plus claires en matière de protection des sources journalistiques.

Le gouvernement Trudeau estime « prématurée » la question d'une intervention législative, mais le ministre fédéral de la Sécurité publique Ralph Goodale a annoncé hier qu'il « examinera » la directive ministérielle de 2003 demandant aux forces policières de porter une « attention spéciale » au statut des médias dans le cadre d'enquêtes sur la sécurité nationale. Le cabinet du ministre Goodale n'était pas en mesure d'indiquer hier si cet « examen » comprendrait des consultations publiques.

« Le ministre examine la directive ministérielle [...] afin de s'assurer que les plus grands soins sont pris lorsque des enquêtes criminelles et du journalisme se recoupent et que la valeur canadienne fondamentale de la liberté de presse est protégée », a indiqué Scott Bardsley, attaché de presse du ministre Goodale, qui se dit « toujours ouvert à recevoir des représentations » sur le sujet.

Plusieurs parlementaires auront des suggestions pour le gouvernement Trudeau. Au Sénat, le sénateur indépendant André Pratte, qui a été journaliste pendant 37 ans (la grande majorité du temps à La Presse) avant d'être nommé au Sénat au printemps dernier, se dit « prêt à déposer un projet de loi privé » si le gouvernement n'a pas l'intention de revoir les lois en vigueur. 

« Compte tenu de ce qu'il c'est passé [dans le cas de Patrick Lagacé], les législateurs ne peuvent pas juste dire "c'est préoccupant, c'est inquiétant". Il faut examiner les lois actuelles pour voir si elles sont suffisantes. » - Le sénateur André Pratte

« Ce qui est particulièrement inquiétant, ajoute le sénateur André Pratte, c'est que le SPVM et les juges estiment avoir agi à l'intérieur de la législation actuelle. Mon préjugé favorable porte vers une clarification de la loi. »

UN PROJET DE 2007 REVIT

Le Bloc québécois déposera au cours des prochaines semaines un projet de loi privé sur la protection des sources journalistiques. Sa version préliminaire, déposée lundi au bureau du légiste de la Chambre des communes, reprend de façon quasi identique un projet de loi présenté par l'ex-député bloquiste Serge Ménard en 2007. 

Ce projet de loi C-426, mort au feuilleton en raison des élections en 2008, aurait permis aux journalistes de ne pas divulguer leurs sources, leurs renseignements recueillis ou d'être l'objet d'une perquisition sauf dans de rares exceptions (ex. : si la police a tout fait pour obtenir la source autrement et si la divulgation est dans l'intérêt public). 

« C'est un outil essentiel. Le cadre actuel ne protège pas suffisamment bien ces sources d'information là. Il faut une réponse législative parce que c'est un problème majeur qui concerne l'ensemble de la population. » - Rhéal Fortin, chef par intérim du Bloc québécois

Serge Ménard serait « très heureux » de voir une nouvelle version de son projet de loi à l'étude au Parlement. « J'ai voulu mettre dans une loi les principes de la Cour suprême », dit Serge Ménard, qui estime qu'il faudrait moderniser son projet de loi pour traiter notamment de géolocalisation. 

Avant de modifier la loi, les néo-démocrates veulent d'abord une enquête publique. « On voit clairement des histoires de la sorte à répétition, dit le député Matthew Dubé. Nous sommes très ouverts à un changement législatif au besoin, mais ce n'est pas la première étape. Il faut une enquête publique pour déterminer si les forces policières respectent la liberté de la presse. Est-ce la directive ministérielle qui fait défaut ou si c'est la GRC qui ne respecte pas la directive ? »