Expulsions forcées, confrontations armées, assassinats : les entreprises minières canadiennes se retrouvent fréquemment au coeur de violents conflits sociaux à l'étranger. Or, les victimes n'ont nulle part où se tourner pour obtenir justice, dénoncent une cinquantaine d'organismes canadiens, qui réclament la création d'un poste d'ombudsman pour faire la lumière sur ces conflits dévastateurs pour les populations locales.

Pour le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises (RCRCE), le temps presse : le gouvernement de Justin Trudeau, au pouvoir depuis un an, doit réaliser son engagement de créer un poste d'ombudsman indépendant et doté de véritables pouvoirs d'enquête dans le domaine de l'industrie extractive.

La semaine dernière, un rapport intitulé La marque Canada a montré qu'en 15 ans, les violences liées aux activités de minières canadiennes en Amérique latine avaient fait au moins 44 morts, dont 30 à la suite d'attaques ciblées contre des opposants aux projets miniers. «La situation est tellement grave que le gouvernement ne peut plus attendre. Il faut instituer un mécanisme qui fonctionne, contrairement à ceux qui sont en place en ce moment», tranche Emily Dwyer, coordonnatrice du RCRCE.

Le réseau dévoile aujourd'hui un «modèle législatif détaillé», qui fournit au gouvernement une « feuille de route» pour lui permettre de créer rapidement un poste d'ombudsman. «Il faut répondre à l'urgence de la situation, explique Geneviève Paul, de l'organisme Above Ground. On continue à documenter des violations sérieuses des droits de la personne, non seulement en Amérique latine, mais sur d'autres continents.»

Mutisme libéral

Le Parti libéral a promis de créer un poste d'ombudsman lors de la campagne électorale de 2015. Depuis qu'ils ont pris le pouvoir, les libéraux n'ont plus abordé le sujet. «Nous sommes en train d'évaluer l'approche du Canada concernant la responsabilité sociale des entreprises (RSE), tout en écoutant la société civile et les entreprises qui sont actives à l'étranger», affirme Diana Khaddaj, porte-parole d'Affaires mondiales Canada.

De son côté, l'Association minière du Canada rejette le modèle présenté par le RCRCE, parce que trop collé au système judiciaire. Les tribunaux canadiens acceptent désormais d'entendre des causes, comme celle qui oppose des Guatémaltèques à Hudbay Minerals, dit Ben Chalmers, vice-président de l'Association. «Nous avons un système judiciaire qui fait ce travail. Ce dont nous avons besoin, c'est un processus de résolution de conflits. Nous sommes ouverts à l'idée d'améliorer les mécanismes déjà en place.»

Jusqu'ici, ces mécanismes n'ont toutefois jamais permis aux victimes d'obtenir justice, dénonce Mme Dwyer. Le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises, mis sur pied en 2009 par l'ancien gouvernement conservateur, repose entièrement sur la bonne volonté des sociétés minières. «Plus de la moitié des plaintes n'ont pas eu de suite puisque les entreprises impliquées ont refusé de collaborer», explique-t-elle.