Pour la toute première fois au Québec, le père d'un bambin mordu par un chien vient d'être accusé de négligence criminelle relativement à cette agression.

Lors d'une visite chez ses propres parents à Rosemont, le 15 septembre, Michael Longval serait sorti « vendre un cellulaire » en laissant son fils dans la même pièce que le jeune pitbull de son père et de sa mère. L'animal en question était issu de la même portée qu'un de ses propres chiens.

Trois jours après l'attaque, les parents de l'homme de 24 ans avaient raconté à La Presse que ce dernier ne les avait jamais avisés de son départ. Alors qu'ils étaient occupés, Longval aurait plutôt demandé à son frère aîné de veiller sur son fils de 2 ans.

Son frère étant atteint d'une déficience intellectuelle, il n'a pu remplir sa mission. En sortant de la douche, la mère de Longval aurait ainsi retrouvé son petit-fils ensanglanté, assis à côté de la cage sans porte de leur pitbull de 7 mois. Ce dernier avait mordu l'enfant si profondément que les urgentologues ont dû lui recoudre l'arcade sourcilière.

En apprenant la nouvelle, Longval, au casier criminel déjà chargé, aurait menacé de venir tuer le chien sur-le-champ. Il a ensuite utilisé son compte Facebook pour traiter ses proches de « parent atarder (sic) » et de « sal famille de ti couine (sic) ».

Très ébranlés par l'attaque, ses parents ont plutôt confié l'animal aux policiers, en leur demandant de le faire euthanasier. D'ordinaire, ont-ils dit, ils prenaient soin de lui enfiler une muselière en présence de leurs petits-enfants.

Longval a pour sa part déclaré à La Presse qu'il n'était pas question qu'il se départe de ses propres pitbulls, même si son fils en avait maintenant peur.

UN LOURD PASSÉ

Comme le révélait La Presse en mai, selon au moins cinq études, les gens qui se procurent des chiens considérés comme « à haut risque » sont plus susceptibles de mépriser leurs semblables et les lois. Ils auraient en moyenne plus de dossiers criminels et de pensées antisociales.

Ardent défenseur de ces chiens, Longval a tout récemment affiché sur Facebook un article relatant comment la SPCA avait fait invalider des pans du nouveau règlement montréalais sur les chiens dangereux. Avant l'attaque, il mettait déjà en ligne un message disant « Je suis pitbull ».

Depuis 2010, l'homme de 24 ans a été accusé de 15 infractions criminelles et a plaidé coupable dans la majorité des cas, notamment pour vol. Il a aussi fait défaut de se conformer à une ordonnance de probation à sept reprises.

PREUVE DIFFICILE

À moins d'utiliser leurs chiens comme armes, les propriétaires de chiens dangereux ne sont à peu près jamais accusés lorsque les choses tournent mal. Deux autres enfants québécois ont été mordus beaucoup plus grièvement que le fils de Longval, l'an dernier, et la résidante de Pointe-aux-Trembles Christiane Vadnais a été tuée. Mais aucune de ces attaques n'a encore été punie.

Mais prouver la négligence criminelle est difficile, explique Anne-Marie Boisvert, professeure de droit criminel à l'Université de Montréal.

Il est plus facile d'en convaincre le juge ou le jury lorsque le chien agresseur avait déjà attaqué dans le passé, observe le criminaliste Gary Martin. « Mais toutes les circonstances doivent être analysées. Bien des parents laissent leur enfant par terre avec leur chien. C'est courant. Mais si vous avez un chien qui peut, vu sa constitution, causer de grands dommages, vous devez peut-être, comme propriétaire, agir avec plus de prudence. »

L'accusation de négligence criminelle ayant causé des lésions a été déposée contre Longval mardi dernier. Il doit comparaître au palais de justice de Montréal le 26 octobre.