Cela fait des mois qu'Ensaf Haidar réclame sur toutes les tribunes la libération de son mari Raïf Badawi, si bien qu'elle se dit aujourd'hui à court de mots. Mais à Justin Trudeau, elle en a offert deux, mercredi: «Aide-moi».

La femme du blogueur, qui croupit derrière les barreaux en Arabie saoudite depuis près de 1600 jours, estime que le temps est venu, pour le premier ministre, d'intervenir personnellement auprès des autorités saoudiennes.

Lorsqu'on lui demande quel message elle aimerait lancer à M Trudeau, elle hésite: «Ce que je voudrais dire à M. Trudeau?». Puis, après avoir poussé un soupir, elle lâche: «Aide-moi. Parle avec l'Arabie saoudite directement».

Avant de lancer ce cri du coeur en entrevue, à l'issue d'une conférence de presse à Ottawa, Mme Haidar avait demandé à la directrice générale de la fondation Raïf Badawi pour la liberté, Évelyne Abitbol, de traduire en français les mots qu'elle prononçait en arabe devant la presse.

«Vous connaissez tous l'histoire de Raïf Badawi. Que puis-je ajouter qui n'a pas été mentionné jusqu'à maintenant? Je peux seulement poser des questions étant donné que nous ne recevons pas de réponses à toutes les questions», a-t-elle lâché.

«Les questions, je les adresse au gouvernement canadien», a poursuivi Mme Haidar, rappelant que le gouvernement du Québec avait délivré au nom de Raïf Badawi un certificat de sélection d'immigration du Québec pour des motifs humanitaires.

Celle qui s'est réfugiée au Québec avec ses trois enfants a dit regretter que le Canada ne puisse en faire davantage pour son mari, même si celui-ci ne détient pas la citoyenneté canadienne.

Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a signalé dans le passé que c'était là le «principal problème» auquel Ottawa est confronté - Riyad ne reconnaît pas Ottawa comme un interlocuteur dans ce dossier puisque M. Badawi n'est pas citoyen canadien.

En décembre, Justin Trudeau avait affirmé qu'une intervention directe de sa part n'était pas dans les cartons. On ignore s'il s'est impliqué depuis, son bureau n'ayant pas fourni cette précision et le premier ministre refusant de répondre à cette question à sa sortie de la période des questions aux Communes, mercredi.

À l'époque où les libéraux étaient sur les banquettes de l'opposition, ils exhortaient l'ancien premier ministre Stephen Harper à appeler Riyad afin de faire pression directement auprès du roi d'Arabie saoudite.

Le ministre Dion était de ceux-là. Lorsqu'on lui a demandé, mercredi, pourquoi la même obligation ne devrait pas incomber aussi au premier ministre Trudeau, il a rejeté la prémisse de la question.

«Comment savez-vous si on n'a pas pris le téléphone? On ne dit rien de ce genre de chose pour s'assurer qu'on aura de bons résultats», a-t-il fait valoir.

«On fait toujours très attention d'utiliser les meilleurs moyens pour atteindre ce qu'on vise. Et dans ce cas-ci, ce qu'on vise, c'est que M. Badawi soit libéré et puisse venir au Canada voir sa famille, vivre avec sa famille», a indiqué M. Dion.

Le blogueur a été condamné à 1000 coups de fouet et dix ans d'emprisonnement pour avoir prôné la libéralisation du régime saoudien. Il a été flagellé 50 fois en janvier 2015, mais toutes les séances subséquentes ont été interrompues en raison de son état de santé.

Ensaf Haidar participait mercredi à une conférence de presse pour exhorter Ottawa à voter contre la candidature de régimes répressifs comme l'Arabie saoudite au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.