Le soulagement est immense. Non seulement la professeure à la retraite canado-iranienne Homa Hoodfar a-t-elle été libérée d'Iran, où elle était emprisonnée depuis 110 jours, mais en plus, elle est apparue souriante et dans une bonne forme sur les premières photos d'elle, lundi.

«On ne s'attendait pas à cette nouvelle. J'ai rarement été aussi heureux», a lancé Marc Lafrance, un professeur à l'Université Concordia qui considère Mme Hoodfar comme sa deuxième mère.

Tôt lundi matin, les médias iraniens ont annoncé la nouvelle. La confirmation est venue du premier ministre Justin Trudeau. Mme Hoodfar était bel et bien libérée et se trouvait à Oman, en compagnie de sa nièce, Amanda Ghahremani.

«En l'absence de représentation diplomatique canadienne en Iran, le Canada a travaillé en étroite coopération avec d'autres pays, notamment Oman, l'Italie et la Suisse, qui ont joué un rôle déterminant menant à la libération de la professeure Hoodfar, a poursuivi M. Trudeau. J'aimerais exprimer ma plus profonde reconnaissance pour leur appui.»

M. Trudeau, qui a exprimé le souhait de reprendre le dialogue avec le régime iranien, a tenu à souligner «la coopération de représentants des autorités iraniennes qui ont facilité sa libération et son rapatriement. Ils comprennent que les cas comme celui-ci nuisent à l'établissement de relations plus productives».

Accusée de propagande contre l'État

Arrêtée en mars puis emprisonnée en juin, Mme Hoodfar était accusée, selon sa famille, de propagande contre l'État et de collaboration avec des États étrangers contre la République islamique d'Iran.

Peu après son arrestation et avant son emprisonnement, des professeurs de l'Université Concordia ont pu échanger des courriels avec elle.

«Elle a subi des interrogatoires qui duraient de huit à neuf heures, et on l'a obligée à faire des devoirs, à écrire des essais résumant ses recherches», a indiqué Marc Lafrance.

Selon lui, ce qui posait notamment problème aux autorités iraniennes, c'était ses recherches sur l'homosexualité en contexte musulman.

Âgée de 65 ans, la professeure d'anthropologie, qui a la triple nationalité iranienne, irlandaise (par son ex-mari) et canadienne, souffre d'une maladie neurologique dégénérative, la myasthénie grave.

Citant le ministère iranien des Affaires étrangères, l'agence de presse iranienne Fars News a indiqué lundi sur son site internet que la professeure avait d'ailleurs été libérée pour des raisons humanitaires.

L'âge de Mme Hoodfar et les mauvaises conditions de détention en Iran ont fait en sorte qu'après avoir gardé le profil bas dans les premiers mois suivant son arrestation, sa famille et ses collègues de Concordia, mais aussi d'un peu partout dans le monde ont compris qu'il leur fallait monter le ton. Au cours de l'été, plus de 5000 universitaires - notamment de grands intellectuels comme Noam Chomsky et Orhan Pamuk - ont signé une pétition demandant sa libération.

Mais l'organisation de la résistance à Concordia ne s'est pas faite sans que l'on soupèse bien toutes les conséquences.

«Tout cela était délicat, il ne fallait d'aucune façon mettre sa vie en danger», a fait remarquer Margie Mendell, une autre de ses collègues de l'Université Concordia.

Les choses étaient d'autant plus compliquées qu'Ottawa a rompu ses relations diplomatiques avec l'Iran en septembre 2012. Le gouvernement conservateur avait alors annoncé la fermeture immédiate de l'ambassade du Canada en Iran et l'expulsion de tous les diplomates iraniens en poste au Canada.

Un «grand soulagement»

Née en Iran, Mme Hoodfar est établie à Montréal depuis environ 30 ans, où elle a enseigné à l'Université Concordia.

Elle s'était rendue en Iran au début de février pour rendre visite à des proches et mener des recherches archivistiques à la bibliothèque parlementaire de Téhéran, d'après sa famille.

Le député Amir Khadir, de Québec solidaire, qui avait participé en juillet dernier à une grève de la faim symbolique pour dénoncer la détention de Mme Hoodfar et des prisonniers politiques en Iran, a quant à lui dit que cette libération lui apportait un «grand soulagement».

«C'est une aberration que cette citoyenne canadienne ait dû subir aussi longtemps les injonctions du régime autoritaire iranien», a-t-il cependant souligné dans un communiqué publié lundi.

«Les conditions de détention en Iran sont souvent inhumaines et ne visent qu'à humilier et à briser les individus. Lorsqu'il s'agit d'une personne ayant une autre nationalité, elle devient souvent un instrument politique pour obtenir des faveurs diplomatiques», a ajouté M. Khadir.

Pour leur part, l'organisation Avocats sans frontières du Canada et le Barreau du Québec ont salué le «délicat travail des autorités canadiennes dans ce dossier».

Mme Hoodfar aura eu au bout du compte plus de chance que la photographe montréalaise Zahra Kazemi qui, en 2003, est morte en détention dans cette même prison d'Evin, à Téhéran. 

- Avec La Presse canadienne et Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse