Toujours illégal pour quelques jours malgré l'annonce d'un projet-pilote avec Québec, le service UberX continue d'être la cible des contrôleurs routiers. Mardi, pas moins d'une quinzaine de voitures ont été saisies à Québec et dans la région montréalaise. Leurs chauffeurs écopent d'amendes salées de 3750 $.

Selon les règles dictées par la nouvelle loi sur le taxi, le projet-pilote annoncé par Québec ne peut entrer en vigueur que 20 jours après la publication de l'entente. Celui-ci ayant été présenté vendredi, ce n'est qu'à compter du 29 septembre que la loi sera en vigueur. D'ici là, le service UberX demeure illégal.

À Montréal, les inspecteurs du Bureau du taxi ont eu la directive d'appliquer la loi à la lettre d'ici la mise en application du projet-pilote. «Selon notre compréhension de la nouvelle loi en vigueur, l'entreprise Uber est actuellement en dehors du cadre légal, a indiqué la porte-parole du Bureau du taxi, Marie-Hélène Giguère. Nous appliquons ainsi la réglementation et nous continuerons de le faire avec discernement.»

Demande d'injonction

Ce flou juridique dans lequel se trouve le service de la multinationale californienne donne des munitions aux chauffeurs de taxi traditionnel, qui entendent demander une injonction dès demain pour forcer l'annulation de l'entente. «Nous avons la preuve qu'Uber a déjà violé l'entente avant même son entrée en vigueur», a lancé Benoit Jugand, porte-parole avec Guy Chevrette d'un nouveau front commun des chauffeurs de taxi qui a été mis sur pied mardi. Le regroupement enverra des «mises en demeure solides» au gouvernement dès aujourd'hui, a pour sa part annoncé M. Chevrette. «Jeudi, ce sera la demande d'injonction.»

Les chauffeurs de taxi soutiennent qu'en plus de fonctionner illégalement pendant cet intérim de 20 jours, Uber a violé certaines clauses de l'entente en modulant ses tarifs, à la sortie d'un spectacle au Centre Vidéotron vendredi, au-delà de 1,5 fois le prix normal d'une course.

Québec et Uber interprètent cependant différemment cette modalité du contrat, qui limite les modulations de prix en période d'achalandage à 1,5 fois le tarif affiché «en cas de force majeure» seulement. «La notion de "force majeure" reste à définir par le ministre. On parle de problèmes de panne du métro à Montréal, par exemple», a indiqué Mathieu Gaudrault, porte-parole du ministre des Transports, Laurent Lessard.

Hormis ces cas de «force majeure» qui seront déterminés «au cas par cas», Uber sera autorisé à augmenter ses tarifs à sa guise.

«Le ministre Lessard n'a jamais donné pour consigne [aux contrôleurs routiers] de ne pas appliquer la loi. On les laisse l'appliquer avec discernement», a par ailleurs ajouté M. Gaudrault. Contrôle routier Québec et le Bureau du taxi de Montréal ont tous deux indiqué avoir eu besoin de quelques jours d'analyse avant de conclure qu'ils devaient continuer les saisies jusqu'à l'entrée en vigueur du projet-pilote.

Dissension parmi les troupes

Les chauffeurs de taxi ont annoncé en début d'après-midi la création d'un front commun comprenant le Regroupement des travailleurs autonomes Métallos et le Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi.

Des membres discuteront d'un plan d'action pouvant aller jusqu'à une grève des taxis au cours des prochaines semaines. «Aucun moyen n'est exclu. On en a envisagé beaucoup, mais aucun n'est exclu», a insisté M. Chevrette, qui se dit conscient que les taxis pourraient «s'aliéner du monde» avec certains moyens d'action.

Mouhcine El Meliani, un propriétaire de taxi très actif depuis quelques semaines et qui dit représenter jusqu'à 500 chauffeurs, affirme n'avoir «plus rien à foutre» des stratégies des représentants de l'industrie du taxi. «Est-ce que Guy Chevrette et Benoit Jugand (les deux porte-parole du front commun) ont des permis de taxi? La réponse est non. Ils ne représentent en rien les propriétaires de taxi. Ils n'ont pas de légitimité», soutient-il.

Forts d'une liste détaillée de tous les propriétaires de taxi du Québec, M. El Meliani et un groupe d'autres propriétaires disent avoir entrepris de contacter tous les propriétaires de taxi montréalais pour les convaincre de prendre simultanément «quelques jours de vacances» en guise de moyen de pression. «C'est un rêve. Ça a 1% de chances de fonctionner. Mais si on se contente de klaxonner dans les rues, le gouvernement ne va jamais nous écouter.»