La réputation d'ouverture du Canada sera entachée avec les embûches qui ont été dressées sur le parcours de certains invités du Forum social mondial 2016 à Montréal, estime l'organisation.

À 24 heures de l'ouverture officielle du Forum social mondial, l'organisation a fait le point, lundi, au cours d'une rencontre avec la presse.

Selon le co-coordonnateur Raphaël Canet, les chiffres n'ont guère changé depuis qu'il a tiré la sonnette d'alarme, ces derniers jours, quant aux difficultés rencontrées par certains invités pour obtenir leur visa pour le Canada.

M. Canet rapporte avoir reçu 315 réponses à partir des 2000 lettres transmises et que, du nombre, ce sont toujours 70 pour cent qui ont vu leur demande de visa refusée, malgré les démarches des dernières heures de l'organisation pour tenter de faire débloquer des dossiers.

«Si on a moins de personnes, c'est probablement, malheureusement, le gouvernement du Canada qui va (...) en subir un petit coup, parce que ça entache un petit peu la réputation canadienne d'ouverture et d'accueil qu'on met toujours de l'avant», a critiqué Carminda MacLorin, co-coordonnatrice du FSM 2016.

«C'est très, très complexe la démarche d'obtention de visa. La procédure est longue et difficile. Et il y a un processus de privatisation d'assistance à la demande de visa. En général, le gouvernement dit «faites affaires avec une compagnie privée, qui va faciliter les démarches'. Et ça, ce sont des coûts supplémentaires. C'est triste parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas rentrer à cause de ce processus-là», a blâmé à son tour Raphaël Canet.

Des invités en provenance de pays d'Afrique sont particulièrement touchés, mais aussi de l'Amérique latine, rapporte l'organisation.

Mme MacLorin reste optimiste, puisque les inscriptions sont encore possibles sur place, au cours des prochaines heures. Le Forum social mondial débutera en effet par un rassemblement suivi d'une marche, mardi soir. «On a encore de l'espoir en général», a-t-elle commenté. D'ailleurs, traditionnellement, la majorité des participants viennent du pays hôte.

De son côté, Immigration Canada a déjà blâmé l'organisation, en rappelant qu'il fallait suivre toutes les procédures de façon rigoureuse et que, dans certains cas, cela avait fait défaut.

De leur côté, les organisateurs affirment qu'ils ont fait tout ce qu'ils étaient en mesure de faire pour faciliter les démarches. Plus récemment, ils ont contacté les cabinets du premier ministre Justin Trudeau, ainsi que des ministres de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, et des Affaires étrangères, Stéphane Dion.

Bien que «ça bouge un peu», selon M. Canet, la proportion globale de refus de visas est demeurée à 70 pour cent, a-t-il relaté.

On ignore encore le nombre final de participants. Pour le moment, on parle de 15 000 préinscriptions. On espère voir le nombre grimper peut-être de 10 000 ou plus au cours des prochaines heures. Mais certains avaient évoqué au départ 50 000 participants.

Mais l'organisation insiste: il faut mesurer le succès non pas tant en termes de chiffres qu'en termes de maintien d'un dialogue entre citoyens et organismes de la société civile de toutes les nations, ainsi que dans les solutions qui sont avancées pour créer un monde plus juste.

«Il faut dépasser l'espèce de fracture entre le Nord et le Sud, les pays développés, les pays moins développés, les pays riches, les pays pauvres. Les inégalités sociales, elles s'accroissent partout, qu'on soit au Nord, qu'on soit au Sud. On fait face aux mêmes problèmes globaux sur les questions environnementales. La finance est incontrôlable partout - on l'a vu avec les Panama Papers. Le pouvoir des dominants, le fameux 1 pour cent, est de plus en plus renforcé. Et on n'a jamais produit autant de richesses que dans le monde d'aujourd'hui», a tonné M. Canet.

Il avait été momentanément question que l'ancien rival d'Hillary Clinton, l'Américain Bernie Sanders, vienne au forum montréalais. Mais Mme MacLorin a précisé qu'il ne viendra finalement pas. Il a toutefois enregistré un message, qui sera diffusé au forum.

Les Forums sociaux mondiaux existent depuis 15 ans; ils sont le pendant de la société civile du Forum économique de Davos, qui réunit des dirigeants d'entreprises et de pays pour traiter des grandes questions économiques et financières. C'est la première fois qu'un Forum social mondial se tiendra dans l'hémisphère Nord.