Gilbert Rozon et d'autres promoteurs de Montréal tiendront leurs événements comme prévu.

L'idée était d'appeler les autorités et les promoteurs de gros événements pour savoir si Montréal était préparé au pire, au lendemain des funestes événements qui secouent présentement Nice.

Le grand manitou de Juste pour rire et désormais humoriste Gilbert Rozon avait pour nous une réponse aussi plate que remplie de gros bon sens : « Il n'y a aucune firme de sécurité ni aucune police qui peut empêcher un fou de prendre son camion pour aller frapper du monde », croit M. Rozon, au sujet de la tragédie qui a assombri la fête nationale française, survenue à la date anniversaire de la fondation de son festival, il y a 33 ans.

Gilbert Rozon estime qu'il n'est pas vraiment possible d'arrêter quelqu'un qui est déterminé à mettre fin à ses jours en entraînant des gens avec lui. 

« Oui, on peut faire de la prévention, mais il y aura toujours quelqu'un qui va réussir à passer entre les mailles du filet. »

- Gilbert Rozon, fondateur de Juste pour rire

Sans banaliser le drame, M. Rozon estime qu'il faut néanmoins relativiser les risques de se faire tuer dans un attentat terroriste. « Les odds sont moins pires de mourir de cette façon que dans un accident de voiture, mais le but de ces événements est avant tout de faire peur. Il y a combien de Centre Bell et de festivals remplis aujourd'hui sur la planète ? La vie continue. Il FAUT que la vie continue », martèle M. Rozon, qui refuse de laisser des actes isolés assombrir le monde en le privant de fêtes et de spectacles. « La seule option en ce moment, c'est de vivre, vivre et vivre. »

FIERTÉ MONTRÉAL À L'HEURE D'ORLANDO ET DE NICE

Le président et fondateur de Fierté Montréal se trouvait à Montpellier au moment où des dizaines de vies étaient fauchées sur la promenade des Anglais, à environ 300 kilomètres de là. « Le moral n'est pas très bon en France. Les rues sont pleines de militaires. On est dans une région de vacances, mais ce n'est pas la joie », raconte Éric Pineault, qui devait prendre part, à titre de président d'honneur, à l'événement Fierté Montpellier, annulé comme plusieurs autres célébrations dans le sud de l'Hexagone en raison de la tragédie (voir encadré ci-dessous) et pour respecter le deuil national. « On va rester ici toute la fin de semaine pour les soutenir et les conseiller, puisqu'on a la tête un peu plus froide. On va aussi organiser une collecte de fonds pour eux à notre retour à Montréal », promet M. Pineault.

L'association Fierté Montpellier a pour sa part lancé hier un appel aux dons, dans l'espoir de reporter l'événement à cet automne.

Éric Pineault assure que cet attentat - mais encore plus celui survenu récemment à Orlando (un homme avait ouvert le feu dans une boîte de nuit fréquentée par des personnes LGBT, faisant une cinquantaine de morts) - n'empêchera pas la tenue de l'événement Fierté Montréal, prévu du 8 au 14 août prochain. 

« Orlando nous a vraiment fait réfléchir, mais on a des réunions prévues avec les autorités à ce sujet en revenant au pays. »

-  Éric Pineault, président et fondateur de Fierté Montréal

M. Pineault rappelle que la reconnaissance de l'homosexualité reste à faire dans 73 pays. « Chaque année, on va dans une Fierté en milieu hostile. L'an passé, c'était en Ukraine. On est chanceux au Canada, dans les grands centres, de vivre quelque chose de hors norme par rapport au reste du monde », admet M. Pineault, néanmoins préoccupé par la banalisation de l'homophobie, notamment sur les réseaux sociaux.

UN CONTEXTE « QUI PROFITE AU TERRORISME »

En visite au Québec pour présenter une série de spectacles en marge du Zoofest, l'humoriste français Wary Nichen admet trouver difficile de vivre de tels événements à distance. « C'est une immense tristesse de voir ce qui se passe et que cette haine est en train de nous envahir », explique l'humoriste d'origine algérienne, qui fait partie de l'All-Star Comedy Club France, un spectacle piloté par Sugar Sammy et mettant en vedette plusieurs noms de la relève française.

« On cherche plutôt une ambiance joviale et festive, l'atmosphère est un peu irrespirable et c'est difficile de se projeter dans l'humour », souligne Nichen en parlant de la difficulté à faire son travail dans le contexte actuel. Quelques heures avant de grimper sur scène, il se demandait comment serait la réception du public au lendemain du drame. « Pour certains, ça peut faire du bien, avoir un effet thérapeutique, mais d'autres n'entendent pas à rire. On adaptera peut-être le texte pendant le spectacle », souligne Wary Nichen, qui aborde d'ailleurs des sujets délicats liés au terrorisme dans son numéro. L'humoriste, qui se trouvait à Paris le 13 novembre dernier, croit que le monde se radicalise actuellement. « C'est ce contexte de haine et de division qui profite au terrorisme », résume-t-il.

Du côté d'evenko - qui chapeaute de gros événements au Centre Bell, sans oublier le festival Osheaga qui s'ébranlera prochainement -, on assure tenir compte de l'actualité, sans toutefois pouvoir préciser si des mesures particulières seront prises. « C'est dur à dire, puisque ça vient d'arriver, mais tous ces événements sont pris en considération », a souligné la porte-parole Christine Montreuil.

Enfin, le Service de police de la Ville de Montréal et le maire Denis Coderre ont préféré ne pas participer à notre reportage.

L'EFFET « NICE » SUR LA SCÈNE CULTURELLE

Par respect ou par crainte, la plupart des événements prévus ce week-end ont été annulés dans le sud de la France, à commencer par Nice. Là-bas, les concerts de la vedette pop Rihanna (prévu hier soir au stade Allianz Riviera) et ceux d'Adamo et de Miss America ont été annulés. Même chose pour plusieurs autres spectacles dans la région, comme Pink Martini à Monte-Carlo, Buddy Guy à Juan-les-Pins, le feu d'artifice de Marseille et l'ensemble des événements au menu à Cannes. Certains promoteurs ont en revanche décidé de maintenir leur programmation, notamment les Francofolies de La Rochelle et le Festival d'Avignon. Un des spectacles de ce dernier a d'ailleurs été tristement rattrapé par l'actualité. En effet, l'épilogue de la pièce Les damnés, mise en scène par Ivo van Hove d'après le scénario de Visconti et jouée par la troupe de la Comédie-Française, a beaucoup fait parler de lui, traumatisant de nombreux spectateurs. Sur le programme figure d'ailleurs un avertissement précisant que certains passages de ce spectacle sont susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes. La pièce se termine par une fusillade fictive de la salle. À la suite de l'attentat de Nice, cette dernière scène a été changée.